VIE PUBLIQUE, VIE PRIVÉE: La fin justifie-t-elle les moyens?

Un homme rapporta à Omar, devenu chef des musulmans, que son voisin s’adonnait à des actes illicites.  Omar lui  en demanda  la preuve. L’homme admit qu’il espionnait son voisin, jusqu’à l’épier  le soir à l’intérieur de sa maison. Omar ne  fit  rien contre le voisin mais sanctionna l’homme qui avait violé l’intimité de ce dernier.
 La rigueur d’Omar est connue, mais il savait discerner entre les moyens et la fin. N’avait-il pas aussi interdit d’amputer la  main de celui  qui  avait volé  parce que sévissait la  famine ?  Dans le cas susmentionné, Omar avait compris toute la portée de la Révélation ordonnant de ne pas espionner autrui.  La preuve ainsi obtenue est inadmissible même si le délit, le péché  même, commis entre quatre murs est grave.  Ce sera à Dieu d’en juger, et non au tribunal des hommes. Il pardonne qui Il veut, Il punit qui Il veut.
 En Islam, la fin ne justifie pas les moyens. A la lumière de ce même principe,  il est interdit de torturer, même le pire des coupables, afin d’en tirer une information pourtant utile.  Encore une fois, il s’agit du respect de la dignité de l’être humain, son corps comme sa vie privée en fait partie intégrante.
 De la répression policière à Ferguson aux USA jusqu’aux F16  tuant des innocents à  Gaza,  en passant par toute personne qui utilise la violence pour se faire comprendre, en voilà tant d’exemples où  certains se permettent tous les moyens pour atteindre une certaine finalité. Il y a aussi une disproportion entre ce qui est perçu d’un côté comme une menace potentielle et de l’autre côté ce qui est une vraie réplique aveugle, meurtrière même.  Un soupçon de délinquance,  quelques roquettes artisanales ou une difficulté de compréhension ne justifient pas en retour, respectivement, six balles dont deux en pleine tête, des milliers de morts ou encore une punition corporelle.  L’intention de faire respecter la loi, la sécurité ou encore un droit quelconque ne peut justifier tous les moyens. Et lorsque cette intention est subjective, sinon douteuse,  il y a aussi lieu de se poser des questions sur la justesse de la finalité elle-même.
 À chaque fois qu’il y a un abus des moyens, au lieu d’atteindre la fin envisagée nous nous en éloignons.  Le vivre ensemble,  la paix  ou encore l’éducation, par exemple, ne se réalisent pas par la loi du plus fort, du plus violent.  La vie privée d’une personne, non plus, ne s’améliore pas  par la dénonciation. A-t-on pensé à l’honneur des autres personnes concernées, la famille et les enfants de ceux que nous voulons dénigrer ?  Depuis quand lutte-t-on contre la corruption et pour la bonne gouvernance en s’attaquant à la vie privée des gens ? Ce n’est qu’une illusion que de croire que nous enrayerons ainsi nos problèmes. C’est comme croire que la police paramilitaire de Ferguson ou encore  la superpuissance de Tsahal apportera le calme là où elle intervient.
 Admettons,  toutefois, que si les cas où il y a un abus des moyens augmentent, ici comme ailleurs, c’est parce que les institutions ne jouent pas totalement leurs rôles.  Lorsque la police à Ferguson, les Nations unies dans le monde ou encore l’Opposition, ici, manquent à leurs devoirs, il y a une mise en oeuvre de moyens qui ne sont  convenables à certaines fins. Des citoyens, des manifestants, des politiques, des résistants, des médias finissent par déraper. Il n’en résulte pas seulement un Assange ou un Snowden. Dans certains cas, comme en Iraq et en Syrie, des forces s’organisent  et ce qui est d’abord une lutte pour la justice peut devenir une force destructrice qui ne respecte rien.  Des innocents sont pris pour cibles parce qu’ils ne sont pas de la bonne religion, ethnie ou école de pensée.  En pensant que tous les moyens sont bons pour atteindre un objectif, certains finissent par trahir les principes qu’ils disent défendre.  Les moyens deviennent même des fins en soi, l’accès aux armes et la manipulation de ceux qui ont des intérêts en jeu faisant le reste.
 Il faut appeler au respect universel d’une éthique que ce soit en politique, en journalisme,  en matière d’éducation et de formation ou encore dans le cadre d’un conflit international. Tout n’est pas permis. Pour ce qui est de la vie privée, même si le respect est de mise, cela ne signifie nullement qu’une personnalité publique ne doit avoir aucune conduite morale.  L’intégrité de tout être passe par un refus de toute forme de schizophrénie. Mais laissons Dieu juger, même si tout électeur a bien le pouvoir de se transformer en bourreau au sein de l’isoloir.

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