Sans foi ni loi !

L’information annoncée dans Le Mauricien/Week-End à l’effet que les prize money offerts par le nouvel et désormais unique organisateur des courses, People’s Turf PLC, allait, dès la quinzième journée,— sans foi ni loi — connaître une nouvelle baisse substantielle de 50% et plus, après celle aussi conséquente du début de saison, a été confirmée viva voce par le CEO de cette compagnie. Lors de sa conférence de presse affligeante à souhait, tant les arguments avancés par l’auteur étaient niais dans le ton et dans le verbe, Khuwant Kumar Ubheeram a été jeté en pâture aux mains de la presse et du public par ses deux patrons Jean Michel Lee Shim et Kamal Taposeea — qui ne montent, eux, au créneau que pour la glorification de leurs œuvres et leurs personnes. Il a dû avouer publiquement que People’s Turf PLC se trouve confronté à de sérieuses difficultés financières et se doit de prendre des mesures de précaution drastiques pour éviter de se retrouver dans la même situation financière que son prédécesseur. Le but avoué étant de s’assurer de la pérennité des courses dans notre pays…
On ne sait s’il faut en rire ou en pleurer, on a entre autres appris que sans PTP, nous, journalistes hippiques, nous aurions déjà disparu… Merci PTP !!! Pour être plus sérieux, disons que PTP ne justifie pas sa posture délicate par la seule situation économique qui prévaut dans le pays comme une grande partie des entreprises locales, il la met plutôt sur le dos sur ses investissements massifs dans les nouvelles infrastructures — qui ont défiguré la plaine du Champ de Mars —, l’entretien des pistes d’entraînement et de courses, qui pèsent effectivement lourd dans la balance, et l’incontournable masse salariale des employés, et surtout de leur encombrante et incontournable flopée de bouncers pour la sécurité des nouveaux maîtres des lieux.
Pour ceux qui se présentaient comme le nec plus ultra de la gestion financière et de l’organisation des courses, dans un contexte de soutien gouvernemental tous azimuts jusqu’à très récemment, ce déculottage avoué publiquement par ceux qui faisaient, il y a peu de temps encore, la leçon au Mauritius Turf Club, est encore bien plus damming qu’il ne paraît. En tout cas pour ceux qui crient sur tous les toits qu’ils sont et seront le sauveur des courses à Maurice. Que leurs voix soient entendues au royaume des cieux ! Mais pour l’heure, c’est le diable qui veille…
Ubheeram a invoqué une crise planétaire de l’industrie hippique, une volonté de PTP de prévoir et de pouvoir présenter un bilan positif à la fin de l’année afin d’être en position de renouveler sa licence d’organisateur et de sauver l’emploi pour éviter une manifestation publique à leur encontre. Tout cela fait un peu léger pour avoir été contraint à s’auto-humilier quelques mois après avoir pris le pouvoir exclusif de l’organisation des courses. Tout le monde sait que les investissements infrastructurels massifs effectués par PTP depuis sa mise en opération ne faisaient pas partie du business model de Jean Michel Lee Shim au départ lorsqu’il avait jeté son dévolu sur les courses mauriciennes. Un petit retour en arrière n’est pas inutile pour comprendre comment on en est arrivé là !!!
Le plan était tout autre : prendre le contrôle du club, MTC, à travers sa subsidiaire compagnie publique, MTCSL, structure qui a été imposée au MTC par un amendement à la loi de la GRA et qui permet à des tiers d’en prendre le contrôle. Un soft coup d’État, avec la bénédiction du PMO, était à l’époque mijoté à travers des réunions de la GRA de Dev Bheekary, de Kamal Taposeea, le président d’alors du MTC et aujourd’hui président de PTP, et d’autres membres du MTC sous le couvert bien commode d’un non-disclosure agreement.
Le pot aux roses, rendu public dans ces colonnes, a fait capoter l’affaire, d’autant que le transfert prévu des assets du MTC a été bloqué par le président Giraud. D’où l’escalade qui a suivi après pour ce qui a été la mise à mort du MTC, piloté de l’Assemblée nationale par nulle autre que le Premier ministre lui-même, et des amendements ciblés inscrits, chaque année au Finance Bill. Qu’on se le dise, et l’histoire retiendra aussi que le MTC, qui avait de lui-même déjà mis beaucoup de plomb dans ses ailes, a aussi payé chèrement sa résistance à la volonté du gouvernement de confier les courses sur un plateau à l’un de ses financiers de l’ombre.
D’où l’alternative People’s Turf PLC, qui s’est retrouvé trop vite, seul, aux commandes de l’industrie hippique et qui, a dû, d’emblée — dès sa deuxième année d’existence —, porter tout le poids de l’industrie sur ses frêles épaules, dans un contexte et une conjoncture défavorables économiquement qui a entraîné une baisse sensible des paris et des enjeux, induite également par une réelle problématique de crédibilité de PTP auprès du public turfiste, dont nombre ont aussi quitté le circuit avec la fermeture du MTC.
Aussi, pour le pôle courses, Jean Michel Lee Shim a étendu sa mainmise totale sur une nébuleuse comprenant de nombreux chevaux, entraîneurs et jockeys à sa charge, en sus de ses dépenses opérationnelles pour son centre d’entraînement de Balaclava à Petit Gamin. En ce faisant, les prize money et ce qu’il doit à ses « employés » ou « associés » reste en gros en circuit fermé. Il a aussi mis sur pied sa politique de lease de chevaux auprès du public pour alléger les charges d’entretien de ses équidés et s’est appuyé sur quelques betting coups pour renflouer ses besoins financiers, quitte à laisser en route des jockeys lourdement sanctionnés comme Fayd’herbe, dans le vol à main armé pour sa monte scandaleuse sur Castle Of Glass en mai dernier.
Ce système a tenu la route jusqu’à ce qu’entrent en compétition les entraînements que nous qualifierons d’indépendants, puisqu’ils fonctionnement totalement hors de l’autorité de JMLS. Petit à petit, les prize money ont quitté le circuit interne avec la victoire de ces indépendants, doublés de gros paris gagnants, qui ont cette fois touché le monde du pari où règne aussi JMLS. Depuis, des rumeurs, confirmées dans les faits, de retards de paiement et des factures s’accumulant ont alimenté les conversations dans les chaumières. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase est intervenue samedi dernier lorsque les indépendants ont raflé les huit courses au programme, sans compter des gains massifs aux paris qui ont fait souffrir le magnat des paris sur deux fronts. Les attaques ciblées sous la ceinture dans son organe de presse vis-à-vis du Chief Stipe et d’un entraîneur en particulier ne laissent aucun doute quant au mal fait à son porte-monnaie. C’est dans cette optique que K. K. Ubheeram évoque le fait que la baisse des stakes money ne gênera pas les betting stables.
Cela dit, il est inconcevable qu’un organisateur de courses puisse décider à sa guise de la baisse du prize money et non les stakes money comme nous l’appelons généralement à Maurice. Surtout en cours de saison, alors que les propriétaires ont déjà fait l’acquisition des chevaux sur la base des primes attendues sur la politique en cours. Un changement à la baisse ne peut pas être justifié sur le fait que des entraînements ou des propriétaires compenseront la baisse des prize money par des paris chez les bookmakers. La première relève du devoir de l’organisateur des courses, alors que le deuxième de la prise de risque de l’entourage du cheval en misant son argent chez un bookmaker. Il est choquant que ni la HRD ni la GRA, en l’état, ne se soient intéressés à réglementer le prize money, qui est un élément fondamental de la vie des courses.
Le meilleur exemple d’une pratique saine et équitable vient évidemment de la maison mère des courses hippiques, la Grande-Bretagne, que JMLS connaît bien pour en être un résident lorsqu’il s’exile de Maurice. Les entraîneurs tirent principalement leurs revenus des frais d’entraînement — payés par le propriétaire —, tandis que les propriétaires de chevaux de courses comptent sur les prix offerts par l’organisateur des courses pour rentabiliser leurs investissements considérables dans l’achat et l’entretien des chevaux.
L’organisateur des courses obtient l’argent des propriétaires lorsqu’ils entrent leurs chevaux dans une épreuve sous forme de droits d’entrée — ce sont les stakes money qui n’existent pour l’instant pas à Maurice —, et l’argent obtenu sous forme de prélèvement des enjeux des organisateurs de paris, d’entrées du public sur l’hippodrome, de publicité, de droits télévisuels et, à partir d’autres sources comme tous ceux qui ont une activité commerciale sur l’hippodrome le jour des courses. Cet argent est distribué conformément aux règles en vigueur et conditions des courses. Il existe aussi des fonds de prélèvement qui reçoivent des contributions des bookmakers ou d’autres sources pour aider à financer les courses de chevaux. Et ce afin de faire accroître les revenus des propriétaires pour leur permettre de racheter de nouveaux chevaux de qualité et non des canassons, car les turfistes aiment les belles et grandes courses classiques de haute facture opposant des champions.
PTP semble expliquer que cette nouvelle baisse de prize money est pour assurer sa propre survie. Soit ! Mais survivra-t-il sans propriétaires de chevaux si ceux-ci n’arrivent pas à au moins recouvrer leurs investissements initiaux. À moins qu’il n’y ait un agenda plus malsain qui consiste à vouloir rendre la vie de ces entités indépendantes plus risquée, avec à terme une mise de la clé sous le paillasson. En Grande-Bretagne, ils ont trouvé la parade à toute mesquinerie potentielle d’un organisateur de courses, qui par ailleurs doit se battre contre de nombreux autres concurrents pour attirer chez eux les propriétaires de chevaux. Comme ce fut le cas la saison passée lorsque PTP avait proposé des prize money même aux chevaux non-placés pour concurrencer le MTC. Ainsi, la British Horseracing Authority fixe chaque saison des niveaux minimums de prize money. Cela permet de préserver l’intégrité de la majorité des courses et d’empêcher les organisateurs de courses d’engranger des revenus sans les réinvestir dans le sport.
Food for thought and for action pour la GRA et la HRD pour prémunir PTP ou tout autre organisateur des courses à l’avenir de gérer sans foi ni loi les revenus ou toute forme de prize money ou de stakes money, ceux qui sont les mères nourricières des courses, les propriétaires qui méritent plus de considération et de respect que d’être uniquement assimilés au rôle de punter ou de betting owner !

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