Les éternels oubliés

Lorsque l’on évoque le changement climatique et ses conséquences, l’on pense invariablement au réchauffement de la planète et à l’augmentation du nombre et de l’intensité des catastrophes (ouragans, sécheresses, inondations, incendies…) liées à ce phénomène anthropique. Avec pour résultat d’hypothéquer sérieusement, et de manière directe, la survie de l’humanité. Ce qui est bien sûr vrai. Mais cette perception anthropocentriste occulte d’autres conséquences tout aussi dramatiques, et dont nous ne mesurons absolument pas l’importance. Y compris sur notre propre devenir. Car le sort que nous réservons – non par ignorance, mais par nonchalance – aux autres espèces n’est guère plus réjouissant.
Certes, le vivant, dans sa globalité, aura à payer un lourd tribu dans les années et décennies à venir si le climat continue de s’emballer. Pour autant, et même si aucune nouvelle disparition d’espèce – animale ou végétale – n’est bien évidemment souhaitable, toutes n’ont pas le même rôle à jouer, et certaines sont plus primordiales que d’autres au maintien de l’équilibre biologique. C’est le cas des insectes, et dont notre survie dépend directement. Et pourtant… on s’en fout royalement ! Occultant le fait que, tout comme pour l’ensemble des autres habitants de notre planète, ils sont infiniment plus nombreux que nous, puisque l’humain ne constitue que 0,01% du vivant sur Terre.
Du fait de leur petitesse, probablement, nous ne nous soucions pas de leur simple existence. Autant que de leur disparition, lente, mais certaine. Car la disparition des insectes n’est pas une chimère ; elle est même en marche depuis des décennies déjà. Principalement du fait de l’activité humaine, et sans que l’on ne le réalise vraiment, trop occupés que nous sommes à nous focaliser sur des sujets nous semblant bien plus cruciaux. Et l’on ne parle bien entendu pas de ces insectes qui, chaque jour, viennent s’écraser sur le pare-brise de nos voitures.
Et d’ailleurs, pourquoi devrait-on s’en émouvoir davantage, alors que ces êtres minuscules ne sont pas dotés de conscience ? Eh bien pour plusieurs raisons, à commencer peut-être parce que, justement, nous sommes, nous, censés en avons une. Et que nous sommes par conséquent supposés mesurer la portée de nos actions sur les espèces qui, elles, en sont dépourvues. Mais aussi pour des raisons plus « terre à terre », plus prosaïques. Parce que, sans le savoir, les insectes travaillent, jour après jour, pour la survie de « l’écosystème Terre », et dont nous constituons l’ultime maillon (non pas en nombre, mais en termes d’évolution). De fait, même si le monde encore méconnu des insectes traîne derrière lui une mauvaise réputation, sans lui, nous ne pourrions simplement vivre. Et ce, pour la simple et bonne raison que les insectes sont à la base même du maintien de l’équilibre indispensable du vivant.
Le souci vient en partie de notre méconnaissance de la question, tant il est difficile de mesurer réellement le déclin de tant d’espèces. D’autant que nous sommes encore loin de toutes les connaître. Aussi, ces imprécisions et ces combats de chiffres, et que l’on ne peut qu’extrapoler, font le lit des sceptiques. Qui peuvent dès lors dormir tranquilles, du moins tant que ne se seront définitivement tues ces querelles d’experts.
Les quelques chiffres dont nous disposons donnent pourtant le tournis. Ainsi, une étude de Biological Conservation révèle que 40% des espèces d’insectes sont en déclin à travers la planète. La FAO, elle, affirme que la population de pollinisateurs (abeilles, papillons…) a diminué de 20% depuis le début du siècle. Tandis qu’une étude allemande fait état d’une baisse de 76% de la biomasse des insectes volants dans les zones protégées, en France, le taux atteindrait -34%… en l’espace de dix ans. Autant dire que même si l’on note çà et là des discordances dans les statistiques, il n’en reste pas moins que l’on assiste bel et bien à un déclin des populations d’insectes. Et cela, personne ne peut le contester.
Pendant ce temps, nous poursuivons tranquillement nos pratiques agricoles à grand renfort d’insecticides, de fongicides, d’herbicides, nous attaquant tout autant donc aux nuisibles qu’à nos « auxiliaires de culture ». Nous détruisons leur habitat, nous pratiquons l’extermination de masse. Et nous poursuivons nos activités sans nous soucier de l’incidence des phénomènes climatiques que nous leur imposons ! Autant dire que nos insectes sont en mauvaise posture, même si certains d’entre eux survivront bien à notre folie.

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