L’humain au banc des accusés

D’un bout à l’autre de l’hémisphère nord, les calamités naturelles – canicules historiques, pluies diluviennes, sècheresses prolongées, feux des forêts etc –, s’enchaînent, matérialisant comme jamais, la réalité du réchauffement climatique, affectant la vie des milliards d’habitants de la planète. Ce qui indique que l’humanité est bel et bien dans une crise écologique majeure, conséquence de l’irresponsabilité humaine traduite en pratique par une utilisation inconsidérée et abusive des énergies fossiles pour façonner la croissance économique tant convoitée. Mais le problème de l’environnement et ses effets nuisibles sur toutes les autres espèces existantes ne datent pas d’hier et sont connus de tous, mis à part des climatosceptiques, possédant, sans doute, des liens étroits avec des multinationales pétrolières. Cependant, au nom du développement économique, tous les grands décideurs de la politique mondiale préfèrent détourner le regard pour ne pas perdre leur prestance et influence sur le circuit international. Car, que ce soit sur le plan individuel, national ou mondial, la richesse qui va de pair avec puissance, dans le sens le plus large du terme, prime sur toutes les autres considérations existentielles et oblitère totalement la vision sur le long terme pour se focaliser uniquement sur le confort du moment. Autrement dit, aussi longtemps que la croissance est assurée, tous les autres paramètres économiques mais également écologiques sont relégués à un niveau d’importance minimale.

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Ainsi, l’accumulation du gaz carbonique (CO2) dans l’atmosphère – un des principaux déchets de la production industrielle et une des causes majeures de l’effet de serre – a complètement été sous-estimée et les conséquences de cette insouciance de la part des dirigeants mondiaux nous éclatent aujourd’hui au visage de manière cinglante. En effet, la concentration du CO2 a atteint un niveau de 50% plus élevé que durant l’ère préindustrielle, du jamais vu sur Terre depuis environ 4 millions d’années. De 280 ppm (parties par million), la concentration du gaz est passée à 417 ppm en 2020 pour atteindre 420 ppm l’an dernier, selon l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA). Or, tous les efforts auraient dû être conjugués afin de contrer une telle tendance délétère en laissant sous terre une bonne partie des hydrocarbures polluants pour se concentrer sur les énergies propres présentes déjà à la surface.

Les décideurs politiques globaux doivent assumer leurs responsabilités devant l’histoire et réaliser que leurs instincts pernicieux consistant à recourir aux ressources énergétiques pourtant cachées des regards de l’homme pour des raisons évidentes sont totalement incompatibles avec leur engagement pris – pour la galerie ? – lors des sommets et COPs de limiter l’augmentation de la température atmosphérique à +2°C d’ici 2030. Pour atteindre un tel objectif à l’échelle planétaire, il faudrait renoncer d’exploiter, a minima, un tiers des ressources pétrolières, la moitié des réserves de gaz et plus de 80% du charbon.  Or, dans ce monde hautement compétitif où l’évolution économique se déroule à la vitesse grand V, qui oserait même compromettre le rythme de son développement au risque de perdre sa place sur l’échelle de la puissance mondiale ? Ainsi, le changement climatique d’origine anthropique qui amplifie les phénomènes météorologiques naturels pourrait faire de 2023 l’année la plus chaude jamais enregistrée, prévoient les scientifiques qui avertissent également que ces phénomènes extrêmes risquent de devenir la nouvelle norme, qui pourrait même encore empirer en durée et intensité, si des mesures ne sont pas prises immédiatement.

Et il va sans dire que, si un petit État insulaire comme le nôtre ne pourrait, en aucun cas, échapper à la tendance écologique globale, à notre niveau toutefois, tout doit être entrepris afin d’assainir notre environnement immédiat et, simultanément, notre mode de vie par, entre autres, une gestion responsable de nos déchets mettant l’accent sur leur réduction et transformation afin de pouvoir diminuer notre trop grande dépendance sur les produits chimiques dans le domaine agricole. Or, depuis l’entrée en vigueur de la Use of Pesticides Act en 2018, très peu d’entre nous se hasarderaient à reconnaître une quelconque amélioration dans ce domaine à Maurice. D’ailleurs, le Pesticides Regulatory Office mis sur pied sous cette loi, est-il vraiment convenablement équipé pour mener à bien sa mission de protéger la population de ces produits de haute toxicité dont 90% n’atteignent jamais leurs cibles mais se perdent dans la nature, contaminant l’environnement et les écosystèmes ?

  D’autre part, même si le nombre d’échantillons (110) dépassant le Maximum Residue Level (MRL) de pesticides peut paraître peu significatif par rapport au nombre total d’échantillons analysés (3177), comme dévoilé par le ministre de l’Agro-industrie le 4 juillet dernier au Parlement, force est d’admettre cependant qu’un seul cas constitue un cas de trop vu l’effet cumulatif produit par des substances toxiques dans l’organisme. Qu’en est-il, justement, de la recherche pour la mise en œuvre des biopesticides impliquant, par exemple, des souches de champignons non pathogènes isolés des sols résistants et démontrant des propriétés antagonistes à certains agents nuisibles ? En outre, il est temps de se passer de la tendance agricole traditionnelle mettant l’accent sur la méthode curative en adoptant la méthode préventive, comportant des pratiques culturales saines telles l’utilisation des biofertilisants, la rotation des cultures, la préparation optimale des sols, etc. Car une plante en bonne santé possédant une immunité renforcée pourrait, bien évidemment, susciter une réduction considérable de l’utilisation des pesticides et autres produits phytosanitaires dans les champs. Et il va sans dire que l’assainissement correspondant de la chaîne alimentaire aiderait considérablement à prévenir de nombreuses maladies associées telles les cancers, les maladies respiratoires et neurodégénératives, entre autres.

Finalement, à un moment où il est beaucoup question de la sécurité alimentaire, de l’autosuffisance, de l’agroécologie, etc, un secteur aussi vaste et vital que l’Agriculture ne peut se permettre de se passer d’un ministre à plein temps avec une connaissance de base du domaine, comme c’est malheureusement le cas actuellement chez nous.

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