Sunil Jeewoonarain, secrétaire de la Mauritius Bus Owners Cooperative Federation : « La drogue devient inquiétante dans l’industrie du transport »

« Il ne faut pas considérer les opérateurs d’autobus individuels comme des indésirables. » C’est ce qu’affirme Sunil Jeenarain, secrétaire de la Mauritius Bus Owners Cooperative Federation (MBOCF), qui regroupe 700 membres à travers le pays. Pour lui, les critiques émises à l’ensemble des opérateurs d’autobus individuels ne sont pas justifiées.

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Dans l’interview qui suit, il explique les conditions dans lesquelles ils sont appelés à travailler. Les problèmes dans ce secteur sont innombrables, et ce qui retient le plus d’attention concerne la drogue qui touche le personnel des opérateurs d’autobus. Le secrétaire de la MBOCF évoque aussi la nécessité pour le gouvernement de réviser à la hausse l’allocation accordée aux autobus pour transporter gratuitement les personnes âgées et les étudiants.

Aussi, il craint que l’introduction du Metro-Express dans les villages n’entraîne la mort de certains opérateurs. Pour l’heure, il avance que les membres de l’association continueront à opérer malgré les difficultés. Il parle aussi d’un cruel manque de main-d’œuvre pour les opérateurs d’autobus individuels, ce qui fait que bon nombre d’autobus sont obligés de rester au garage.

Quels sont les principaux problèmes qui affectent les opérations des autobus individuels actuellement?

Les opérateurs d’autobus sont confrontés actuellement à d’innombrables problèmes. Le plus récent : un manque de main-d’œuvre, plus particulièrement en ce qu’il s’agit des receveurs et des chauffeurs d’autobus. Il y a eu récemment un appel à candidatures pour ces deux postes de la part de la Corporation Nationale de Transport (CNT).

Du jour au lendemain, plusieurs travailleurs de ces deux catégories ont quitté leurs postes pour postuler sans pour autant donner des préavis à leurs employeurs. Cette situation a créé un malaise chez des opérateurs d’autobus individuels. En raison d’un manque de main-d’oeuvre, beaucoup de propriétaires d’autobus individuels ont laissé leurs véhicules.

Pour éviter de faire les frais de cette situation, ces propriétaires ont alors recruté rapidement, et sans le savoir, ils ont embauché parmi les travailleurs des toxicomanes et ceux qui manquent d’expérience sur le terrain. Avec un préavis, nous aurions pu dispenser des cours de formation aux recrues. La situation aurait été autre, et ce secteur aurait pu opérer dans la tranquillité.

C’est depuis novembre dernier que la CNT a lancé un appel à candidatures, et beaucoup de nos employés ont profité de l’occasion pour faire la demande vers la fin de l’année. Ce que ce mois-ci, ceux ayant postulé à ces postes ont rejoint la CNT, qui aurait dû demander à ces employés de donner un préavis selon les dispositions de la loi. Je ne sais pas comment interpréter ce genre situation. Est-ce un sabotage? Je ne sais pas. Mais le résultat final est le suivant: bokou bis pe dormi dan garaz.

Quelle est donc la solution?

Sur le plan local, il y a un manque de chauffeurs et de receveurs professionnels. Nous avons dans un premier temps étudié la possibilité de recruter des chauffeurs étrangers. Nous avons également constaté qu’il y a aussi bien de complications au niveau des procédures de recrutement.

Le recrutement des chauffeurs étrangers peut prendre plusieurs mois, voire quatre mois environ, si nous prenons en compte le permis de Lodging and Accommodation et celui du travail. Ce sont des démarches qui prennent du temps pour aboutir et entre-temps le problème va perdurer et le public voyageur souffre.

Nous avons fait nos calculs. Il nous manque au moins une centaine de chauffeurs et de receveurs d’autobus chez les opérateurs individuels qui se sont regroupés au sein de la fédération. Le problème est donc urgent. Le contrat que nous avons signé avec le gouvernement quant au transport gratuit est un autre problème qui nous fatigue en ce moment.

Le mémorandum indique que si le ticket d’autobus augmente, le gouvernement révisera à la hausse l’allocation versée aux opérateurs d’autobus. Ce quantum n’a pas changé depuis 2013. Depuis cette année-là, le coût d’achat d’un autobus neuf est passé de Rs 3.5 millions à Rs 5 millions. Avec le quantum pratiqué par le gouvernement, la place réservée pour une personne âgée dans un autobus revient à Rs 6. Le gouvernement nous accorde Rs 575 mensuellement par jour par autobus.

Un autobus par jour transporte une centaine de personnes âgées. Si on procède au calcul, cela revient à Rs 6. Rs 6 pour un siège est totalement dérisoire en 2024. We have signed a contract with the government. Nous sommes parvenus à la conclusion que ce serait une perte de temps de se battre avec le gouvernement, car il dispose de beaucoup de ressources pour se défendre.

Au lieu de se battre pour une meilleure qualité de service et améliorer le réseau de ramassage des passagers, maintenant on a dû référer l’affaire à la justice pour obtenir notre dû. Comment voulez-vous maintenant que les travailleurs des opérateurs des autobus soient bien lotis pour pouvoir tir zot rasion. Cela fait onze ans que le quantum n’a pas changé.

À ce jour, je dois dire que les opérateurs d’autobus individuels opèrent dans une situation de Break-Even. En sus de cela, les opérateurs illégaux, communément appelés vans marrons ou taxi marrons, nous causent un tort immense en termes de manque à gagner. Zot grat kot anvi, zot vir kot zot anvi … sans s’inquiéter des autorités. Nous nous retrouvons donc dans une situation où un opérateur d’autobus individuel « al tir li osi enn van 15 plas ek li osi komans grate ».

This type of situation clearly encourages individual operators to make connections. Les autorités sont dépassées par les agissements de ces opérateurs illégaux. Pour que la qualité de service s’améliore, il faut que les autorités soient en mesure de mettre de l’ordre dans l’industrie du transport en commun.

Les vans marrons sont autorisés à stopper sur des doubles lignes jaunes pour cueillir des passagers et même lancer des appels aux passagers sur les arrêts d’autobus pour prendre leur transport. Savez-vous que la loi interdit à un opérateur individuel de crier pour inviter les passagers à prendre le bus? Il peut tout simplement donner des renseignements sur la destination à un passager. Il ne peut pas procéder à un canvassing de passagers.

Par contre, les taxis marrons s’adonnent à coeur joie à cette pratique, comme tel est le cas à La-Louise. Ils garent leurs véhicules sur les lignes jaunes et parfois sur les trottoirs sans être inquiétés. Je ne sais pas pourquoi les autorités refusent d’agir alors que le problème se situe à vue d’oeil. Très peu de contraventions sont dressées alors qu’un grand nombre d’opérateurs illégaux ont cours dans le pays au vu et au su de tous. I have the impression that the problem is now out of control.

Quels sont les problèmes que vous rencontrez actuellement avec les recrues ?

Nous avons constaté ces derniers temps un problème de Pilferage, voire le vol des recettes des autobus. De nombreux receveurs d’autobus Pe rant dan sintetik. Nous n’avons pas les compétences appropriées pour empêcher les receveurs d’autobus de ne pas tomber dans ce fléau.

Mais je peux dire que cette situation inquiète car cela a commencé à toucher les travailleurs du transport à la gare et des recettes d’opérateurs sont pillées. Pour résoudre ce problème, il faudra que le gouvernement vienne très vite avec l’introduction du Cashless Payment pour toute l’industrie du transport.

Si l’industrie du transport souffre, le public voyageur subira cela en termes de qualité de service. Maintenant, on doit se battre sur plusieurs fronts; contre les opérateurs illégaux, contre le Pilferage, contre la non-révision de notre accord avec le gouvernement, alors que nous aurions pu dépenser toute cette énergie dans l’amélioration de la qualité de nos services pour que les gens viennent vers nous au lieu de prendre leurs voitures.

Le gouvernement devrait d’abord respecter les clauses du mémorandum qu’il a signé avec nous. C’est un mauvais signal que le gouvernement est en train de transmettre aux opérateurs. L’allocation qu’il nous accorde doit être ajustée avec les nouveaux tarifs de 2022. Il faut donc que le gouvernement révise le quantum mensuel en fonction du pourcentage d’augmentation des tarifs d’autobus.

Le mémorandum que nous avons signé est clair. Le quantum peut être révisé si l’une des deux parties décide de le faire ou si les tarifs d’autobus accusent une hausse. Les tarifs d’autobus ont augmenté en 2022, et le gouvernement refuse toujours de réviser à la hausse ce quantum deux ans après. Nous avons ainsi logé une affaire en Cour suprême, et il y a maintenant des échanges de Particulars. Tout est noir sur blanc, et pourtant le gouvernement refuse de comprendre.

Des milliers de gens voyagent dans nos autobus et ils attendent que les services s’améliorent. We need to invest in the renewal of our fleet of vehicles. Malgré cette situation, certains opérateurs sont contraints de contracter de gros emprunts pour renouveler leurs flottes de véhicules.

En faisant cela, leur marge de profit prend un sérieux coup. Si le profit des opérateurs d’autobus continue à baisser, il est fort probable que certains ne soient plus intéressés à poursuivre leurs opérations dans le temps. On doit donc s’attendre à une dégradation de la qualité de nos services, car les opérateurs d’autobus individuels prendront du temps pour renouveler leurs flottes de véhicules.

Les opérations des individuels ont-elles été affectées par l’introduction du Metro-Express ?

Comme vous le savez, la plupart de nos autobus opèrent dans les régions rurales. Ils n’ont pas été affectés par le Metro-Express. Par contre, ceux qui opèrent dans le centre, à Réduit par exemple, ont subi les effets du Metro-Express en termes du nombre de passagers.

Si le gouvernement veut aller de l’avant avec l’introduction du Metro-Express dans les villages, à ce moment, nos opérations seront durement touchées. Comme je viens de le dire plutôt, notre principale préoccupation pour le moment, c’est de réviser à la hausse le quantum que le gouvernement nous accorde pour le Free Travel. Il n’y a pas que cela.

Le gouvernement devrait nous accorder une hausse avec effet rétroactif à partir de 2022, date à laquelle le ticket d’autobus a été majoré. Pour l’heure, nous continuons à remplir nos engagements envers le public voyageur, et ne menaçons pas de déclencher une grève. Il ne faut pas maintenant que, lorsqu’on adopte cette posture, le gouvernement fasse la sourde d’oreille.

Toutefois, l’arrivée du Metro-Express dans les villages sera définitivement un problème pour nous. Les compagnies d’autobus sont affectées par le Metro-Express. Mais il faut savoir en même temps que ces compagnies opèrent sur les routes les plus rentables dans le pays. Le nombre de personnes habitant les Plaines-Wilhems et les hautes Plaines-Wilhems est conséquent. Il y a une forte concentration de gens dans ces régions, et le mouvement des passagers dure toute une journée.

Dans les villages, les déplacements durent pendant plus d’une heure le matin et environ deux heures l’après-midi. Nous roulons donc à plein régime toute une heure en temps de pointe pour faire des recettes. Nous sommes préoccupés, car nous disposons d’autobus en surplus, et cela est visible dans les gares routières. Le nombre d’autobus disponibles dépasse la demande. Par contre, les compagnies d’autobus ont un nombre exact d’autobus qu’il faudrait opérer. Zot pe kapav trase pou sirviv.

Le Metro-Express dans les villages contribuera à diminuer le nombre de passagers que nous transportons, et beaucoup d’opérateurs n’arriveront pas à joindre les deux bouts. Il faut savoir que beaucoup de familles et de propriétaires comptent sur ce business pour gagner leur vie. Il ne faut pas oublier pourquoi le gouvernement est venu avec l’idée d’introduire des autobus individuels dans le pays. Le gouvernement avait décidé d’aller dans cette voie, car il ne disposait pas de suffisamment de ressources.

La compensation salariale et la hausse du salaire minimum ont-elles eu des effets négatifs sur vos finances ?

La compensation salariale appliquée à compter de janvier dernier nous a beaucoup affectés. Ses répercussions ne se rapportent pas seulement à une hausse de 10% sur le salaire de base, mais affectent également le paiement des heures supplémentaires et la contribution du Portable Retirement Gratuity Fund. Elle représente en moyenne Rs 15 000 de plus à payer par autobus.

Pour le moment, « nou pe zis roule. Bokou lalign na pa kouver fre ». Du fait de nos responsabilités, nous préférons « fer roule ». Nous ne savons pas à quel moment, mais il y aura un Breakdown, voire un découragement chez les opérateurs.

Lorsque la situation ira de mal en pis, « nou pou komans grene enn deryer lot kouma zamalak.  If the government had followed through on its promises, we might have been able to get the head out of the water, but the situation has now become more complicated. » Je viens d’évoquer le fait que l’existence des opérateurs illégaux sur nos lignes nous cause un tort immense. Au fait, concrètement, le manque de gagner peut aller jusqu’à Rs 100 000 par jour par région. Dans la région de Quatre-Bornes, par exemple, nous avons fait le compte. Le manque de gagner peut aller jusqu’à Rs 50 000 par jour en raison de la présence de ces opérateurs illégaux.

Autre problème que nous constatons, c’est la sécurité de notre personnel. Pour nous, le moment n’est pas vraiment une priorité pour le ministère. Pourquoi je dis cela, car nous avons la liberté de ne pas rouler dans une région si nous sentons que notre sécurité est menacée. D’ailleurs, nos travailleurs refusent eux-mêmes de prendre le travail, s’ils sentent que leur sécurité est menacée.

Nous avons constaté les agissements des passages après un match de football. La plupart vont attendre le dernier bus pour rentrer chez eux. Nous ne pouvons pas nous permettre de desservir ce genre de trajets car nus courons toujours le risque qu’ils vont refuser de payer le ticket d’autobus ou encore saccager l’autobus.

Le risque de ne pas voir cet autobus sur nos routes le lendemain est grand. Le risque de voir nos receveurs se faire agresser est bien là. C’est pourquoi nous préférons ne pas accorder ce service. Il y a des cas où des receveurs d’autobus viennent nous dire qu’ils ont une famille et des enfants, et préfèrent ne pas prendre de risques. Dans ce genre de cas, nous ne pouvons obliger un receveur d’autobus à travailler.

It is especially true during football tournaments when these types of issues arise. Des passagers entrent dans les autobus avec leurs bouteilles de bière, et les receveurs ne peuvent pas les ramener à la raison. Ils finissent par ne pas payer leurs tickets d’autobus et agressent le receveur. Nius faisons face à ce genre de situation très souvent dans nos autobus. La police n’est pas assez visible sur nos routes, etc., c’est pour cela qu’ils se comportent ainsi.

Comment les opérateurs d’autobus individuels font-ils durant la période des grosses averses ?

Le gouvernement encourage les opérateurs d’autobus à procéder à l’acquisition des autobus semi-low floors. Durant les périodes de grosses pluies, ces autobus ne peuvent pas rouler car le marchepied est bas et l’eau boueuse peut facilement entrer dans les autobus. Et quand persistent de grosses pluies, les autobus semi-low floor restent au garage. Ce genre d’autobus dispose de deux portes, ce qui fait que l’eau boueuse peut facilement y accéder. En sus de cela, les fils électriques de ce genre d’autobus sont situés en dessous ; le risque de dysfonctionnement est donc grand.

Durant la dernière grande inondation, des autobus conventionnels ont dû être mis à contribution car leur marchepied est assez élevé, ce qui fait que l’eau ne peut pas parvenir au niveau de la plate-forme. In addition, LED mechanical and electrical systems are protected. C’est pourquoi les autobus ont pu traverser quand il y a eu des inondations.

Même le Metro-Express n’a pu opérer par temps de grosses averses.  La fédération a toujours insisté pour le maintien des autobus conventionnels en raison de la topographie du pays et la façon dont les routes sont construites. Au final, c’est nous qui avions raison. La plupart des opérateurs d’autobus ont tiré un trait sur les autobus semi-low floor. Personnel ne veut investir dans ce genre d’autobus. They prefer to take the conventional buses.

Beaucoup de critiques ont été émises à l’égard des autobus individuels. Qu’en pensez-vous de tout cela?

C’est le gouvernement qui a eu l’idée d’introduire les autobus individuels dans le pays, car il n’avait pas assez de ressources. C’est pourquoi, aujourd’hui, on ne peut pas considérer les opérateurs d’autobus individuels comme des gens indésirables. De nombreux Mauriciens ont tendance à oublier que leurs grands-parents ont voyagé dans les autobus individuels pour aller travailler pour pouvoir Tir rasion pou zot zanfan. S’il y a un travailleur qui a mal parlé, qui a mal agi, cela ne veut pas dire qu’on doive critiquer l’ensemble des opérateurs d’autobus individuels.

Ce message, je ne l’adresse pas qu’au public voyageur, mais également aux députés et aux ministres. Il ne faut pas oublier que lorsque les compagnies d’autobus s’étaient mises en grève, ce sont les opérateurs individuels qui ont permis à une bonne partie du pays à opérer normalement.

Je remarque qu’il y a des députés, des ministres, et même des passagers qui nous critiquent. Je dois faire savoir que nou tou nou kritikab. Nous avons des défauts comme tout le monde. Mais il ne faut pas continuer à nourrir une haine contre nous. Il faut modérer les critiques à notre égard, car nos conditions de travail sont très difficiles. On ne peut  pointer un doigt accusateur à tous les 800 autobus qui circulent pour le compte des opérateurs individuels.

These criticisms are not justified. Ils ne réalisent pas qu’avant que le gouvernement émette un avis de grosses pluies, des travailleurs sont déjà sur nos routes à 4h du matin pour faire face aux intempéries. A certain number of people ride bicycles or motorcycles to get the keys to their vehicles in the early morning. There is also an inspection team that moves at the same time. Réfléchissez donc avant d’émettre des critiques à l’égard des opérateurs d’autobus individuels.

Propos recueillis par Jean-Denis Permal

 

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