Une grossière tentative de diversion

Le gouvernement affirme n’avoir rien à cacher dans l’affaire Molnupiravir mais pour ne pas répondre aux possibles questions de l’opposition sur ce scandale, il a annulé la séance parlementaire de mardi dernier. Si son ministre de la Santé n’a pas fauté dans l’achat de millions de comprimés d’un médicament qu’on vend à Rs 17 mais qu’il a accepté de payer Rs 79 pièce, pourquoi le gouvernement redoute-t-il les questions de l’opposition au Parlement ? Si le ministre de la Santé n’est pas responsable de ce qui se passe dans son ministère, si ses hauts fonctionnaires n’ont pas fauté dans le dossier du Molnupiravir, pourquoi assiste-t-on a une épidémie de départs à la retraite précipits et de suspensions au ministère de la Santé ? Si toutes les procédures ont été suivies au ministère de la Santé, si les organismes chargés de scruter les dépenses ont fait leur travail, pourquoi est-ce que l’ICAC — dont le rythme de croisière est celle d’une tortue — est sorti de son hibernation pour ouvrir une enquête et procéder à des descentes de lieux et des saisies ? Si, comme il l’affirme, le ministre de la Santé ignore tout ce qui se passe dans son ministère et n’a aucune responsabilité dans l’acquisition du Molnupiravir, pourquoi a t-il déclaré à la télévision le 7 décembre, « lamem la,mardi, nous finn recevoir enn million doz molnupravir ki enn nouvau medicament contre virus la » ? Quand au PM, comme d’habitude quand il se sent acculé, il dit qu’il n’était pas au courant. Nous avons donc un ministre de la Santé qui ne sait pas ce qui se passe dans son ministère et un Premier ministre qui, tout en sachant rien de l’affaire, déclare que son ministre de la Santé est innocent. Est-ce que Pravind Jugnauth a fait cette déclaration après avoir fait son enquête — comme dans l’affaire Kistnen — ou parce qu’il sait déjà quelle sera la conclusion de l’enquête de l’ICAC ?
Tout en jurant qu’il ne savait rien et que son ministre de la Santé est innocent, Pravind Jugnauth a essayé de détourner l’attention. C’est sans doute le conseil que lui ont donné ses experts en communication auto proclamés. Dans un premier temps, les principaux collaborateurs du ministre de la Santé ont été soit mis à la retraite soit suspendus sur le champ. Les descentes de lieux, les saisies d’ordinateurs et les interrogatoires à l’ICAC se sont succédés. Mais le Mauricien, sachant que l’ICAC a une réputation de machine à laver, ne s’est pas laissé prendre au cinéma. Du coup, les experts ont suggéré une autre diversion pour faire oublier le Molnupiravir. Vendredi matin alors qu’il conduisait sa sœur, victime des malheurs que l’on sait, voir un médecin, Roshi Badhain a été arrêté sur la route. Comme dans une série télévisé deux véhicules de la police ont bloqué la voiture de l’avocat et l’ont embarqué pour les Casernes Centrales. La nouvelle de l’arrestation s’est répandue comme une traînée de poudre et pendant toute la journée les internautes ont pu regarder, en direct live sur les réseaux sociaux, le bâtiment des Casernes où Badhain était interrogé. Ce n’est qu’après qu’il a été traduit en cour qu’on a appris le motif de son arrestation. L’avocat a été arrêté par la police parce qu’un individu a déclaré lui avoir vendu, IL Y A DIX ANS, du bois volé dans un dépôt du gouvernement ! Quand on a appris par la suite que la déclaration sur laquelle l’ADSU s’était basée pour arrêter Badhain a été faite par un récidiviste, employé par un gros paltot des courses proche du gouvernement, on a compris qu’il s’agissait d’une opération de diversion. D’une grossière tentative de diversion.
Qui, comme les précédentes, a totalement foiré. La même tactique fut employée à l’époque pour essayer de faire arrêter le DPP qui venait de décider de poursuivre Pravind Jugnuath dans l’affaire Medpoint. L’arrestation était supposée faire oublier la décision du DPP. J’ouvre une parenthèse pour rappeler qu’un des organisateurs de cette opération diversion était un ministre MSM et s’appelait… Roshi Badhain ! Comme quoi l’histoire peut avoir de ces retournements ! En tout cas, et comme à ’époque, la grossière tentative de diversion s’est retournée contre celui qu’il était censé protéger. Au lieu de donner à Roshi Badhain, un des plus virulents adversaires de Pravid Jugnauth, une étiquette de voleur de bois, son arrestation en a fait un martyr. Pire pour Pravind Jugnuth : la condamnation de la grossière tentative de diversion pourrait donner à Roshi Badhain une envergure de premierministrable…

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