Qui se sent morveux se mouche !

Qui se sent morveux se mouche. Ce magnifique proverbe que nous devons à l’inégalable Molière dans L’avare ou l’école du mensonge, écrite en 1668, ne pouvait mieux illustrer la réaction vive et démesurée, à notre égard, de l’acteur hippique le plus controversé du moment à travers ses sbires. Sa réaction à nos interrogations dans ces colonnes, la semaine dernière, sur les nombreuses courses truquées incontestables qui ont eu droit de cité depuis le début de la présente saison démontre une gêne plus qu’embarrassante qui en dit long sur ses états d’âme et réelles motivations.

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Il faut croire que celui qui se croit au-dessus des lois, au vu de ses accointances politiques, au sommet de l’exécutif et sa richesse illimitée, a été secoué sur ses bases puisque le sieur Lee Shim a orchestré une violente riposte, qui ressemble d’ailleurs fort à une forme d’aveu. Elle est celle d’une personne aux abois qui réagit vivement à un reproche — qui ne lui était pourtant pas directement adressé —, mais qui l’a finalement pris pour lui-même parce qu’il a l’impression d’être visé et qu’au final, d’une façon ou d’une autre, il se sent ou se sait être fortement concerné. Aurions-nous à ce point touché un point sensible ou une vérité coupable ?

Dans tous les cas, dans la dernière édition de son torchon où ses dociles molosses sans dents — pendus comme des mendiants à ce que sa bourse voudra bien cracher comme récompense — ont vilipendé l’auteur de ces lignes sous le couvert de l’habituelle lâcheté de l’anonymat qui avait jusqu’ici caractérisé leurs salissures sous la ceinture. Cela dit, si les Meerun, Antonio, Jean Louis (2), Baya et autre Assone, qui ont pour la plupart eu maille à partir avec les autorités, ou la justice d’une façon ou d’une autre, aient décidé d’être des mercenaires à la solde de Lee Shim est leur droit, mais ils devront, comme leur désormais dieu, répondre de leurs actes et écrits abjects. Nous ne céderons ni aux menaces ni aux calomnies, même si nous nous refusons pour l’heure de les déshabiller comme on effeuille la marguerite.

Ces attaques de caniveau où pataugent leurs auteurs ne nous détourneront pas d’un iota de notre liberté d’action et de dénonciation des abus de quiconque qui pervertira les courses avec des actes de truquage — au vu et su de tous — qui se sont démultipliés cette saison. Il est indéniable que l’acceptation qu’il n’y ait pas de séparation nette et claire entre les différentes fonctions dans l’organigramme hippique, c’est-à-dire ceux qui sont organisateurs de courses, organisateurs de paris et propriétaires de chevaux, entre autres, a conduit à cette situation malsaine. Cela a institué en dogme la fin de la notion du conflit d’intérêts au Champ de Mars, où le mélange des genres est aujourd’hui possible, voire encouragé, et où comme au sein de l’État les notions de séparation des pouvoirs, l’indépendance des institutions et les valeurs fondamentales ont fondu comme neige au soleil.

Faut-il alors s’étonner du summum de l’insulte pour le turfiste moyen qu’a été la monte de Tejash Juglall sur Six Degrees lors de la neuvième journée ? Un début de course qui a favorisé la victoire de Pop Icon lors de la septième course. Les Stipes étrangers, recrutés à prix d’or pour assurer la régularité des courses, n’avaient pourtant pas ouvert une enquête d’office sur cette épreuve. N’étaient-ce les dénonciations éclairées et acerbes d’un propriétaire aguerri, d’autres turfistes et des rares journalistes indépendants du Champ de Mars ces jours-ci, ce vol à main armée serait resté impuni. Les six semaines de suspension finalement assénées ne sont vraiment pas cher payées pour cette ignominie commise au vu et su de tous. Mais cette affaire ne devrait pas s’arrêter là. Il faut que les autorités aillent chercher l’ultime commanditaire si l’on veut vraiment mettre fin à la dangereuse pente de perversion dans laquelle se retrouve l’hippisme mauricien. Dans ce contexte, on se demande ce que fait la HRD et sa Police des Jeux qui, à notre connaissance, n’a pas été sollicitée publiquement jusqu’ici, mais n’a pas aussi agi de son propre chef. Il aurait été utile et juste pour les turfistes lésés qu’au-delà des enquêtes de Stipes, que les professionnels des courses qui ont été lourdement sanctionnés par la justice des courses pour des montes et instructions scandaleuses soient également soumis à la justice criminelle. Et ce, pour que les commanditaires de ces actes contraires aux lois des courses et du pays puissent être confondus, poursuivis et condamnés de façon exemplaire.

Tout le monde sait qui sont ceux qui pervertissent la finalité des courses dans notre pays. Mais au sommet des institutions concernées, il n’y a aucun agenda ni volonté, à ce jour, pour les mettre hors d’état de nuire. Il est indéniable qu’ils bénéficient de parapluies bien étanches des institutions hippiques et du pouvoir politique du pays dont les partis qui la composent en perçoivent par des mécanismes divers les dividendes nécessaires pour préparer les prochaines batailles électorales.

Il est bien entendu que tout ce qui précède n’entame en rien la volonté et notre combat de longue date pour des courses dignes et propres qui avaient abouti à l’institution d’une commission d’enquête. Ainsi, pour la semaine écoulée, nous pointons du doigt les déroulements, parmi d’autres moins évidents, des épreuves d’ouverture et de fermeture de samedi dernier, où les victoires de Talisman et de Nikhils Inn ne sont pas totalement liées à leurs mérites et capacités. Si dans la première c’est le déroulé intégral de l’épreuve qui est suspect, dans la dernière, c’est le comportement du jockey Da Silva sur Itdawnedonme et la colère collatérale d’Allyhosain sur Manetheren et Bussunt sur Citadel qui devraient faire l’objet de toutes les attentions des commissaires des courses de la Horse Racing Division (HRD).

À ce chapitre, il convient de souligner que les titulaires au poste de Stipes donnent une impression de lenteur dans leur processus et prise de décision pour initier des enquêtes, et pire, le délai pour la conduire est encore plus long. Rappelons qu’au temps du stiping au niveau du MTC, une grande majorité d’enquêtes avaient lieu le jour même des courses et d’autres se tenaient le mardi suivant. Aujourd’hui, à ce chapitre, c’est le désordre institutionnel qui règne, au point où les enquêtes sont prises longtemps après leurs occurrences, ce qui donne le temps à tout un chacun d’échafauder une défense planifiée entre protagonistes plutôt que la spontanéité du moment. Par ailleurs, celles qui se tiennent le jour de la publication du programme officiel à un moment où la plupart des journalistes sont en train de boucler leur magazine touchent carrément et sournoisement à un droit acquis de longue date à l’effet que les enquêtes soient toujours suivies par la presse comme courroie de transmission indépendante pour le public.

Il faudrait qu’au sommet de la HRD une décision claire soit enfin prise pour la tenue rapide des enquêtes. Mais il faudrait qu’elle s’assure aussi qu’elles se déroulent dans des conditions optimales pour la compréhension des uns et des autres dans un contexte où la barrière de la langue parlée est aujourd’hui plus que jamais d’actualité. En effet, outre la diversification des pays sources de jockeys qui ne parlent ni la langue de Shakespeare ni celle de Molière, il faut ajouter à cette problématique aujourd’hui les Stipes étrangers qui ne parlent ni le français ni le kreol morisien. Le besoin d’employer des traducteurs se pose avec force afin que les enquêtes menées soient inattaquables à un moment où l’arrivée de nouvelles institutions sans réelle planification a fragilisé l’ensemble du dispositif qui avait pourtant fait ses preuves dans le control of racing.

Ce qui est également fragilisé ces temps-ci et ce qui menace la deuxième partie de la saison qui arrive à grands pas, c’est l’état de la piste. En l’absence d’un accord pour une gestion continue de son entretien par l’organisateur des courses qui a le savoir-faire, dans la logique des choses, la responsabilité de cet entretien de la piste devrait être celle de COIREC, le nouveau propriétaire des lieux. Mais cette coquille vide n’a ni le moyen ni le savoir-faire. Entre-temps, l’alternance de cet exercice entre le MTCSL et People’s Turf n’assure à ce stade que le minimum vital, d’autant qu’elle se fait à deux vitesses et subit deux qualités de prestation, ce qui accélère du coup son délitement. La HRD doit prendre ses responsabilités en la matière si elle ne veut pas mettre en péril la fin de saison, d’autant que l’été pourrait s’avérer plus chaud et plus sec. Comme elle doit aussi s’assurer que l’utilisation des false rails réponde à une logique hippique et non une stratégie pour boycotter ou saboter la concurrence. Enfin, puisque les deux organisateurs de courses puisent dans le même réservoir de chevaux, la HRD doit enfin veiller que l’évolution du calendrier sur l’ensemble de la saison soit synchrone entre les deux organisateurs afin que la préparation des chevaux s’inscrive dans une stratégie hippique planifiée adéquatement.

À moins que la priorité des priorités demeure les vacances médicales de M. Wood en pleine saison. Quoi qu’il en soit, la fonction de Wood, malgré ses grosses imperfections, est vitale dans l’organisation des courses aujourd’hui et pour les trois ou quatre journées de son absence, son remplaçant doit être déjà désigné, avoir travaillé à ses côtés et être totalement indépendant de la Gambling Regulatory Authority… qui doit faire savoir au plus vite qui est cet oiseau rare.

 

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