Bébé abandonné au CPS : un cas qui en dit long sur les maux à traiter en milieux défavorisés

Grossesses précoces, rajeunissement déconcertant des grands-mères, déscolarisation…

À 16 ans, elle ne sait pas grand-chose sur le père de son enfant

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Un bébé d’une année est abandonné par sa grand-mère de 32 ans au bureau du Service de protection de l’enfance (CPS), mercredi dernier. Cette histoire n’est pas qu’un fait divers sur fond de pauvreté. Mais relève aussi d’un autre problème qui interpelle doublement : il s’agit de la déscolarisation des filles et de grossesse précoce en milieux défavorisés.

Par la même occasion, ce problème fait surgir dans son sillage un phénomène : le rajeunissement des grands-mères qui devient récurent dans le même contexte environnemental. Par ailleurs, cette réalité rappelle que la santé reproductive dans les régions marginalisées socio-économiquement est un sujet préoccupant, mais où la prévention et la responsabilisation parentale demeurent une faiblesse.

En confiant sa petite-fille, un bébé qui serait âgé d’un an, au Child Protection Service (CPS) de Souillac mercredi dernier, une grand-mère de 32 ans voulait donner « une correction » à la mère de l’enfant. Celle-ci, la fille de la jeune trentenaire, est une adolescente de 16 ans. Ce que reproche la grand-mère à sa fille : de ne pas s’occuper de son bébé, de sortir sans la nourrir, de la laisser pleurer, d’être une mère irresponsable…

Selon elle, sa fille serait irresponsable et n’assumerait pas son rôle de mère. D’ailleurs, l’adolescente aurait quitté le domicile familial sans se préoccuper de son bébé. C’est pour lui donner une leçon que la trentenaire aurait pris la décision de confier sans compromis la petite aux officiers présents dans les locaux du CPS. Malgré qu’elle a été informée sur les risques qu’elle encourait en abandonnant ce bébé, la jeune grand-mère n’a pas fait grand cas des avertissements du service de protection de l’enfance.

Sur les ondes d’une radio privée hier matin, elle explique qu’en sus de donner « une correction » à sa fille, elle ne peut subvenir aux besoins du bébé. Et qu’elle a elle-même un petit de deux ans. À travers sa démarche, cette jeune grand-mère n’a pas uniquement donné une « correction » à sa fille, mais sans le mesurer sans doute, elle a rappelé une réalité, voire un problème social qui ne cesse visiblement de prendre de l’ampleur. Il s’agit du rajeunissement des grands-mères, une des conséquences directes de la grossesse précoce. Il y a une dizaine d’années, nous parlions déjà des grands-mères âgées de 40 ans dans des poches de pauvreté. Aujourd’hui, la courbe de l’âge régresse. On en rencontre de plus en plus jeunes.

Si la femme se retrouve au centre de ce problème, ce n’est pas parce que le rajeunissement des grands-pères n’est pas un sujet inquiétant. Mais dans la quasi majorité des cas que nous avons rencontrés sur le terrain, ce sont les femmes qui assument seules la responsabilité économique et matérielle de leur foyer.

Et en sus d’être grands-mères avant leur 35e année, elles sont aussi mères d’enfant en bas âge et connaissent pour certaines d’autres grossesses. Force est de constater que cette réalité récurrente dans les milieux les plus défavorisés économiquement et marginalisés socialement n’est malheureusement pas suffisamment abordée par les autorités, à commencer par les ministères du Bien-être de la Famille et de l’Éducation.

Prévention : pas de programme national

Si la pauvreté est certes le premier facteur à l’origine des problèmes sociaux, dont la grossesse chez les jeunes adolescentes, il n’y a à ce jour aucun programme (de qualité) de prévention national et adapté à la génération TikTok pour ralentir le nombre de filles mères et responsabiliser les parents. Des actions isolées à titre privé menées dans des régions ciblées ne suffisent pas. Quant à l’éducation sexuelle à l’école, Maurice accuse un retard honteux sur ce plan.

Et si l’on pense que l’éducation sexuelle à l’école doit s’arrêter à l’aspect biologique de la sexualité, l’on est complètement hors sujet. Entre-temps, des filles en âge d’être à l’école ou en formation continuent de quitter le circuit scolaire sans que les parents ne soient inquiétés et tombent enceintes trop tôt.

C’est le cas pour Annaëlle, 16 ans. Sa mère, Vanessa, âgée de 38 ans, explique qu’elle n’a pas insisté quand cette dernière a interrompu sa scolarité. « Li ti pe gagn problem dan lekol… », raconte Vanessa. Et un beau jour, Annaëlle, âgée alors de 13 ans, n’y a plus remis les pieds. Quelque temps après, la jeune fille déscolarisée est tombée enceinte.

Quand elle a appris l’histoire du bébé de Souillac, Vanessa s’est dit qu’elle ne commettrait pas le même acte, malgré ses difficultés financières. Avec ses trois enfants, dont Annaëlle, âgés de 17 à 12 ans, elle vit dans deux pièces, dans une petite maison familiale non loin de Petite Rivière. « Je ne réalise pas tout à fait que je serai grand-mère, même si je sais que ce sera le cas. Mo aksepte se ki’nn arive. Mo pa pou kapav fer narye », nous confie t-elle, avant de se préparer pour prendre son service dans un dortoir pour travailleurs étrangers.

Vanessa travaille pour le compte d’un entrepreneur en nettoyage. Depuis le départ du père de ses enfants, la jeune femme est la seule à faire bouillir la marmite. Et dans un mois, à l’arrivée du bébé d’Annaëlle, elle aura à assurer des dépenses additionnelles en puisant dans son maigre revenu de

Rs 6 000. Vanessa, inscrite au registre social, reçoit une aide financière de Rs 2 000.
« J’ai déjà acheté la layette du bébé. Il ne lui manquera rien pendant un certain temps », dit-elle. Comme beaucoup de mères de son quartier, Vanessa est confrontée à la délinquance juvénile, quelle soit petite ou sérieuse. Si son fils aîné a développé une addiction aux drogues synthétiques et devient violent lorsqu’il n’a pas les moyens de s’en procurer, de leur côté, ses deux filles ne sont pas inconnues de la Child Protection Service.

À 12 ans à peine, la benjamine qui est en Grade 6 passait le plus clair de son temps dans la rue. Idem pour sa sœur cadette. « J’avais du mal à les contrôler. Mo’nn bizin met CDU ar zot », avance Vanessa.

Annaëlle avait 15 ans quand elle est tombée enceinte. « J’ai appris sa grossesse à l’hôpital. Li ti pe gagn douler vant. Mo pa ti kone li ansint », raconte Vanessa. Cette dernière explique que l’hôpital a alerté les services de l’enfance. « Il y a eu une enquête pour savoir qui est le père de l’enfant », dit-elle. Mais selon Vanessa, sa fille n’avait fréquenté celui-ci que pendant peu de temps.

« Elle m’a affirmé que leur relation n’avait pas duré longtemps. Et qu’elle ne connaît pas grand-chose de lui. Elle n’a plus eu de nouvelles de lui après leur rupture. Je n’ai pas plus d’information sur lui, sauf son âge. Il devait avoir 17 ans quand il a commencé à voir ma fille. J’aurais voulu connaître son identité. Mais comme on ne pouvait pas le retracer, j’ai dit à la CDU que j’allais prendre la responsabilité du bébé », confie la mère d’Annaëlle. Vanessa se dit convaincue que l’histoire ne se répétera pour sa fille de 12 ans.

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