Délogement des marchands opérant au Ruisseau du Pouce : Un sursis en attendant le jugement de la cour

La mairie de Port-Louis attendra le jugement de la Cour suprême, prévu le 25 mai, avant de déloger les marchands opérant sur la structure en béton qui surplombe les drains coloniaux en pierres taillées du Ruisseau du Pouce aux rues Brown-Séquard et Chevreau. Cette plainte logée par les avocats des locataires de ces deux emplacements a pour toile de fond les Rs 4 000 qu’ils devront débourser mensuellement pour occuper un étal au Victoria Urban Terminal (VUT), alors que leur location s’élève à Rs 500 actuellement.

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Outre ce montant qu’ils jugent exorbitant, les ex-marchands ambulants soutiennent que les étals qu’ils occuperont au VUT ne sont pas assez spacieux. Le lord-maire Mahfooz Cadersaib soutient que, « bien au contraire, les étals sont similaires à ceux des foires et que les marchands ont de beaux jours devant eux. » Le béton recouvrant le Ruisseau du Pouce sera détruit sur la base des recommandations du rapport Domah dans le sillage des inondations meurtrières de 2013.

Quatre sites sont concernés par cette délocalisation. La structure érigée temporairement à l’angle de la rue Lord Kitchener et du fly-over Decaen et celle sise en face de la rue Barthélemy ont été détruites jeudi par la mairie. Presque la totalité des 50 marchands qui y opéraient, après la destruction de la foire Decaen en août 2019, prendront leur quartier au VUT cette semaine. Tel n’est pas le cas, à ce stade, pour les 50 autres marchands opérant à la rue Brown-Séquard et à la rue Chevreau qui comptent bien aller au bout de leurs revendications. C’est en 2006, après avoir arpenté les rues de la capitale durant moult années pour écouler leurs produits, que lesdits marchands consentent à intégrer le secteur formel en s’installant sur la structure en béton aménagée par la mairie au-dessus du Ruisseau du Pouce, en face du Jardin de la Compagnie

Cette foire, dédiée aux vêtements et aux aliments, et accessible à toutes les bourses, devient au fil du temps un lieu très fréquenté et se fond naturellement dans le paysage urbain, pour le plus grand bonheur des commerçants. « Nous nous sommes armés de patience avant de réussir notre entreprise, et c’est le cœur lourd qu’on devra tirer un trait sur plus de 15 ans d’histoire », soutient un vendeur de « mine frit. » Son voisin d’en face, un peu plus loquace, ajoute : « Nou pa pe dir fode pa ena devlopma e nou krwar ki rapor Domah ena enn sertenn par de verite parski ena problem inondasion isi mem. Sauf qu’il y a deux raisons qui nous poussent à croire que notre futur s’annonce sombre au VUT. D’une part, eu égard au prix exorbitant de la location des étals à Rs 4 000 et, d’autre part, le peu d’espace qu’on nous a octroyé individuellement pour opérer. D’où cette démarche de loger une plainte à la cour. » Les marchands sont d’autant plus remontés envers la mairie que leur contrat de location se termine le 30 juin 2023.

Aussi, une dizaine de commerçants se sont rendus à la municipalité mercredi pour exprimer leur courroux au lord-maire, car ils allèguent qu’un officier de la Tornado Squad des Casernes centrales, costumière des opérations de délogement musclées, les ont sommés d’évacuer les lieux dans les plus brefs délais et aurait même bousculé un marchand qui tentait de lui faire entendre raison. En réponse, Mahfooz Cadersaib leur a promis que la mairie attendra, d’une part, le jugement de la Cour suprême avant un quelconque délogement, et enquêtera, d’autre part, sur l’excès de zèle allégué de l’officier de police. Le lord-maire souligne par ailleurs que « les étals dont disposeront les marchands au VUT mesurent 1,95m de long et 1,20 de haut, les mêmes superficies que leurs étals du Ruisseau du Pouce. Leurs revendications ne tiennent pas la route. »

QUESTIONS À
Mahfooz Cadersaib, lord-maire :
« Une Green City structurée autour du patrimoine »
Évoquant l’intégration des ex-marchands ambulants au VUT, le lord-maire, Mahfooz Cadersaib, y croit dur comme fer dans la réussite du projet. Dans cet entretien, il exhorte les commerçants de la ville à se « mettre au diapason en faisant en en sorte que les rues et les trottoirs soient propres, tout en rénovant leur bâtiment, dont beaucoup datent de l’époque coloniale. » La mairie a l’ambition de transformer la capitale en une « Green City structurée autour du patrimoine », ajoute-t-il.

Comment se passe l’intégration des marchands au VUT ?
Parmi les 524 marchands qui ont déjà signé leur contrat pour opérer au VUT, plus d’une cinquantaine ont déjà pris leurs quartiers depuis le 12 mai. Forcément, le démarrage sera poussif, mais au fur et à mesure, les marchands se rendront compte qu’ils n’auront plus affaire à de simples curieux, mais à des gens qui consommeront et achèteront leurs produits en masse. Des milliers de Mauriciens et de touristes transiteront quotidiennement dans le VUT très prochainement. Le résultat ne peut qu’être positif.

Justement, pour permettre aux marchands de prendre leurs marques, n’aurait-il pas été plus équitable de leur proposer un montant de location abordable durant la première année au moins ?
Il faut bien remettre les choses dans leur contexte. Depuis l’entrée au conseil des élus de l’alliance Lepep en juin 2015, pas une seule fois la mairie n’a augmenté le montant de la location des marchands. Elle est restée à Rs 500 durant cinq ans, alors même que le site a fait l’objet d’une rénovation durant ce laps de temps. Il aurait été incongru de notre part d’augmenter le tarif alors qu’on savait pertinemment que le projet pharaonique du VUT était en gestation et que les marchands allaient en être partie prenante. Parmi les contestataires, nombreux sont ceux qui ont déjà signé leur contrat.

Il faut savoir que la majorité des commerçants opérant dans le domaine de l’alimentaire et du prêt-à-porter au VUT payent des locations de Rs 80 000 par mois. Les marchands ont une énorme chance à saisir, car ils travailleront dans un endroit propre, à l’abri des intempéries et en toute sécurité grâce à un service de gardiennage 24/7 et ainsi qu’aux volets que le promoteur a fait installer afin qu’ils puissent y stocker leurs produits contrairement au site du Ruisseau.

C’est bien beau d’avoir redonné ses lettres de noblesse à cette adresse emblématique de l’histoire contemporaine du pays. Sauf que le contraste est saisissant en face et ailleurs dans la ville eu égard aux déchets qui parsèment les rues et l’anarchie qui règne sur les trottoirs…
Un sentiment de tristesse et de colère m’anime. Nous nettoyons le centre-ville deux fois par jour, mais de nombreux commerçants dépourvus de civisme jettent leurs déchets dans les drains et dans les caniveaux en dépit de nos remontrances. Nous allons sévir avec l’aide de la Police de l’Environnement. La mairie est aussi déterminée à mettre un terme au phénomène des marchands ambulants. On constate aussi que commerçants exposent non seulement leurs produits sur le trottoir, mais autorisent d’autres personnes à travailler devant leurs magasins. Il faut qu’il y ait une libre circulation. Les propriétaires des commerces qui jouxtent le VUT ont tout intérêt à se mettre au diapason pour attirer la clientèle en faisant en sorte que les rues et les trottoirs soient propres, tout en rénovant leur bâtiment, dont beaucoup datent de l’époque coloniale. Nous avons l’ambition de transformer la capitale en une Green City structurée autour du patrimoine. La balle est dans leur camp.

En parlant du patrimoine, what next après la destruction de la structure en béton surplombant le pont colonial du Ruisseau du Pouce ?
L’obstruction du Ruisseau du Pouce est la cause directe des débordements d’eau exceptionnels notés dans cette zone et ailleurs. Outre l’aspect sécuritaire, il était impérieux de redonner à ce patrimoine ses lettres de noblesse. Des travaux de restauration et de conservation au niveau des pierres taillées ayant connu l’usure seront enclenchés. On nous reproche souvent de ne pas faire grand cas du patrimoine de la ville. Le Musée de l’Esclavage, les rénovations de bâtiment en pierres taillées de la NTA et du théâtre font partie d’une liste de projets qu’on a enclenchés mais, malheureusement, la pandémie nous a freinés dans notre élan. On peut accepter les critiques si elles sont constructives.

Lorsque vous parlez de critiques constructives, vous avez en tête peut-être le patrimoine en péril du Champ de Mars ?
Je le répète, le Champ de Mars n’appartient pas à la mairie et je n’ai jamais entendu dire que l’hippodrome sera détruit.

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