Pension de vieillesse (Rs 9 000) – La roue de secours des foyers en détresse financière

Sans la pension de vieillesse (Rs 9 000) de leurs aînés, des foyers auraient du mal à se nourrir, payer leurs crédits ou le transport scolaire des enfants. La contribution financière des plus de 60 ans dans des ménages est devenue essentielle, si bien que ces derniers continuent de travailler pour ajuster leur salaire à leur pension afin de boucler des mois de plus en plus difficiles. À 61 ans, Chantal entretient les toilettes des dortoirs de travailleurs étrangers afin d’aider ses enfants qui n’ont de cesse de frapper à sa porte pour chercher de l’aide.

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« Sans la pension de mon père, je serai dans l’embarras. Je n’imagine pas boucler le mois sans son aide. Mon père est ma roue de secours », confie Shirley, la trentaine. Mère d’un adolescent qu’elle élève seule, Shirley sourit, un peu gênée. Elle concède : « Cela fait plusieurs années depuis que mon père puise de sa pension pour m’aider. Je ne me pose même plus de question à ce sujet. C’est devenu quelque chose de normal. » Le père de Shirley, un ancien docker de 71 ans, perçoit deux pensions de retraite d’un montant accumulé d’environ Rs 18 000. À Beau-Bassin où elle vit seule, Ghislaine, 77 ans, a du mal à retenir ses larmes. « Mo pli gran traka se kouma mo bann zanfan pou fer kan mo nepli pou la. Ki laport zot pou al tape pou gagn enn led ? » dit-elle. Cette dernière, mère de sept enfants et le même nombre de petits-enfants, fait partie des quelque 167 000 (chiffre basé sur les données de Statistics Mauritius) personnes de la population âgées de plus de 60 ans.

De nombreux pensionnés sont pleinement actifs sur le marché de l’emploi informel, ou travaillent de manière sporadique pour subvenir à leurs besoins et ceux de leurs proches. Originaire de Rodrigues, Ghislaine a toujours travaillé comme femme de ménage, et ce, même bien après l’âge de la retraite. « J’ai arrêté de travailler à l’âge de 70 ans », dit-elle. Depuis qu’elle ne travaille plus, elle obtient un colis alimentaire d’un organisme caritatif sur une base mensuelle. La plupart du temps, Ghislaine partage les denrées de base qu’elle reçoit avec ses enfants, tous mariés, séparés ou indépendants respectivement. Il ne se passe pas un jour sans que l’un ou plus d’entre eux ne viennent frapper à la porte de sa cuisine. Quand ce n’est pas des denrées alimentaires, elle leur donne de l’argent puisant dans ce qu’il reste de sa pension.

De leur côté, Claude et Chantal, 63 et 61 ans respectivement, jeunes retraités, ne profitent pas assez de leur pension de vieillesse, le budget du couple étant consacré aux dépenses courantes de la famille. C’est Chantal qui en parle. Parents de quatre filles trentenaires, le couple a pris la responsabilité de la mensualité du van scolaire d’un de ses petits-enfants. Même s’il n’y a pas d’autres engagements financiers, explique Chantal, elle est régulièrement sollicitée, dit-elle, pour « pret enn ti kas bann zanfan. »

« Si mes beaux-parents, âgés et retraités, ne m’aident pas financièrement ou ne me donnent pas de produits alimentaires, je ne sais pas comment je m’en sortirai », confie Audrey, la trentaine, mère de trois enfants. Avec son mari, cette dernière avait contracté un emprunt à la banque pour construire leur maison sur le terrain familial. Toutefois, la perte de leur emploi respectif, les dettes accumulées ont conduit Audrey et son mari au bord du gouffre. Pour se nourrir, voire se vêtir, la famille est obligée de compter sur des associations caritatives et les grands-parents. Grâce à l’aide des ces derniers, Audrey explique qu’elle n’a pas besoin de frapper à d’autres portes. « Comme ça, personne n’est au courant de mes soucis », dit-elle.

De son côté, Shirley, accompagnatrice scolaire, touche un salaire de Rs 7 000. Le Child Allowance Scheme de Rs 2 500 dont elle bénéficiait jusqu’à récemment a été coupé. Après avoir payé les courses de fin de mois et les factures, Shirley explique qu’elle est très vite à court d’argent. « Au milieu du mois, quand il n’y a plus rien, et ce, jusqu’à mon prochain salaire, je vais à la boutique et j’achète ce dont j’ai besoin en cuisine. Le boutiquier note mes achats sur un carnet et mon père les règle à la fin du mois. Mo pa mem demann pri komision. Mo nek zis demann lartik ki mo bizin », raconte-t-elle. Toutefois, il y a quelque jours, le père âgé de Shirley s’est fâché.

Quand le pensionné a découvert le montant de l’ardoise laissé par sa fille, il a vu rouge, d’autant qu’il a lui-même des responsabilités financières, dont une location de Rs 2 200, des factures et doit s’assurer des dépenses courantes. « À cause de mon fils et de moi, il doit plus de Rs 10 000 ! » s’exclame Shirley. « Mon père a payé une partie du crédit », confie-t-elle peu fière. Shirley n’est pas la seule de sa fratrie à faire appel à la générosité de l’ancien docker. « Deux de mes sœurs connaissent la date du versement à la banque de la pension de notre père. Zot veye kouma pansion verse zot rod kas pou aste komision », dit Shirley.

« Enn kout ou kapav tann : Ma, pret mwa mil roupi », dit Chantal. Si l’argent lui fait défaut et qu’il y a urgence, elle n’hésite pas à emprunter auprès de ses connaissances pour dépanner ses enfants. Claude est maçon. Chantal est préposée au nettoyage dans un dortoir pour ouvriers étrangers qui travaillent dans une compagnie de textile. « J’entretiens les toilettes. C’est un travail ingrat. Mais je n’ai pas d’autre choix que de travailler. Mon mari aussi est obligé de travailler. Nous avons des crédits à rembourser et la vie coûte cher. Avan mo ti pe tir komision ek Rs 5 000. Aster nepli kapav. Une pension de Rs 9 000 est loin d’être suffisante pour vivre décemment. Ce montant devrait passer à Rs 15 000. Chaque semaine je dois trouver Rs 200, Rs 400… pour dépanner mes enfants, lesquels ont dû mal à joindre les deux bouts. Quand ils ne viennent pas me trouver pour leur donner de l’argent, zot rod de lamok diri. »

« Mo enn kolonn pou mo zanfan », affirme Ghislaine. Sa seule crainte, concède-t-elle, c’est de partir en laissant ses enfants dans le besoin. Tous travaillent, explique-t-elle. Certains d’entre eux habitent avec leur famille respective dans la même cour que leur mère. Grâce à cette proximité, Ghislaine est bien placée, dit-elle, pour observer les problèmes auxquels ses enfants sont confrontés. Elle sait, explique-t-elle, que bien souvent, ils ne mangeraient pas à leur faim si elle ne leur donnait pas de quoi préparer un repas. « Mo donn zot se ki mo gagne, enn papay oubien inpe bred. Nou manz par ti seke »dit-elle, en soulignant que « cela veut dire que nous mangeons peu pour permettre à tous d’avoir de quoi mettre dans l’assiette. »

Ghislaine vit dans une maison en tôle qui coule lorsqu’il y a des averses et qu’elle loue à Rs 2 700. Elle débourse une mensualité de Rs 800 pour son abonnement à un bouquet de télévision, Rs 1 000 pour sa facture d’électricité et eau, entre autres. Quand elle est malade, dit-elle, elle se soigne avec des plantes et des médicaments « pas trop chers » de la pharmacie.

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