Carine, un autre prénom, qui aurait pu s’ajouter à la longue liste de féminicide. L’histoire de Carine Jennings est particulière. Elle était prise dans l’étau d’une relation toxique avec un mari virulent qui a cru que sa position sociale pouvait faire d’elle sa chose.
Elle a souffert d’un mariage qui n’était qu’un leurre. Entre les coups infligés et les invectives. Carine Jennings a tout supporté en silence. Puis, il y a eu comme un déclic, sa hargne de devenir un électron libre, elle s’est construite en décrochant un PhD en Management Sciences. Autrice de The Legacy of Hope, son autobiographie lui a valu un cinq-étoiles au Titan Literary des États-Unis. Sa plateforme de talk-show Legacy of Hope” accueille le 28 novembre le Dr Mathew Knowles, le père de Beyoncé et fondateur du groupe The Destiny’s Child.
En parcourant le livre autobiographique, The Legacy Of Hope, du Dr Carine Jennings, Mauricienne de naissance, il y a cette image saisissante qui accroche le regard. Carine en robe de mariée avec dans un pied une chaussure à talons, et, dans l’autre une chaussure de sport. Dans sa main, l’autre paire de chaussures en verre.
Un paradoxe bien distinct qui la pousse à écrire : “A pair of running shoes and a dream can take you anywhere.” Il y a deux personnalités qui cohabitent Carine. L’une qui est dans la soumission, piégée qu’elle est par des liens maritaux et qui croit encore pouvoir changer ce mari qu’elle aime. Et l’autre où s’affiche tout l’éclectisme d’une femme belle, intelligente et qui, avant d’être mariée, avait un emploi, une situation financière personnelle.
« C’est ma robe de mariée de 2012 qui reste une photo marquante. La cérémonie de mon mariage restera, quoi qu’il en soit, parmi les journées les plus marquantes de ma vie mais aujourd’hui, je n’ai plus la nostalgie de ce jour. C’est juste une belle robe d’une designer espagnole que j’aime beaucoup. Je suis passée à autre chose… », lâche-t-elle.
« Quant à la photo, elle peut être interprétée différemment. Ma première idée, c’était que la paire de chaussures de princesse évoque ce romantisme mais l’histoire n’est pas toujours complète. Aussi, il faut toujours garder des chaussures confortables pour pouvoir s’échapper des événements de ce type. Et mon dernier ressenti, c’est par rapport au fait que je reste une femme, une reine de beauté et une sportive car la paire de baskets m’a aidée contre la dépression depuis quelques années. Je cours pendant 1 heure 30 non-stop six jours sur sept. C’est devenu une routine que je ne rate quasiment jamais », confie-t-elle.
Une femme affranchie par l’éducation
Carine touche un point sensible dans ces drames de femmes victimes de violence domestique. Car au départ, comme toute femme battue, elle n’a pas eu le courage de stopper cette main d’homme qui la frappait même s’il lui martelait à chaque fois : « You are a nobody. You owe me your comfort. » S’ensuivent des invectives, des actes humiliants à son encontre au quotidien, jusqu’à lui faire développer des syncopes sous forme de panic attacks.
Carine a subi dans sa chair non seulement ces ciselures de l’âme d’une femme battue mais a aussi dû subir l’humiliation du déferlement d’autres conquêtes. Ce qui l’a sauvée, c’est sa soif de devenir une intellectuelle, en reprenant ses études malgré sa position de femme au foyer. La pire humiliation qu’elle puisse administrer à cet homme qui l’a dénigrée réside dans ce diplôme qui fait sa fierté : un PhD en Management Science qui lui a ouvert les portes du bonheur.
Elle n’est plus cette Carine qui était aux ordres d’un mari violent, mais une femme affranchie par l’éducation. Elle est Dr Carine Jennings et cela sonne mille fois mieux que toutes ces gifles cinglantes. Comme une revanche sur la vie, son attitude de combattante l’a menée vers les portes d’une nouvelle aventure.
Son livre, The Legacy Of Hope, sert aujourd’hui d’armature aux femmes victimes de violence domestique. L’écriture a été un exutoire pour Carine, comme une thérapie pour panser ces cicatrices de femme meurtrie. L’autrice se confie : « À la base, ce livre était un journal. Je l’ai écrit à un moment de ma vie où j’avais le besoin de comprendre cette partie de mon histoire, ce qui m’avait amenée là où j’étais. J’avais ce besoin de comprendre les mécanismes psychologiques de la violence. À cet instant précis, je n’étais plus dans ce mariage abusif, je n’étais que le personnage principal du livre et je connaissais déjà la fin. D’où l’importance pour moi de connecter les différentes parties de mon histoire. J’étais prête à l’écrire pour passer à autre chose. »
Métamorphose en femme solaire
The Legacy Of Hope a été comme une découverte de sa force intérieure à tel point aujourd’hui que ce rapprochement avec un passé douloureux et cette métamorphose en femme solaire lui ont valu le prix de Titan Literary Five Golden Star Awards après la présentation du livre en Angleterre en 2019. Pour Carine, c’est une forme de reconnaissance pour avoir des lecteurs qu’elle a su toucher avec des mots ciselés par l’émotion. À commencer par sa meilleure amie qui l’a convaincue de publier son journal comme une autobiographie.
Au même moment, raconte Carine, une invitation à un Sommet international de la femme dans les différentes villes de Londres lui sert de point d’ancrage. « L’organisatrice a pensé que ce serait une excellente idée de présenter ce livre et de défendre ce sujet sur la violence conjugale et le racisme que je mentionne également. Les conférenciers présents étaient de diverses origines. Je monte sur scène pour la première fois et je parle ouvertement de mon expérience. Ce qui m’a émue, c’est de voir les femmes de différentes nationalités en larmes durant mon intervention. Elles m’ont dit qu’elles se sont reconnues en moi, et cela m’a confortée dans l’idée que ce livre était un bon choix. Lors d’une conférence à Bali, comme Guest Speaker, en 2019 pour marquer la Journée internationale de la Femme, au moment où je prenais la parole, un courriel de Titan Literary des États-Unis m’annonçait que mon livre avait reçu cinq étoiles avec une critique des plus émouvantes. »
Le Dr Carine Jennings se décrit comme une observatrice de la vie et qui, comme atout, parle l’italien, le portugais et l’espagnol. Cette soif de connaissance, elle la doit à son père qui l’a inspirée avec son parcours d’autodidacte. Elle a aussi eu la chance en étant mariée à un Franco-Portugais de voyager et de découvrir d’autres cultures. Trouvant qu’elle ne pouvait plus reconstruire un mariage qui partait à la dérive, Carine se prend en main. Le contraste est saisissant entre la Carine, des jours heureux chez ces parents, et celle mariée. Ces événements lui ont fait doublement prendre conscience que les études seraient son seul salut.
En participant au concours Mrs Mauritius Globe 2017, Carine décide de faire un pied de nez à son malheur. Elle envoie son profil de candidate et elle se voit enrôlée dans l’équipe d’Europe, le concours n’étant pas représenté à Maurice. « J’ai été sélectionnée parmi une dizaine de candidates par la présidente de Mrs Globe en Californie, Dr Tracy Kemble, devenue entre-temps mon mentor. Elle a même écrit une autobiographie, The Courage to say No More, sur son premier mariage abusif. J’ai fini dans les Top 18 lors du concours international à Shenzhen en Chine et j’ai été classée quatrième sur 74 dans le choix du public et j’ai obtenu l’award The Leader of the Year 2017. »
L’éducation étant le passeport de l’avenir, le Dr Carine Jennings anime des conférences dans le monde sur des sujets comme Women in Leadership and Good Management practices. Elle remarque que plusieurs femmes souffrent des inégalités liées au genre dans le milieu professionnel et cela même aujourd’hui en 2021.
« On voit que les stéréotypes inhérents à chaque rôle sont loin d’être brisés. On constate toujours une différence de salaires car les femmes osent moins demander une compensation salariale suffisante. Il y a aussi une déformation inconsciente des pratiques d’embauche des femmes qui sont aussi des mamans. Ce qui peut créer une barrière qui empêche ces femmes d’accéder à un plan de carrière plus long et plus lucratif. C’est de l’“Implicit Bias” ou plus communément appelé “The new diversity paradigm” qui reconnaît le rôle que jouent les préjugés dans le fonctionnement de tous les êtres humains au quotidien. Ce sera certainement le thème de mon prochain livre. » D’où l’importance de ces conférences afin d’aider les femmes à trouver non seulement le courage et la force, mais surtout leur voix de manière appropriée.
Quand on demande à Carine si c’est présentement dans ce lâcher-prise que se trouve sa quête du bonheur, elle dira : « Le lâcher-prise ne doit en aucun cas être considéré comme du laxisme ou de l’abandon, bien au contraire. Le lâcher-prise permet d’avoir une bien meilleure relation avec soi-même, avec sa famille, ses amis, ses collègues et les gens en général. C’est prendre du recul et apprendre à se distancer par rapport à une situation, accepter de la voir différemment et mieux s’ouvrir en cessant de se battre contre l’inévitable. Car lutter, c’est continuer à souffrir inconsciemment, alors que le lâcher-prise est synonyme de sagesse pour moi. »
Le père de Beyoncé, le parrain de sa plateforme
Dr Carine Jennings a aussi lancé une plateforme qui se présente comme une suite de son livre, The Legacy of Hope, avec pour premier invité et parrain, nul autre que le Dr Mathew Knowles, le père de Beyoncé et Solange et fondateur du groupe The Destiny’s Child. Lorsqu’elle a reçu une nuit une notification sur Instagram l’informant qu’il était en live avec une amie aux États-Unis, Carine a immédiatement saisi sa chance.
« Je suis très proche de mon père et je pense que cela a aussi influencé mon choix pour l’image paternelle que Mathew Knowles incarne. Je l’ai donc contacté. Il m’a répondu dans la foulée. Il a lu mon livre avec son équipe. Ils ont regardé mon profil, mes combats entre autres et il a accepté. Durant cette interview qui s’est déroulée le mardi 16 novembre et qui sera diffusée le 28 novembre prochain à 16h GMT sur les réseaux sociaux, on a mis l’accent sur son autobiographie : Racism From The Eyes of a Child, qui retrace son enfance durant la période de ségrégation aux États-Unis. On a parlé de sa famille, ses filles, Beyoncé et Solange, son cancer du sein.
Car oui, cela arrive aux hommes aussi. Il y a ses plateformes de prévention et sa vision sur la vie entre autres. Mathew Knowles a accepté mon invitation en tant que Guest Speaker lors de mon prochain sommet international que j’organiserai ici à Maurice, l’an prochain. Il a accepté d’être le parrain de mon livre et de ma plateforme The Legacy of Hope. De plus il m’a invitée en tant que Guest dans l’un de ses shows ! Un entretien à ne pas rater ce 28 novembre ! »
Dr Carine Jennings incarne le visage de la femme mauricienne qui a su rebondir dans l’adversité, une Business Consultant et fondatrice de Jennings Venture Ltd. Son ambition actuelle est d’organiser le Sommet des femmes à Maurice, trouvant qu’il est encore difficile pour la femme mauricienne de trouver un équilibre entre vie personnelle et professionnelle.
« Et ce, malgré le fait que les jeunes femmes mauriciennes sont prêtes à s’investir dans des métiers encore considérés comme masculins, on est encore loin de la parité entre les hommes et les femmes. À Maurice, on est aussi beaucoup dictés par les cultures, la famille et la société, ce qui peut être un frein à l’émancipation de la femme. Mais je dois dire que la plupart des femmes mauriciennes font des études aujourd’hui, il y a des plateformes, un meilleur accès à la communication et tout cela ajouté à des mouvements fait qu’il y a une prise de conscience quant à leurs droits. »
À la tête de ses propres bureaux situés à Singapour, Dubaï, Slovénie, son autre défi professionnel est d’intégrer la cybersécurité à ses services. Elle en donne les raisons : « Peu de femmes sont projetées dans le monde de la cybersécurité. En fondant, Jennings Ventures Ltd, j’ai tout d’abord pensé aux différents services qui amènent à la bonne gestion d’une société. Les services offerts étaient le “business networking and advisory”, “language services”, “mentoring & coaching”. J’ai été contactée par un ami qui est le CEO d’une société spécialisée dans la cybersécurité Cyberteq, avec des bureaux un peu partout dans le monde. La culture, la science, les techniques, l’ingénierie, les politiques de développement ont été de manière relativement exclusive jusqu’à tout récemment définis par des hommes. Il y a ce besoin d’égalité entre les hommes et les femmes dans des domaines considérés comme complexes. Il y a un réel besoin de sécuriser les informations et les données afin d’assurer des activités économiques et sociales productives.
De ce fait, pour moi, cela faisait sens que la cybersécurité était complémentaire à nos services. »
Avec la pandémie qui sévit, Dr Carine Jennings conseille aux entrepreneuses de cultiver leur networking. Car, dit-elle, c’est en se soutenant mutuellement entre femmes, en innovant qu’elles auront plus de chance de s’en sortir. Celle qui voulait troquer ses talons aiguille pour des baskets pour fuir son mariage toxique a des rêves plein la tête pour Noël. Elle dira que le Père Noël lui a déjà remis son cadeau avec Mathew Knowles comme le parrain de son livre et sa plateforme The Legacy of Hope. « Noël, surtout en cette période de pandémie, sera le moment de profiter d’un bon repas en famille. »
Ce qui la motive, c’est de distiller sa joie de vivre. Carine a eu une mauvaise expérience en amour mais aujourd’hui, avec du recul, elle gère ses émotions différemment. « L’homme qui partage ma vie est certainement différent de celui mentionné dans mon livre. On est complémentaire, on aime la communication, il est très social, jovial et je suis très fière de l’homme qu’il est et de ce qu’il fait, autant qu’il est fier de moi. Et cela me comble énormément, surtout par rapport à mes différents combats. »
Est-ce à dire que sa réussite est devenue une gifle magistrale pour les hommes, car, au final, une femme intelligente fait peur aux hommes machos ? « C’est un très bon jugement. Il y a eu pas mal d’études pour démontrer cela. Selon certains, la capacité d’analyse et l’esprit de compétition seraient des qualités typiquement masculines. Certains ont l’impression d’être moins virils avec une femme intelligente à côté d’eux, probablement par peur consciente ou non que la femme leur fasse de l’ombre. Pour moi, c’est clairement une discrimination intellectuelle. L’adage “Sois belle et tais-toi” est dépassé. »
Carine peut enfin déclarer aujourd’hui qu’elle est heureuse et une femme comblée. Sa détermination, son combat forcent le respect et l’admiration. Par son geste, elle devient un exemple pour toutes ces femmes victimes de violence domestiques afin qu’elles trouvent la force de se remettre debout et de reprendre leur vie en main.