Chagos : la voix de l’Afrique

Les procédures orales de la Cour internationale de justice, connue comme la Cour mondiale, consacrées aux conséquences légales du démembrement du territoire mauricien par le Royaume-Uni en 1965 et au sujet desquelles, un avis consultatif doit être donné à l’Assemblée générale des Nations unies ne pouvaient se terminer sur une note plus dramatique et solennelle. « Toutes les déclarations que nous avons entendues cette semaine ne pouvaient et ne devaient pas nous empêcher d’entendre la voix de Mme Elysé. . . qui montrent les souffrances humanitaires résultant de la poursuite de la colonisation des Chagos. Il s’agit d’une question des Droits de l’Homme, il s’agit d’une question de droit international humanitaire qui ne concerne pas uniquement la colonisation. C’est une voix à entendre, ce n’est pas seulement la voix de Mme Elysé ou des Chagossiens, c’est la voix de la justice, de l’autodétermination. . . mettre fin à la colonisation. . . qu’il ne faut pas oublier lors des délibérations de la Cour, car c’est la voix d’un continent qui a souffert de la colonisation ; c’est la voix de l’Afrique », a dit le chef de la délégation de l’Union africaine, Namira Negm, en conclusion de l’intervention de l’Union africaine à laquelle avaient participé le Dr. Mohamed Gomaa, et le professeur Makane Moïse Mbengue.

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Jamais les Mauriciens n’avaient eu jusqu’ici l’occasion de suivre un débat juridique d’un tel niveau sur un sujet qui est pourtant familier : l’excision des Chagos du territoire mauricien. Même s’il n’y avait rien de nouveau concernant les faits historiques, force est de reconnaître que c’est pour la première fois que les débats dépassent le niveau insulaire pour prendre une dimension universelle. Jusqu’à maintenant, les débats consistaient dans une grande mesure à stigmatiser l’attitude des dirigeants mauriciens à la conférence constitutionnelle de Lancaster House en 1965, leur reprochant de s’être pliés devant le diktat du Royaume-Uni qui était alors une puissance dominante dans le monde. Les débats prenaient des fois une coloration partisane, les uns et les autres tentant de tirer la couverture à soi pour des raisons bassement partisanes et politiques. Une attitude complètement dépassée!

Les débats devant la CIJ cette semaine nous auront permis de voir les vraies intentions de l’empire britannique. En violation des conventions internationales, des droits coutumiers en vigueur à l’époque, la perfide Albion a pris le risque de démembrer le territoire mauricien en détachant les Chagos pour en faire une colonie britannique. L’unique but était d’imposer, en collaboration avec les États-Unis, une présence militaire dans cette région du monde. Pour cela, les Britanniques dont le Premier ministre britannique d’alors n’avaient pas hésité à recourir à des menaces contre ceux venus négocier l’indépendance du pays en leur disant que dans toutes les circonstances (indépendance ou pas), les Chagos seraient détachés de l’île.

Les conventions adoptées par l’Assemblée générale de l’ONU pour rappeler le Royaume-Uni à l’ordre n’y feront rien. Prétextant qu’il y avait que des « Tarzan » et des « Vendredi » aux Chagos, la population chagossienne a été brutalement déportée vers Maurice et les Seychelles et n’ont jamais pu retourner dans les îles.

Malgré la fin de la guerre froide, les demandes mauriciennes en vue de pouvoir exercer son droit de souveraineté sur l’archipel sont restées vaines. Ce qui fait que Maurice est le seul pays africain à n’avoir pas encore complété sa décolonisation. Or la décolonisation et l’autodétermination dépassent les simples conflits d’ordre frontalier et bilatéral (comme supputé par la Grande Bretagne), pour devenir une question qui concerne la communauté internationale, c’est-à-dire l’Assemblée générale des Nations unies comme cela a été démontré à La Haye. Cette approche a bénéficié du soutien des pays de toutes les régions du monde représentées aux Nations unies. Ils ont pris ce dossier très au sérieux en dépêchant les meilleurs représentants tant sur le plan juridique que diplomatique.

En respect pour la CIJ et de tous ceux qui nous ont soutenus, dont les pays africains et en particulier l’Union africaine, il importe de nous assurer que les débats sur les Chagos ne soient plus nombrilistes et que tout un chacun, leaders politiques du gouvernement ou de l’opposition ou leurs représentants, fassent désormais preuve de sobriété et de retenue aussi longtemps que le jugement de la CIJ ne soit pas rendu.

JEAN-MARC POCHÉ

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