Le viol

La campagne électorale, qui ne fait que commencer, est en train de prendre un ton qui n’augure rien de bon. À travers des journaux — dont certains ont poussé comme les champignons après la pluie dans le camp orange — et les réseaux sociaux, les propagandistes des deux challengers pour le poste de Premier ministre sont passés à l’attaque. Au départ, c’étaient de petites phrases soulignant les défauts de l’un ou les faux pas de l’autre, plus sur le mode de la plaisanterie lourde qu’autre chose.

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Mais depuis la semaine dernière, les choses sont passées à la vitesse supérieure. Celui du dénigrement, de l’insulte et la révélation d’affaires financières impliquant les adversaires politiques. Pour situer le “débat”, signalons qu’au niveau des insultes, on a pu entendre un chef de parti traiter son adversaire de chien. Pour répondre aux “Serenity” et “Maradiva” gates diffusés par Top TV, questionnant des décisions prises au gouvernement et ratifiées par le Parlement ,par le PM et ministre des Finances pour supposément sauver sa belle-famille de la faillite hôtelière, les conseillers de Pravind Jugnauth lui ont fait répondre par la voie légale, après avoir bloqué la diffusion de la vidéo sur Facebook. Des mises en demeure pour essayer d’interdire la diffusion des vidéos sur les autres réseaux sociaux ont été servies, des menaces proférées et des accusations de vengeance pour faveurs non obtenues lancées dans tous les meetings.

Mais la vraie réponse est venue d’une opération montée par les stratèges du MSM/ML. En fin de semaine, des messages étaient circulées pour annoncer que des “damming informations” sur Navin Ramgoolam étaient sur le point d’être diffusées. Vendredi était postée une vidéo intitulée Navingate, rappelant dans sa forme le fameux “Viré mam” de 2014 — et révélant, avec documents à l’appui, des transactions bancaires de Navin Ramgoolam du temps où il était  Premier ministre. Comme il fallait s’y attendre, ces mêmes documents ont été repris en intégralité dans un de ces journaux spécialement créés pour attaquer l’adversaire principal de Pravind Jugnauth. La vidéo et le journal en question utilisent, pour résumer l’affaire, un adjectif que l’on entend souvent dans la bouche de Pravind Jugnauth, ces jours-ci, pour qualifier son adversaire, “voleur”, et indique que tout cela fait partie d’une stratégie. Il n’est pas question de justifier Navin Ramgoolam d’avoir, si l’on en croit les documents diffusés, puisé dans la caisse du Parti travailliste pour renflouer la sienne. C’est au PTr de lui réclamer les explications et les comptes nécessaires. Ce qui devrait interpeller et inquiéter le Mauricien, c’est le fait que des documents couverts par le secret bancaire soient ainsi déballés sur la place publique.

D’autant plus que ces documents ont été remis par la banque au CID Central grâce à un ordre de la Cour dans le cadre des nombreuses enquêtes initiées contre Navin Ramgoolam depuis 2015. Ces documents bancaires étaient, donc, sous la protection des institutions policières et la supposée fuite met en cause le fonctionnement de ces institutions. Dépassant de loin le cadre de la stratégie pour salir un adversaire, la publication de ces documents démontre que les stratèges du MSM/ML sont capables d’avoir accès aux dossiers des enquêtes menées par le CID, et de violer le sacro-saint secret bancaire à des fins politiques. S’ils sont capables de réserver un tel traitement à un ancien Premier ministre, que ne seraient-ils pas capables de faire pour attaquer un simple citoyen qui ne partagerait pas leurs points de vue? S’ils sont capables d’utiliser les données bancaires, que pourraient-ils faire de celle de la base de données du système informatique Safe City?

La publication des comptes de Navin Ramgoolam indique que le secret bancaire n’est plus protégé à Maurice et aura des aspects négatifs sur l’image de Maurice auprès de la communauté financière internationale et des investisseurs étrangers en particulier. Sur le plan électoral, cette “stratégie” qui consiste à faire n’importe quoi, même violer le secret bancaire, est une indication du fait que le gouvernement sortant sent le terrain électoral lui glisser sous les pieds. Et une fois de plus, il utilise des opérations dont il n’a pas mesuré les possibles conséquences négatives, le retour du boomerang vers celui qui l’a lancé. Si avant même le Nomination day, le MSM/ML et ses alliés en sont réduits à de tels expédients, à quoi faut-il s’attendre au cours de 17 jours qui nous séparent de la date des l’élection? Combien d’autres viols de la démocratie seront perpétrés au cours de cette campagne?

 

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