LE PHENIX RENAISSANT DE SES CENDRES : Fin de vie et Renaissance Politique

Plumage paré de rouge, de bleu et d’or éclatant, de splendide aspect, le Phoenix ou Phénix (rouge en grec), l’oiseau de feu renaît perpétuellement de ses cendres.
Créature sacrée, sa perfection est telle, qu’il n’en existe qu’un seul. Il n’a aucun congénère, ni descendant. Très indépendant, il ne se laissera jamais apprivoiser. Tous les cinq cents ans, il doit régénérer ses forces par le feu. Doté d’une longévité miraculeuse, quand l’heure de sa fin approchait, le phénix se construisait un nid d’herbes aromatiques, puis s’exposait aux rayons du soleil et se laissait réduire en cendres. Trois jours plus tard, il renaissait. Alors qu’il ne représentait, au début, que l’apparition et la disparition cycliques du soleil, le phénix devint rapidement un symbole de résurrection. A ce pouvoir, s’ajoute celui de lire dans le coeur des hommes et de déceler tous ceux dont les intentions ne sont pas pures.
L’origine du mythe, rapporté par Hérodote au Vème siècle avant JC, vient de l’Égypte, plus précisément de la cité d’Héliopolis. À l’époque était vénéré le Benu, un oiseau semblable au héron, associé au dieu solaire Râ. Premier être à sortir de l’Océan primordial, il se retrouva perché sur le premier morceau de terre, une toute petite île. Le temps se déclencha à son premier cri. Depuis ce jour, le Benu accompagne également les morts dans l’Au-delà jusqu’à Osiris.
Incarnant l’âme ou l’immortalité dans différentes iconographies, l’oiseau, symbole de la résurrection du chaos, de l’esprit et de la lumière se trouve dans différentes mythologies, persane sous l’appellation de Simurgh ou Rokh, japonaise (hi no tori) et chinoise (Fenghuang), amérindienne (Oiseau-tonnerre) ou aborigène en Australie (Oiseau Minka). Ils offrent de curieux parallèles avec le phénix mythique des Égyptiens et, plus tard avec celui des Grecs, des Romains (Rome, Empire Eternel) et des Chrétiens au Moyen Âge.
Le Temps de notre Phénix Politique
Le phénix mythique après cinq cents ans se laisse réduire en cendres et donne naissance à un nouveau phénix. Notre cycle de phénix politique est plus court. Variable allant jusqu’à 80 ans. Le temps est là : Temps de la fin, temps de purification par le feu. Le temps du premier autre cri. Après la destruction, après le passage jusqu’à Osiris.
Tout parti politique milite pour le Pouvoir. Dire le contraire est faux. Le Pouvoir est nécessaire à l’exercice de l’autorité. Pouvoir et Autorité, Oui. Mais pour quoi faire ? Le « Power Over » les personnes et les institutions, au mépris de la Loi a remplacé le « Power To Change ». Et graduellement, pour la perpétuation du Pouvoir, l’autorité a cédé la place à l’autoritarisme. Parallèlement, le Déni de la réalité s’est érigé comme LE mécanisme de défense par excellence. Le déni est l’action de refuser la réalité d’une perception perçue comme dangereuse ou douloureuse. Le leader se voit alors protéger sa propre structure interne et son économie en mettant en question le monde extérieur (le grand public, électeurs et militants). Par opposition, le refoulement effectue un travail similaire mais en faisant basculer à l’intérieur cette même réalité intolérable qui se trouve alors intégrée (ceux qui sont inconditionnels du leader). Le déni engendre, lui, une absence de conflictualité, puisqu’il fait coexister deux affirmations incompatibles, qui se juxtaposent sans s’influencer. En prenant appui sur le clivage, il donne la possibilité de vivre sur deux registres différents, mettant côte à côte, d’une part, un “savoir” et de l’autre, un “savoir-faire” infirmant ce savoir, sans lien entre les deux. On se trouve ainsi dans une sorte d’en deçà du conflit, une suspension de tout jugement généralement effectuée face à la perception d’un manque, d’une absence, d’une perte pourtant évidents aux yeux du monde environnant.
Les démissions récentes de militants du MMM ne peuvent pas être associées à des stratégies de « rodères boutes ». C’est sortir du déni ou du refoulement durable. C’est le phénix qui doit se brûler pour renaître et reprendre son envol. Pour le PTR, c’est aussi le phénix qui doit revenir dans son nid d’origine, s’exposer au feu de la purification du déni et du refoulement pour se régénérer. Pour les autres partis qui ont évité l’euthanasie ou la fin du cycle de vie, gare aux nombreux feux qui dans leur précipitation, comme des feux de brousse se répandent et obligent l’oiseau de feu à se jeter dans les flammes.
La Conférence des Oiseaux
Un conte perse du XIIIe siècle écrit par le poète soufi Farid al-Din Attar de Nishapur, La conférence des oiseaux, est très édifiant à ce propos. C’est une épopée mystique où trente oiseaux sont à la recherche de leur Roi. Le récit commence par un discours de bienvenue qui constitue une fonction rituelle et magique associant la « Huppe », un oiseau et les autres oiseaux, qui représentent une humanité en quête de connaissance. Aussitôt, la foule des oiseaux inquiets se rassemble et providentiellement, la Huppe se présente comme messagère. Elle exhorte les oiseaux à partir pour un voyage difficile qui les conduira à la cour de leur Roi, un oiseau fabuleux, le Simorg (l’Oiseau de feu). Tous les oiseaux comprennent l’intérêt fondamental de cette entreprise. Cependant presque aussitôt plus de dix mille d’entre eux s’excusent : ils sont, pour des raisons diverses, contents de leur sort ici-bas.
La huppe admoneste tout le monde, tranquillise les uns, encourage les autres et commence l’enseignement qui permettra d’entreprendre le voyage. Ils doivent s’engager dans les sept vallées qui marqueront les degrés initiatiques de leur ascension spirituelle. Ces vallées magiques et mystiques sont les vallées de la recherche, de l’amour, de la connaissance, de l’indépendance, de l’union, de la stupeur et du dénouement. C’est après avoir franchi ces vallées, en un long voyage dont la durée comprend souvent une ou plusieurs vies pleines d’embûches, voyage où la grande majorité des oiseaux périront, que les rescapés se voient refuser — ultime épreuve — l’accès tant espéré au palais de leur roi : le Simorg.
Oiseau de bon ou de mauvais augure, au-delà du déni et du refoulement, oiseau de feu
« Bientôt j’irai rejoindre ma profonde réserve?Chaque jour augmente son pouvoir incorruptible?Et c’est par elle que je ressusciterai d’entre les morts?Sur nous autres le Temps n’a pas de prise?Qui ne soignons que l’invisible beauté de l’âme?Car cette braise entretient le feu de l’oiseau Phénix
Jean Cocteau, 1962.

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