POLLUTION SONORE : Une dizaine de familles menacent de manifester

Aux grands maux, les grands remèdes. Face au « manque de considération » d’Airports of Mauritius Co Ltd (AML), une dizaine de familles du quartier La Grotte à Plaine-Magnien, se disant dépassées par le « tapage infernal » causé par les importants travaux d’agrandissement de l’aéroport, menacent de manifester dans les rues.
Habitant ce quartier depuis les années 80, ces familles ont vu leurs conditions de vie nettement se dégrader avec le temps. Même si elles se sont graduellement accoutumées au bruit des avions, de jour comme de nuit, elles vivent un véritable cauchemar depuis un mois environ, à cause des travaux d’agrandissement de l’aéroport. Les nombreuses plaintes déposées auprès des autorités ou au poste de police de Plaine-Magnien n’ont rien donné ou presque. Une pétition détaillant leurs griefs et adressée au Chief Executive Officer (CEO) d’AML, Serge Petit, n’a abouti à rien. « Nous sommes des gens pacifiques et tolérants. Nous avons supporté tout ce vacarme dans la mesure du possible, mais trop c’est trop ! Nous sommes dépassés et nous voulons un peu de calme », lâche Sanjeev Nowluck, enseignant et porte-parole des habitants. Jusqu’à présent, affirme-t-il, les nombreuses tentatives de contacter la direction d’AML sont restées vaines.
Dans un courrier daté du 26 août, les habitants ont donc fait parvenir au CEO d’AML une pétition faisant état de l’intégralité des inconvénients causés par le chantier. « We vehemently protest against high noise level emanating from the resurfacing and noise pollution every night as from 11 o’clock up to 5.00 a.m. », écrivent-ils. « Sleeping is indeed a big wealth which we are all longing for these days », poursuivent-ils. Selon les protestataires, de nombreux enfants souffrent d’insomnies. « Ils se réveillent au beau milieu de la nuit, s’asseyent dans leur lit, l’air hagard. Beaucoup ne peuvent plus se concentrer sur leurs études. On s’inquiète de l’avenir de nos enfants, surtout ceux de la CPE, SC et HSC », affirment-ils. « We sincerely wish that none of our children undergo mental depression or hearing deficiencies in the days to come due to lack of sleep and noise disturbance », lâchent ces habitants.
Si, dans un premier temps, les familles affectées ont soutenu dans leur pétition qu’elles ne comptaient pas se lancer dans des manifestations, des grèves de la faim, ou encore entamer une action en justice, une semaine après, elles reconsidèrent leurs positions. Pensant au départ qu’ils recevraient la coopération des responsables d’AML, les signataires commencent à douter, d’autant plus qu’à ce jour, ils n’ont reçu aucun accusé de réception de la part de l’entreprise concernée.
Les habitants expliquent également qu’il y a quelques années, des estimateurs ont visité leurs maisons pour une évaluation, car une délocalisation de certaines d’entre elles était considérée. Or, rien n’a été fait depuis, et leurs nombreuses doléances tombent dans l’oreille de sourds. Ils font aujourd’hui face à une situation qui n’a que trop duré, selon eux, puisque leurs maisons se retrouvent sérieusement endommagées. Murs endommagés, vitres fissurées, carrelage se détachant des parois : autant de problèmes auxquels ces familles doivent faire face.
« Nous ne comprenons pas comment certaines familles ont été délocalisées et pas d’autres, surtout que certaines d’entre elles, comme la famille Chundoo, habitent beaucoup plus près du site. De plus, deux maisons, qui ne faisaient pas partie du plan de délocalisation, ont pourtant été acquises par AML. Nous soupçonnons une affaire louche », affirme Sanjeev Nowluck.
En plus de relever les inconvénients créés par le bruit des travaux d’agrandissement, et leurs conséquences irréversibles sur leur santé, les protestataires soulignent également, dans leur pétition, que l’odeur de caoutchouc brûlé après le décollage des avions les affecte tout autant, et que l’extension du taxi zone et la construction d’un emergency runway représentent un réel danger pour eux en cas d’atterrissage d’urgence. Ils réclament donc que leurs propriétés soient acquises et qu’ils soient délocalisés au plus vite.
Si le responsable de la communication d’AML, Girish Appayah, n’a pas voulu confirmer à Week-End la réception de la pétition, la compagnie a toutefois émis un communiqué le 29 août pour se défendre : « Avec les travaux de nuit en cours sur la piste d’atterrissage de l’aéroport, Airports of Mauritius Limited (AML), en tant que compagnie responsable, a commandité un audit sonore indépendant auprès de son consultant pour mesurer le niveau de bruit dans cette région. Selon les résultats obtenus, le niveau sonore est en dessous du seuil autorisé par la loi. AML s’attend à une réduction significative du bruit avec l’avancée des travaux vers le centre de la piste, plus éloigné des habitations. Ainsi, une moyenne de 48 dBA (décibels audibles) a été enregistrée, lors des travaux de nuit, alors que la limite autorisée est de 55 dBA pour la période de 21 h 00 à 07 h 00. »
Selon cet audit, ces pointes ont été notées près de la localité de Chatgaon, pendant le déclenchement de l’alarme inversée des machines, ou encore lors des mouvements des camions dans ce périmètre. En effet, ces alarmes inversées agissent comme une mesure de sécurité sur le chantier.
« Suite aux remarques du voisinage sur le niveau de bruit pendant les travaux de ré-asphaltage de la piste, nous avons pris l’initiative d’effectuer un exercice de surveillance sonore les 23 et 24 août derniers », explique Serge Petit. Selon lui, les résultats sont rassurants car le niveau est dans la limite admissible. De plus, souligne-t-il, les consultants ont recommandé l’installation de silencieux sur certains équipements, ou encore la diminution du son des alarmes inversées sur les machines afin de réduire davantage le bruit. « Cependant, il nous faut aussi considérer l’aspect de sécurité pour ces centaines d’hommes qui travaillent sur la piste toute la nuit », explique-t-il.
Le direction d’AML soutient par ailleurs que des consultants continueront à surveiller le niveau sonore dans cette région. Ils assurent également que les détails seront communiqués dans les semaines à venir. Selon eux, seules quatre ou cinq familles sont incommodées par le bruit des travaux.
AML conclut son communiqué en écrivant que tout développement infrastructurel d’envergure apporte son lot d’inconvénients : « Nous comptons sur la collaboration de toutes les parties prenantes pour mener à bien ce projet. Toutefois, nous ferons tout ce qui est possible pour minimiser tout impact négatif sur la vie des familles concernées. »
S’estimant lésés malgré tout, les habitants mécontents ne l’entendent pas de cette oreille. « Notre santé et celle de nos enfants ne peuvent être mises en péril. Si rien n’est fait dans les jours qui viennent, nous descendrons dans les rues et, si besoin, nous envisagerons une grève de la faim et nous saisirons la justice », menace leur porte-parole, Sanjeev Nowluck.

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