PORT-LOUIS : Chevaliers du feu à la fin du XIXe

L’incendie qui s’est déclenché dans la soirée du 23 juillet 1893 à Port-Louis a laissé des images tout à fait poignantes de la capitale dans lesquelles on peine à reconnaître les rues historiques qu’on a l’habitude d’arpenter. L’exposition qui se tient jusqu’au 21 février au Blue Penny Museum montre une série de photographies collectées par Jean-Baptiste Urbini qui ont été prises aux lendemains du sinistre, alors que les différents services concernés tentaient de redonner un visage, même défiguré, à la capitale.
Le grand incendie qui a mis Port-Louis à sac dans la nuit du 23 au 24 juillet 1893 s’est déroulé à une période où la pratique photographique était particulièrement présente à Maurice. Aussi est-on frappé de voir, à plusieurs reprises dans certaines images, des photographes avec leur chambre dans les rues de Port-Louis, au milieu des ruines abattues par le feu.
Dès le 27 juillet, le gouverneur écrit au maire de Port-Louis pour qu’il soit interdit de marcher ou circuler dans les rues incendiées en raison des risques d’effondrement, et pour laisser la voie libre aux divers intervenants. Des pillages avaient d’ores et déjà été constatés et il fallait protéger ce qui restait encore des biens des différentes maisons ravagées par le feu.
La photographie extraite du fonds Morgan Smith, qui ouvre l’exposition, montre d’emblée que différents corps ont été sollicités pour remettre la capitale debout tant les dégâts sont importants. De très jeunes garçons figurent sur cette image, des corps écossais ainsi que des pompiers de la ville et des marins. Toutes les forces mobilisables ont été sollicitées pour sécuriser les rues et éviter les pillages.
Une image de la rue de La Chaussée – qui a été providentiellement épargnée cette fois-ci, mais qui ne le sera pas deux ans plus tard par un nouvel incendie – montre alors essentiellement des bâtiments en bois et pierre de taille, avec des toits couverts de bardeaux, et laisse imaginer ce à quoi pouvait ressembler cette ville avant d’être défigurée par les flammes.
Le déclenchement du feu a été fulgurant, comme le témoignage du directeur de l’hôtel Masse permet de le comprendre. Il explique en effet que les flammes sont apparues entre 19 h et 19 h 15 et qu’il a considéré que sa maison était perdue à partir de 19 h 30… L’incendie a continué à se propager et faire rage dans le coeur de Port-Louis jusqu’à 4 h du matin, heure à partir de laquelle les pompiers ont commencé à faire régresser le feu.
Les établissements qui ont péri sont, par exemple, la pharmacie Loumeau, ainsi que les maisons Elias, Mallac, Scott, Singer, Chauvin-Castillon, Guillou, etc. On évoque un magasin de guano en flammes près de La Ferme aux rhums, qui a fort heureusement été épargnée étant donné que 100 000 litres d’alcool y étaient entreposés… Les pompiers se sont activés à plein régime pendant 24 heures pour éviter cette catastrophe supplémentaire en isolant l’entrepôt.
À l’époque, tout équipement qui pouvait servir à lutter contre le feu était généralement estampillé Merryweather & Sons. Ce fabricant anglais apposait sa marque aussi bien sur les grandes échelles à roues que sur le tableau d’alerte fait sur mesure à Port-Louis, aux dimensions du bureau où il a été entreposé, et relié à tous les postes d’alerte à incendie parsemés dans les différents quartiers de la capitale où tout témoin d’un départ de feu pouvait briser la glace pour déclencher l’alerte. La première mesure consistait alors à prévenir la police pour qu’elle bloque la circulation aux abords de la caserne des pompiers, pour laisser la voie libre aux camions…
Cette exposition raconte aussi à travers objets et documents la modernisation des services des pompes et des métiers d’assurance que cet incendie a nécessité, ou comment tirer les enseignements d’un drame national dont la presse s’est alors émue au-delà de nos rives.

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