SANTÉ: Au secours, mon collègue sent mauvais

Derrière son dos, tout le monde l’appelle « lipié pourri » « zak mir », voire « laguel pi »… mais personne n’ose lui dire que c’est devenu insupportable. Pas toujours facile de cohabiter en entreprise. Mauvaise haleine, parfum dont la fragrance chatouille désagréablement les narines ou transpiration suffocante, ou encore des collègues qui dégagent des odeurs de pied nauséabonde, sans oublier celui qui sent le tabac…, autant de profils que l’on préfèrerait ne pas croiser sur son lieu de travail. A l’heure où certains rêvent de détente et d’aventures, certains d’entre nous rêvent juste de pouvoir respirer normalement sur son lieu de travail. Mais entre collègues, difficile d’évoquer les odeurs gênantes, un sujet toujours tabou.
Même avec un ami, aborder les mauvaises odeurs fait partie des choses qu’on aimerait ne jamais avoir à dire (et encore moins à entendre), alors avec un collègue… D’un côté, notre bien-être au travail est en jeu, de l’autre on touche ici à l’intimité de la personne, qu’on appréhende de blesser profondément. « Énoncer le thème de l’odeur, c’est entrer dans la sphère intime », disent les psycho-sociologues. Mais lorsque cela devient invivable, comment dire à un collègue qu’il sent mauvais? Exprimer l’odeur sur le lieu de travail, celle de collègues ou de supérieurs avec lesquels on partage des heures de travail, relève d’une communication souvent impensable pour la plupart des salariés. « Une remarque sur l’odeur, plus que toute autre critique, appuie très fort sur une blessure narcissique, toujours mal cicatrisée. Le collègue à qui vous adresserez ce reproche ne comprendra pas votre réflexion comme une remarque ciblée, mais comme une négation de toute sa personne », expliquent les professionnels de la psycho-sociologie. 
L’art de la communication non-violente
Ouvrir la discussion olfactive avec ses homologues, sans blesser les sensibilités, s’apparente donc à un travail herculéen. Pour certains psycho-sociologues, « l’odeur est un tabou social. Nous n’avons pas de mot pour en parler. » Quand le vocabulaire manque, les gestes deviennent-ils opportuns? Pas plus, indiquent-ils. Très souvent, les gens vont offrir un savon ou un parfum à une personne qui sent « mauvais » pour eux. Soit la personne n’est pas consciente du problème et ne va pas comprendre, soit elle va exprimer du déni face à la situation. Dans les deux cas, c’est inutile. Le mieux, c’est d’essayer d’aborder les choses par le politiquement correct pour ensuite évoquer le sujet le plus sensible.
D’abord, on en parle à d’autres pour vérifier qu’on ne se fait pas un blocage complet sur ce pauvre collègue. Une fois le problème établi, on évite à tout prix les stratagèmes douteux et messages subliminaux du type déo posé dans le tiroir, ou l’éloignement géographique progressif du bureau, fenêtres ouvertes par  12°… On peut désigner plutôt un porte-parole parmi les collègues indisposés : le plus pédagogue, celui qui a des relations apaisées avec lui, et si possible sans lien hiérarchique. Dans un moment de calme et à l’extérieur (pause café, déjeuner…), ce dernier peut utiliser une formule du type : « C’est difficile pour moi de t’en parler mais je pense que cela te serait bénéfique pour tes relations au travail et même ailleurs : je pense que tu es anxieux et que dans les moments de stress, tu as tendance à transpirer excessivement… ».
Simple sur le papier, mais en pratique?
« Énoncer le thème de l’odeur, c’est entrer dans la sphère intime. Il faut donc essayer d’aborder les choses par le politiquement correct pour ensuite évoquer le sujet le plus sensible », confirme les psycho-sociologues. Face à ce dilemme, on peut se tourner vers une tierce personne, plus à même d’aborder ce genre de discussion, en l’occurence, un directeur des ressources humaines. En effet, pour venir en aide aux dirigeants confrontés à cette situation, une technique de management a récemment fait son apparition : la « communication non-violente ». La clé de cette pratique : éviter les reproches et rester dans le factuel. Le manager peut, par exemple, lors d’une réunion interne, parler des seuils de tolérance aux odeurs, variables entre les personnes. Il peut en l’occurrence faire le parallèle entre la cigarette et les odeurs corporelles, en demandant à chacun de ses salariés s’ils étaient concernés par le problème et de s’exprimer globalement sur le sujet. La parole libérée, les participants, sans pointer qui que ce soit du doigt peuvent ainsi aborder leurs appréhensions sur leur lieu de travail notamment lorsqu’ils s’agit des odeurs gênantes pour leur productivité respective. Et de là, un changement peut s’opérer chez les personnes qui se sentent concernées. Un fumeur, non-conscient de son « fumet », peut songer à  modifier sa façon d’être.
Un risque de discrimination
Attention toutefois à ne pas poser de regard moralisateur, et à agir avec tact pour ne pas braquer le « malodorant ». Un salarié qui se sentirait marginalisé risque de se tourner vers un délégué du personnel.
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Comment y mettre votre nez?
Vous vous jetez à l’eau et allez dire à votre collègue ce qu’on n’ose pas lui dire : « tu pues? » Voici 10 conseils à ne pas prendre avec des pincettes.
Bienveillance
Avant même de rencontrer ce collaborateur, dites-vous que vous allez lui rendre service. Vous taire reviendrait à l’isoler définitivement du groupe ou de l’équipe.
Discrétion
Convoquer le(la) malodorant(e) de façon discrète dans votre bureau pour un entretien individuel.
Personnalisation
Appelez-le par son prénom afin de placer d’emblée la conversation sur un terrain plus personnel.
Rassurer
Il faut de suite le tranquilliser sur l’objet du rendez-vous en exprimant un signe de reconnaissance fort. Par exemple, « ce que je vais te dire, ne remet pas en cause ton travail ou notre amitié… ».
Prendre ses responsabilités
Ne dites pas, « j’ai entendu dire », « on m’a rapporté que… ». Assumez vos responsabilités en employant le « moi, j’ai du mal à travailler à côté de toi… ». Parlez en votre nom.
Exposer les faits clairement
Rien de pire que de tourner autour du pot. Si c’est un problème d’haleine, de sueur…, mieux vaut jouer franc jeu.
Le questionner
« En es-tu conscient? » est THE question incontournable. Si la réponse est négative, il se peut que le changement de comportement du collaborateur visé soit radical et rapide. Si en revanche, il en est conscient mais n’a rien pu mettre en oeuvre pour améliorer la situation, il est d’autant plus important de se montrer délicat. S’il est dans le déni, inutile d’insister, laissez-le réfléchir et reparlez en plus tard. S’il est en colère contre une telle intrusion dans sa sphère privée, prenez le temps de lui expliquer que votre démarche est constructive et vise à éviter un plus grand isolement futur. Quelle que soit sa réaction, il y aura nécessairement un changement de sa part.
Trouver des solutions
Passé le cap de la prise de conscience, amenez le collaborateur à trouver ses propres solutions au lieu de lui servir vos recettes. Tout simplement en lui demandant ce qu’il compte faire pour remédier à cette gêne. S’il s’agit d’un problème d’ordre médical, vous pouvez lui proposer de rencontrer votre médecin.
Mentir (un peu)
Pour le décomplexer, les psycho-sociologues conseillent de pratiquer (en option) « le pieux mensonge ». Par exemple en soulignant que cela vous est également arrivé et que vous avez solutionné votre problème d’haleine avec des petits bonbons rafraîchissants.
Roue de secours
Si les rapports avec ce collaborateu sont un peu tendus, mieux vaut déléguer cette tâche à une tierce personne. Par exemple le DRH.
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On évite…
L’humour : Exit le flacon de parfum déposé discrètement sur son bureau.
La provoc en public : pas question de lancer à la cantonade « Jules, t’as oublié de passer par la case douche ».

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