(COVID-19) Drs Satish Boolell et Vasant Bunwaree : « On a déconfiné trop vite ! »

S'agissant de l'absence de distanciation dans le transport public, le Dr Bunwaree parle de « catastrophe », d’une situation « dangereuse, voire criminelle », alors que le Dr Boolell dénonce, lui, une « négligence extrême »

« C’est tout à fait en conflit avec tout ce qui a été pris comme mesures sanitaires. C’est un acte qui pousse à la négligence extrême. » Tel est l’avis du Dr Satish Boolell par rapport à l’absence de distanciation physique dans le transport public depuis le déconfinement, samedi dernier. Quant au retrait du système d’ordre alphabétique pour accéder aux commerces, il le trouve « scandaleux ».

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Le Dr Bunwaree qualifiera pour sa part ce manque de précautions dans le transport en commun de « catastrophe ». Pour lui, il s’agit d’une situation « dangereuse, voire criminelle ». Et s’il y a bien quelque chose sur lequel les deux médecins sont d’accord, c’est que « l’on a déconfiné trop vite ». Le Dr Bunwaree n’écarte d’ailleurs pas la possibilité que les variants commencent à faire surface. « Il faut faire très attention », prévient-il.

« On est allé trop vite en besogne. On ne peut pas du jour au lendemain quasiment tout retirer et venir faire de la grande théorie en matière de distanciation sociale au niveau du transport public. C’est tout à fait en conflit avec tout ce qui a été pris comme mesures sanitaires », n’hésite pas à dire le Dr Boolell, qui dit ne pas comprendre cette décision au niveau du transport public. Il se prononcerait d’ailleurs plutôt en faveur de la réouverture des plages et des parcs, « bref, des espaces ouverts à mon avis bien moins dangereux que le transport en commun ». Il poursuit : « J’ai l’impression qu’on n’a pas raisonné, on n’a pas réfléchi. »

S’agissant des lieux de culte – comme les églises, temples et mosquées –, le médecin se dit d’avis que leur réouverture aurait pu aider, tout en maintenant la distanciation sociale, à faire l’éducation des fidèles. « Je suis pour la réouverture des lieux de culte, mais certainement pas avec le tamtam qu’on a vu en Inde. Les places sont limitées dans les lieux de culte. Il faut raisonner les gens. Si on ouvre les plages, ce n’est pas pour que les gens viennent dans des bus loués pour un tamtam sans fin. Il faut interdire les bus ‘special route’. Pourquoi les parcs et les plages sont-ils fermés tandis que les salles de gym sont ouvertes ? » s’interroge-t-il. Par contre, le manque de distanciation dans le transport public est, selon lui, une décision qui « pousse à la négligence extrême ».

S’agissant des nouveaux cas de New-Grove, le Dr Boolell souligne que le danger est toujours là. « Il y a d’autres secteurs qui deviennent assez dangereux, comme le manque de vaccins. Pendant ce temps, on fait passer des messages partout qu’il y a des vaccins anti-grippe à des prix forfaitaires. Est-on en train de se cacher derrière des vaccins anti-grippe ? On vous inflige le vaccin anti-grippe alors que le vaccin dont vous avez besoin est l’anti-Covid. Les jeunes de 16 ans aussi ont droit au vaccin, mais on n’en a pas parlé. Il faut la communication pour nous dire quels sont les types de virus qui se propagent à Maurice. Il y a un manque d’informations. Il y a une épidémie de Fake News sur les réseaux sociaux et qui troublent les gens. »

Satish Boolell suggère d’autre part de revoir notre système de quarantaine. « Les personnes qui ont été en contact avec les contaminés ne doivent pas faire seulement une auto-isolation. Il faut un peu plus. Mais ne pas prendre tout le monde et les emmener dans des hôtels. Tout comme on a fait des WAP pour permettre à des personnes d’aller travailler, qu’on crée un WAP pour ceux qui vont en auto-isolation. S’il le faut, on peut songer à introduire un bracelet magnétique. »

Tout aussi scandaleux que l’absence de distanciation physique dans le transport en public, pour lui : le retrait de l’ordre alphabétique pour accéder aux commerces. « On a lâché le système alphabétique trop tôt. Ce qui fait que quand vous allez au supermarché le week-end, c’est la grande foule. On aurait dû maintenir le système alphabétique pour les commerces et les fermer les dimanches. »

Les craintes du médecin : que l’on assiste à une nouvelle flambée. « Dans d’autres pays, on parle de phase 2 et 3. Il faut que le gouvernement vienne dire clairement où on en est avec les vaccins. » S’agissant des masques, le Dr Boolell dit préférer « un masque mal porté que pas de masque du tout ». Il poursuit : « Un masque réduit le débit d’air. Par contre, il ne faut pas que le masque remplace une barbe et qu’il soit porté au niveau du menton ! Mais au moins se couvrir la bouche. En tout cas, pas question de ne pas porter de masque ! »

Il conseille ainsi aux autorités de pratiquer « une politique de vérité ». Il développe : « Le gouvernement doit venir ouvertement dire si un vaccin est bon ou pas, dire quels sont les défauts du système. Et de ne pas venir dire, dans les cas de décès, que ces dialysés ne se sont pas fait vacciner, comme s’ils étaient responsables du manque de vaccin, des débats suscités dans les médias qui ont fait que ces dialysés ont hésité. Arrivé un moment, the bus stops at government. Un ministre de l’ancien gouvernement disait : ‘Government decides.’ Moi, je dis : ‘Government decides, et si quelque chose marche mal, le gouvernement doit porter quelque part la responsabilité’. »

Pour le Dr Bunwaree, « autant j’avais dit que la première phase avait été bien gérée, autant je dois cette fois admettre qu’il y a des failles ». Il continue : « On a déconfiné un peu trop vite. Il fallait maintenir encore deux à trois semaines. » Il ajoute qu’il ne faudrait pas qu’il y ait trop de nouveaux cas positifs. « Si un jour il n’y a pas de cas, cela ne veut pas dire que le virus n’est plus là. La preuve, après quelques jours de cas zéro, il y a eu trois nouveaux cas. Cela montre que le virus circule encore dans le pays. »

« Deuxièmement, dit-il, on a accepté des personnes venant d’un pays hyper-infecté, à savoir l’Inde. » S’il est vrai, poursuit-il, que pour certains, c’est une question de vie ou de mort, lui-même ayant envoyé un bébé se faire opérer d’urgence en Inde, « il faut malgré tout multiplier les précautions ». Toutefois, « de là à permettre à des gens venir de ce pays… » Il poursuit : « C’est vrai que l’économie est dans une phase extrêmement difficile, au risque de se retrouver dans une situation de non-retour. Mais il faut faire preuve de bon sens. Il faut faire très attention, car il y a des variants de l’Inde qui commenceront à faire surface à Maurice. Il faut très attention. La situation est extrêmement difficile. »

Le Dr Bunwaree constate que beaucoup de personnes n’appliquent pas les mesures barrières comme il le faudrait. « Il aurait fallu faire une sorte de ‘brainwashing’ auprès de la population. Il faut mettre les Mauriciens face à leurs responsabilités. Il faut des enregistrements audio dans le transport public comme dans les supermarchés. Ces mesures comprennent le port du masque, le lavage des mains, et j’ajouterais la désinfection des poignées de porte, des interrupteurs, des télécommandes… Sans compter la distanciation physique. Dans les endroits extérieurs, on peut ne pas porter de masque. Au contraire, on peut respirer. Mais à partir du moment où on est entouré d’autres personnes à deux mètres de distance, il faut porter le masque et se couvrir le nez. Ce sont de nouveaux réflexes qu’il faut avoir. »

L’absence de distanciation physique dans le transport public est, dit-il, « une catastrophe ». Il explique : « On me dit que le port du masque dans le bus est une très bonne mesure et qu’il faut ouvrir les fenêtres. C’est très bien ! Mais quand on dit que fort de cela, on peut ne pas respecter la distanciation physique, on est en train de dire quoi là ? Ce sont des gens qui ne comprennent vraiment rien ! S’il commence à pleuvoir, que fait-on ? Laisser les fenêtres ouvertes ? Quand un bus est rempli et qu’on est obligé de fermer parce qu’il pleut… Et même si les fenêtres sont ouvertes, le virus peut circuler grâce au vent qui circule. Le ministre est sûr que le virus sortira par les fenêtres ? Or, sur 100, vous pouvez en avoir 90 qui sortent et 10 qui restent ! Et il suffit d’un seul pour causer des dégâts. »
« Ce qui est dommage, dit-il encore, c’est que le ministre sait que le risque existe, mais il vous dit qu’il ne peut permettre à cette industrie de fermer les portes. Mais le SME Fund, c’est fait pour aider ces gens ! C’est la responsabilité du gouvernement de venir à l’aide à ceux en difficulté. » Aussi, pour lui, cette décision est « une catastrophe », une situation « dangereuse, voire criminelle » ! « Vous exposez les passagers qui vont aller travailler. Ils contractent le virus et vont le transmettre aux autres. Et vous venez dire que c’est pour garder l’industrie viable ? Le virus circule et il y en aura d’autres cas. New-Grove risque d’être décrétée zone rouge. »

Le médecin répète qu’on a « déconfiné trop tôt » et qu’on n’est pas en train de prendre toutes les précautions qu’il faudrait. « Il fallait garder l’ordre alphabétique. Les gens sont habitués et sont contents de cela. Car il y a plus d’ordre et de discipline. » Contrairement au Dr Boolell, le Dr Bunwaree ne se montre en revanche pas en faveur de la réouverture des lieux de culte. « Ceux qui demandaient la réouverture l’ont fait au début du déconfinement, mais s’ils voient la situation maintenant, ils changeraient d’avis. »
Quant à la plage, il s’agit d’un « endroit ouvert », rappelle-t-il. « Si on regarde ce qui se passe dans le monde, ce n’est pas un endroit où les infections se transmettent. Mais s’il y avait une possibilité de contrôle de distanciation physique, ce serait bien. Quand on a ouvert, il aurait fallu mettre des surveillants partout, et ne pas permettre aux gens de ne pas porter de masque. Il faut être vigilant ! A ce moment, on aurait pu permettre aux gens d’aller à la plage. »

Commentant les décès de patients dialysés, il trouve que « ces personnes auraient dû être accompagnées par un support psychologique » permanent. « Le stress provoque des troubles organiques et métaboliques secondaires, qui peuvent tuer les gens. » En guise de conseils, le Dr Bunwaree insiste sur le développement du réflexe des  gestes barrières. « Il faut une éducation permanente. Ensuite, le gouvernement doit trouver des vaccins le plus vite possible. Ce n’est que 15 jours après la deuxième dose qu’on devient vraiment protégé. Jusqu’à nouvel ordre, il faut sensibiliser nos compatriotes à ne sortir que quand c’est nécessaire et rester chez soi autant que possible. »

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