COMMISSION DROGUE : Je veux tout dire mais je crains pour ma vie, a déclaré Naserah Vavra

Naserah Vavra, l’épouse du trafiquant de drogue notoire Siddick Islam, mieux connu sous le sobriquet de Nerf, a déposé devant la Commission Lam Shang Leen hier. La jeune femme s’est surtout évertuée à expliquer qu’elle « est au courant de certaines choses » s’agissant d’une affaire ayant trait à un ancien Attorney General, ajoutant toutefois qu’elle « craint pour ma vie et celle de mon mari ». Paul Lam Shang Leen a de fait pris le parti de « ne pas avoir d’informations », soulignant que « si nous ne pouvons assurer votre protection, dans ce cas, je préfère que vous ne disiez rien ». De plus, elle a été questionnée sur des appels passés à son mari, en prison, via téléphone portable, ainsi que sur des virements réguliers de Rs 1,5 M sur son compte bancaire. Naserah Vavra maintient cependant qu’elle « n’a jamais travaillé » de toute sa vie et qu’elle n’a « jamais fait de déclaration à l’Income Tax ». Or, des relevés de la MRA attestent du contraire.
« Je préfère que vous restiez vivante ?! Si la commission ne peut assurer votre protection, dans ce cas, je préfère rester sans information. » C’est en ces termes que l’ancien juge Paul Lam Shang Leen a clos l’audience de Naserah Vavra, l’épouse de Siddick Islam. Ce trafiquant notoire, connu sous le sobriquet de Nerf, purge actuellement une peine de 30 ans pour une affaire de drogue. Le détenu avait déposé devant la commission le 17 juillet, et ce en grande partie à huis clos. Deux jours plus tard, soit le 19 juillet, 28 g de Lannate, un puissant poison, avait été découvert sur Siddick Islam par l’un des assesseurs de la commission d’enquête, à savoir l’ancien ministre Sam Lauthan. Ce dernier s’était rendu à la prison de Melrose justement à la lumière de certaines informations données par Nerf.
Paul Lam Shang Leen est revenu sur une information que Nerf avait communiquée à la commission, relative à une affaire d’argent liée à un ancien Attorney General. « Siddick Islam nous avait dit que vous étiez au courant », a décoché le président de la commission à l’intention de Naserah Vavra. Celle-ci a répondu : « Oui, en effet, cette transaction s’est déroulée en ma présence. » Cependant, a nuancé l’épouse du trafiquant de drogue, « depuis que mon mari a déposé devant la commission, il y a eu cette affaire de Lannate ». Elle poursuit :« Vendredi dernier, il a été menacé à deux reprises par de hauts gradés de la prison. Comprenez, Mr le président, que je n’ai peur de rien quand il s’agit de faire triompher la vérité. Mais je suis une femme et je suis seule. Dans l’immeuble où j’habite, il n’y a pas de sécurité. Je ne veux pas me retrouver avec cinq ou six personnes qui débarquent chez moi… » Le président de la commission a posé des questions précises à Naserah Vavra s’agissant de son mari, Nerf.
Paul Lam Shang Leen : Avez-vous des choses à dire à la commission ??
Naserah Vavra : Oui ?! J’ai effectivement des choses très graves à dire. Mais je vous le redis, je ne sais pas ce qui peut se passer. J’ai peur que quelqu’un étouffe mon mari ou lui fasse une injection mortelle.
PLSL : Le National Preventive Mechanism, la Human Rights Commission et Me Hervé Lassémillante, je crois, sont garants de la sécurité.
NV : Je ne veux pas perdre mon mari ni que ma famille perde l’un des leurs.
PLSL : Eh bien, si vous avez peur de nous dire certaines choses, il vaut mieux que vous ne disiez rien.
NV : Vous savez, ces avocats, aussi longtemps qu’ils savaient que Siddick Islam avait de l’argent, ils ont tout promis et ils l’ont plumé. Aujourd’hui, ils savent que nous n’avons plus rien, ils n’ont plus rien à faire avec nous.
PLSL : Est-ce vrai que Siddick Islam est un « roi » en prison ?? Vous, vous êtes une « reine » à Plaine-Verte, donc lui, c’est le « roi » de la prison ??
NV : En prison ou ailleurs, Siddick est un homme qui a toujours aidé les autres.
PLSL : Vous connaissez son réseau ??
NV : Non. Ce que je sais, c’est que s’il avait un réseau, on aurait eu les moyens de le sortir de là. Il aurait eu de l’argent et il aurait pu se payer un avocat étranger, qui aurait trouvé une façon de le faire sortir. Peut-être que oui, il a un réseau, dans la mesure où il s’agit de téléphones et autres. Mais pour des choses plus graves, il n’en a pas les moyens.
« Dade (Azaree) ne nous parle pas »
C’est Sam Lauthan qui a démarré l’audition de Naserah Vavra. D’entrée de jeu, l’ancien ministre de la Sécurité sociale a questionné l’épouse de Siddick Islam par rapport à son téléphone portable. L’assesseur de la commission d’enquête a indiqué à Naserah Vavra que son téléphone avait été en communication avec un numéro saisi sur un ex-détenu, en l’occurrence Abdool Rahim Jusub. Elle a confirmé qu’elle « connaît Jusub » et qu’elle l’a « souvent aidé quand il était malade », ajoutant que « je suis également allée lui rendre visite en prison ».
Concernant son époux, Naserah Vavra a soutenu qu’il l’appelle « surtout de la cabine ». Mais des fois, il « appelle aussi via un portable ». Elle ajoute à cet effet :« Je vous avoue que le fait d’entendre sa voix me rend tellement heureuse que je ne note pas le numéro d’où il m’appelle. » Sam Lauthan a fait un relevé des échanges téléphoniques entre Siddick Islam et Naserah Vavra. Puis le travailleur social, très engagé dans la lutte contre la drogue, a abordé les relations des deux époux.
Sam Lauthan : Vous ne le savez peut-être pas, mais je connais Siddick Islam depuis qu’il est adolescent. Je peux même dire qu’il a grandi sous mes yeux. Hélas, nos parcours ont pris des voies diamétralement opposées à partir d’un certain moment, et vous savez pourquoi. Quand il est venu témoigner devant la commission, lundi dernier, il nous a un peu parlé de son réseau. C’est ainsi que les noms de Shabeer Goolamhouse, Khalil Ramoly, Jalil Baccar ou encore Dade (Azaree) ont été prononcés. Nous souhaitons savoir si, par exemple, vous n’avez pas été utilisée par ce réseau…
NV : D’abord, je dois expliquer que Dade ne me parle plus depuis que j’ai épousé Siddick Islam. Quelles sont ses raisons ?? Je ne le sais pas. Et même s’il habite dans le voisinage où vit ma belle-mère, nous n’avons aucun contact avec cette personne. En revanche, en ce qu’il s’agit de Khalil Ramoly, c’est une personne qui est plus proche qu’un parent. De tout temps, il nous vient en aide. Depuis que mon mari est en prison, il est toujours présent pour Siddick et moi. Comme je n’ai pas d’enfants et que je n’ai personne, il n’hésite jamais à m’aider. Pour ce qui est de Shabeer Goolamghouse, je ne sais pas où il habite. Par contre, Jalil Baccar est un parent.
SL : Vous êtes consciente que vu les activités dans lesquelles votre mari est engagé, et qui touchent à des choses sensibles comme l’argent, les clans, la rivalité, la drogue… tout cela a un prix. Nous avons apprécié qu’il ait eu le courage de venir parler devant la commission, mais je pense que vous réalisez qu’en ce qu’il s’agit des autorités, il n’a rien à craindre. Par contre, s’il y a quelque chose entre détenus, ça, nous ne pouvons savoir…
NV : Mais dans tout cela, c’est moi la grande perdante ?! C’est nous, au sein de la famille, qui allons perdre un des nôtres s’il lui arrive quelque chose. Je ne savais rien de tout ce qu’il a dit devant la commission. J’ai tout appris des journaux. Et quand je lui ai demandé si tout cela était vrai, il me l’a confirmé. Cela fait 11 ans que je marche seule et je me bats pour lui. Voilà que trois jours après avoir déposé devant la commission, il a eu des menaces.
PLSL : En 2012, vous avez fait l’acquisition d’un terrain à Sainte-Croix au prix de Rs 850 000. Comment avez-vous payé cette transaction ??
NV : Ce sont des parents qui ont cotisé. Comme je suis seule et que mon mari est en prison, un oncle et une autre proche ont mis de l’argent ensemble. La famille a réuni l’argent nécessaire. J’ai déjà soumis ces documents à l’ICAC.
PLSL : D’accord, vous nous ferez également avoir ces documents. D’après les documents que nous avons à votre égard, il y a une ardoise que vous devez à la taxe. Quel travail avez-vous fait ??
NV : Je n’ai jamais travaillé. J’ai mes proches en Europe qui m’envoient de l’argent.
PLSL : Vous connaissez un certain Noor Hossen Ramoly, dit Khalil ??
NV : Bien sûr ?! Khalil est plus qu’un frère. Il connaît Siddick depuis toujours – depuis que mon mari était peintre en fait. Il a toujours été présent pour nous.
PLSL : Et la voiture qui a pour immatriculation N 53, il vous l’a donnée ??
NV : Non, je l’ai achetée de Khalil quand le véhicule a fait un accident. Je l’ai acquise via un “leasing” avec la compagnie ABC Leasing. D’ailleurs, j’ai gagné mon “case” dans cette affaire.
PLSL : Quelle voiture utilisez-vous ?? Une Audi ??
NV : Je roule dans plusieurs voitures que Khalil me prête et qui sont à son garage…
PLSL : Et ce Khalil, vous savez ce qu’il fait ??
NV : Oui, il tient un garage pour réparation de voitures et un magasin où sont vendues des pièces de rechange.
PLSL : Vous travaillez ??
NV : Non, je n’ai jamais travaillé. J’ai des proches qui sont en Europe, ils m’envoient régulièrement de l’argent et des choses. Et il y a aussi mon beau-frère, qui a un élevage.
PLSL : Vous ne percevez donc aucun salaire ??
NV : Non.
« Raouf Gulbul pe peye ! »
PLSL : Alors, comment cela se fait qu’il y a des déclarations fiscales en votre nom ??
NV : (surprise) Je ne sais pas ?!
PLSL : Vous n’avez jamais déclaré vos impôts ?
NV : Non ?!
Sam Lauthan devait revenir sur ce point et demander à Naserah Vavra des éclaircissements.
SL : Cette affaire de taxe est intrigante… Vous dites que vous ne travaillez pas et que vous n’avez jamais rempli de feuilles d’impôts. Cependant, dès 2006, sur votre compte bancaire, il y a un dépôt de Rs 1,5 M. Et de 2008 à 2012, ce chiffre réapparaît. Vous dites que vos proches vous envoient de l’argent de l’extérieur. Ce que je trouve drôle, c’est que c’est toujours la même somme qui se retrouve sur votre compte.
NV : Je ne sais pas… Il faut que je cherche des informations.
PLSL : Votre mari a eu affaire à bon nombre d’avocats. Qui est le dernier en date ??
NV : Noor Hussenee.
PLSL : Gratuitement ??
NV : Non. Parfois il demande Rs 5 000, parfois Rs 10 000… Des fois, c’est moi qui le paye, d’autres fois, c’est mon beau-frère, Imran Islam, celui qui a un élevage.
PLSL : Où votre mari a-t-il eu tout cet argent ?? Ici, il a laissé entendre que c’était l’argent provenant du trafic de drogue.
NV : C’est ce qu’il vous a dit.
PLSL : Rs 25 millions. C’est ce qu’il dit avoir payé aux avocats.
NV : Ça s’est passé devant moi. Avant, oui, il était dans le trafic. Mais maintenant, depuis que je suis avec lui, il ne fait plus rien d’illégal.
PLSL : Vous ne lui avez pas demandé d’où sort tout cet argent ? Comment il l’a gagné ?? Quel avocat a-t-il payé ??
NV : Il y en a tellement eu (des avocats) que je ne m’en souviens plus. Ma vie est en danger. Je vais partout où il faut pour chercher de l’aide pour mon mari. Mais ce que je peux dire, c’est que ce qui arrive à Raouf Gulbul, aujourd’hui, c’est ma malédiction ?! Zordi li pe peye !
PLSL : Qu’est-ce que vous lui reprochez ?? C’est un avocat, il a fait son travail…
NV : Il avait demandé de prendre un panel d’avocats pour Siddick ?! Je n’étais pas là à cette époque-là, mais je sais qu’il a changé des choses dans l’affaire de mon mari. Linn invit avoka pran kas Siddick Islam ! Il y a des hommes de loi qui ont pris l’argent de mon mari, mais qui n’ont jamais ne serait-ce que pris connaissance de son cas.
PLSL : Mais c’est bien votre mari qui a retenu les services de Me Gulbul ?
NV : Oui, c’est vrai, mais qu’a-t-il fait pour mon mari ?? Rien ?!
PLSL : Que savez-vous de cette affaire d’argent remis à un ancien Attorney General ??
NV : Si vous assurez ma sécurité, je peux tout vous révéler. Mais depuis vendredi, avec les menaces que mon mari a eues, j’ai peur…
PLSL : La soeur de Siddick Islam, votre belle-soeur, a également réclamé la sécurité pour lui.
NV : Oui, c’est vrai. Mais je peux vous dire que cette affaire de Lannate, Siddick n’a aucune intention de faire quelque chose de mal. Il ne ferait jamais un acte criminel. Il vous a dit beaucoup de choses quand il a témoigné, et aujourd’hui, on en veut à sa vie.
PLSL : Il y a beaucoup de choses qu’il n’a pas dites aussi. Par exemple, pour ce qui est de son réseau, comment il fonctionne…
NV : Oui, mais ça, c’est parce qu’il n’a aucune garantie de sécurité, même s’il se trouve en prison. Moi aussi je me trouve dans une situation où je n’ai pas de sécurité autour de moi. Mo enn simp dimounn…
La Commission Lam Shang Leen s’est aussi appesantie sur les appels téléphoniques passés entre Siddick Islam et Naserah Vavra.

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