Donnons aux enfants le meilleur de nous-mêmes

SHIRIN AUMEERUDDY-CZIFFRA

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Avocate, ancienne Ombudsperson pour les enfants

et ancienne ministre de la Justice, des droits de la femme et du bien-être de la famille

Une semaine avant Noël, que peut-on souhaiter pour les enfants ? Évidemment, c’est la fête des cadeaux, de la magie, de la lumière. Mais il faut surtout leur donner de l’espoir pour vivre mieux en tant que jeunes, et leur donner de quoi forger leur avenir ainsi que celui de la planète.

Pour les petits Mauriciens, on attend avec impatience trois gros cadeaux sous forme de lois pour mieux les protéger partout où ils se trouvent, à la maison, à l’école et dans les lieux publics. Ces cadeaux ne viendront pas préemballés dans du papier coloré, puisqu’on les connaît déjà. Ils ne viendront pas non plus par la cheminée, mais par un moyen tout simple qui s’appelle une promulgation. Ces lois ont été votées il y a un an déjà, mais leur contenu n’a aucune force sans cette petite procédure tant attendue. Nous espérons que nous n’attendrons pas longtemps.

Qu’est-ce qui changera pour chaque petit Mauricien ? Deux principes fondamentaux sont issus de la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE) de 1989. La non-discrimination et l’intérêt supérieur de l’enfant sont les piliers de la CDE et ils apparaissent clairement dans le Children’s Act 2020.

On entend par enfant toute personne de moins de 18 ans. Jusqu’à maintenant, si un jeune de 16 ans se marie, il est émancipé et n’est donc plus considéré comme un enfant. En réalité, cela ne s’appliquait bien sûr qu’aux filles – souvent à cause du fait qu’elles peuvent tomber enceintes.

Même une petite fille de neuf ou dix ans peut aussi être enceinte. Il y a trop de grossesses précoces, alors qu’on ne devrait pas ignorer ce que cela coûte à ces jeunes en termes d’atteinte à leur santé reproductive. Souvent, elles sont déscolarisées et ont par la suite beaucoup de mal à reprendre leurs études. Clairement, les lois ne seront pas suffisantes pour protéger toutes ces filles mal encadrées qui se font piéger. Il faut une campagne continue pour informer les jeunes au sujet de leur sexualité afin qu’ils soient plus responsables. L’école a un rôle primordial à jouer sur ce point.

Plus personne ne pourra plus obliger un enfant à se marier, civilement ou religieusement. Même le concubinage sera interdit. Jusqu’ici, le Code pénal interdisait toute relation sexuelle avec un enfant de moins de 16 ans. Dorénavant, aucune activité sexuelle n’est autorisée avant 16 ans. Mais la loi est très floue sur ce point. Les jeunes sont perdus. Qu’ont-ils le droit de faire ? Jusqu’où peuvent-ils aller ? Il faudra continuer à se pencher sur ce genre de problèmes en faisant adopter un Sexual Offences Act qui définira avec précision ce qui est acceptable juridiquement. Mais la nouvelle loi met bien l’accent sur les crimes sexuels, le child grooming et la prostitution infantile.

Deux points forts de cette loi concernent la violence contre les enfants, qui peut les affecter durant leur enfance, mais aussi laisser des traces dans leur vie d’adulte.

Il s’agit de l’interdiction des châtiments corporels ou des humiliations visant à corriger les enfants. Là, on vise les parents, les enseignants, les moniteurs, les travailleurs sociaux etc. qui croient souvent que la seule façon de discipliner un enfant est de le punir de manière violente et de le rabaisser.

Ils devront désormais s’habituer à la discipline positive qu’on peut appliquer même à un nourrisson, qui doit apprendre ce qu’il a le droit de faire ou pas. Depuis longtemps, des pédagogues et des psychologues travaillent en effet sur une forme d’éducation non violente qui permet à l’enfant de s’épanouir et de comprendre qu’il faut respecter l’autre.   

La loi punit également le bullying, défini comme tout comportement répétitif, persistant qui a pour objectif de faire peur et mal à un enfant. Le nouveau texte parle “d’imbalance of power between the victimiser and the child”. Il est aussi question de blesser physiquement ou psychologiquement un enfant qui se sent seul, abandonné, et perd confiance en lui-même ou qui peut être handicapé, voire même mourir à la suite de cette sorte d’agissements. Mais en fait, c’est dans la cour de l’école que le harcèlement est le plus courant. Si jamais des parents portent plainte, nous, les avocats, devrons plaider sur ce point qui concerne le rapport de force entre un enfant et un autre.

Dans les deux cas, les coupables risquent un maximum de 100 000 roupies d’amende et cinq ans de prison, ce qui est censé dissuader les « bourreaux d’enfants ». Mais au-delà de l’aspect pénal, il faut savoir que l’enfant victime de violence souffrira de troubles assez graves et que son développement est fortement compromis, sauf s’il peut consulter un thérapeute compétent et qu’il est « sauvé » à temps. Le harceleur lui-même doit suivre une thérapie.

Le Child Protection Act prévoit déjà une obligation de signalement pour les personnels des écoles, des hôpitaux et des services de santé quand ils remarquent qu’un enfant est « à risque » et a besoin d’être protégé. Maintenant, toute personne qui est au courant qu’un enfant est maltraité doit le signaler et s’adresser à la police. Une étroite collaboration est alors prévue entre le ministère chargé de la protection de l’enfance et la police, qui ouvre une enquête sur l’aspect pénal de l’affaire. Le délit de non-assistance à personne en danger existe déjà, mais il est encore rare qu’un citoyen alerte les autorités dans cette sorte de cas.

Il est à présent évident que l’école a besoin d’une politique claire et sérieuse en matière de harcèlement et de châtiments corporels. Elle doit prévoir de faire remonter systématiquement les informations concernant tout soupçon de maltraitance. Quant au personnel médical, ce devoir reste primordial car l’absence de signalement équivaudrait à une négligence et pourrait entraîner des sanctions qui existent déjà dans le règlement des services de santé, sans compter d’éventuelles poursuites.

Le père Noël va-t-il finir par se perdre en chemin ?

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