INSPIRATIONS : Mignonne, allons voir si la rose…

Au cœur du Val-de-Loire, le temps s’arrête. Dans la course folle à la recherche de l’impossible, née d’un besoin impérieux de fuir l’exil pour un retour aux sources, quel bonheur inouï que d’accueillir cette pause dans la nature pour humer le parfum d’une rose !

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Lors d’une flânerie au prieuré Saint-Cosme, tout le monde écoute avec une attention soutenue la jeune fille qui guide les visiteurs au cœur de la dernière demeure de Pierre de Ronsard. Jéra se dirige vers les vestiges du monastère et les ruines d’une petite église romane où se trouve le tombeau du poète entouré de nombreuses sépultures. En parcourant l’ancien logis du poète, transformé aujourd’hui en musée, la guide fait revivre cette période de la Renaissance marquée par les guerres de religion. Jéra imagine Ronsard, alors poète officiel à la cour de France, en train de clamer son engagement politique en défendant l’Eglise catholique et en dénonçant les Protestants pour finir malheureusement par récolter rejet et calomnie. A cette époque, aux côtés de Du Bellay et d’autres poètes de la Pléiade, l’humaniste est aussi en train de défendre avec ténacité la langue française et la culture. Que reste-t-il de ces combats et tous ces débats ?

Dans ce petit havre de paix bien caché dans la vallée de la Loire, Jéra se laisse guider par une légère brise estivale. Chargés de fruits¸ les pommiers du verger attendent patiemment la cueillette de septembre. Tout semble faire écho à la pensée de Ronsard. Le jardin du prieuré dévoile ses secrets. Devant une magnifique pergola recouverte de roses, Jéra entend un visiteur réciter le sonnet à Hélène avec une pointe de mélancolie. A l’écoute de l’hymne au Carpe diem : « Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie », elle s’élance vers une balançoire suspendue sous un platane, scandant tout haut ses pensées « allons prendre congé du passé, vivons l’instant ! » Puis, elle rattrape le groupe qui pénètre le majestueux réfectoire. Les baies vitrées peintes par le célèbre artiste Zao Wou-ki en guise d’invitation au dialogue attirent toute son attention. Captivée par les traits peints à l’encre de Chine, Jéra cherche à déchiffrer le langage des vitraux, à comprendre le message de l’artiste. Pensive, elle quitte ce lieu solennel et cligne des yeux face au soleil éblouissant.

Les visiteurs avancent en direction du « potager des moines ». Quasi recueillis, ils se tournent vers la terre qui nourrit. Le regard posé sur la petite tonnelle de courgettes en fleurs, bordée de tournesols dansant dans le vent, Jéra réfléchit au

cycle de la vie tout en pensant à la fragilité de la rose de Ronsard. D’autres fleurs se sont épanouies depuis la Renaissance. « Tournons la page, vivons maintenant », murmure-t-elle comme pour se convaincre de la plénitude du bonheur du moment, au cœur du jardin du prieuré Saint-Cosme, en cette belle journée d’été ! A l’époque de Ronsard, on connaissait des rosiers qui fleurissaient une fois par an. Le poète ne pouvait imaginer la rose éternelle se pavanant sous sa cloche en verre ni les espèces de roses plus florifères. Aujourd’hui, les variétés remontantes enchantent les jardins toute l’année. Le rosier de Banks scintille de mille feux ! Jéra contemple la beauté de ces petites roses jaunes au fond du jardin. De rose en rose, elle se met à rêver, à se rappeler la rose de Chine, l’hibiscus Rosa sinensis, qui s’ouvrait majestueusement un matin, dans un pays lointain…

Soudain, l’orage gronde sous le ciel d’été. L’âme encore pure de Jéra renoue avec sa vraie nature, s’émerveille du moment présent et n’entend plus les poésies du passé ni les promesses floues de l’avenir. Mignonne, où que tu sois, allons voir si ta rose est capricieuse, radieuse, réconfortante, passionnée ou apprivoisée… Mignonne, allons chez Leconte de Lisle nous abreuver de l’arôme céleste des roses d’Ispahan.

Mignonne, l’essentiel, c’est la rose, ici et maintenant. Un papillon déploie ses ailes, danse en écoutant le bourdonnement de l’abeille qui butine de fleur en fleur. Le jardin vibre de joie. Jéra chante le moment suspendu.

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