Les Electropicales à La Réunion : trois jours au plus grand festival électro de l’océan Indien

D’une scène à l’autre, les performances futuristes s’enchaînent pour trois nuits sur le front de mer du Barachois, à Saint-Denis. Du rap au reggae, l’événement a célébré ses 15 ans en réunissant des milliers de personnes autour de formats payants, mais également gratuits. L’électro de la région a ainsi pu grandir davantage au contact des dispositifs de l’international.

Un doux alizé emporte au large de la côte Ouest réunionnaise la fine poussière qui s’élève sous la cadence des festivaliers, babanisés par des salves d’électro. Jérémy Labelle prend place devant les platines, sur la scène principale bordée par la mer.

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En déplacement à Maurice en mai à l’occasion de La Isla 2068, le compositeur réunionnais avait offert un avant-goût de son univers mêlant le maloya à l’électronique. La performance adopte un format d’exclusivité, cette fois, lors de la soirée d’ouverture des Electropicales, le plus grand festival électro de l’océan Indien.

Ce vendredi soir, des sonorités organiques introduisent pendant plusieurs minutes les bases sur lesquelles sera bâti le monde pensé par ce fils du sol. La répétition des rythmes décourage certains, qui s’éloignent en direction de la scène alternative. Sans avoir assimilé que Labelle, c’est un conteur.

Il brode tout un scénario au fil de son set, tissé dans des décors divers. Le récit livre alors un riche aspect électronique qui, couplé aux jeux de lumières et au mapping, galvanise. Sans jamais cependant s’éloigner du fil conducteur, le maloya.

Qu’importe la portée de la musique, le battement du roulèr, glissé çà et là, ramène vers la source même de son inspiration, aux échos de La-Réunion. En conclusion, Labelle égraine des vers enragés. Puis s’incline humblement et quitte la scène.

Le plus simple des gestes, devant une foule finalement rameutée par cette complexe narration. La poésie d’une première nuit.

Du reggae au rap

Quinze ans que les Electropicales nourrissent la scène électronique de l’océan Indien, en invitant des locaux et régionaux à côtoyer les internationaux. Cet objectif d’ouverture se révèle ardemment défendu par le Français Thomas Bordese, créateur et directeur du festival, qui vit à La-Réunion depuis plusieurs années désormais.

Du vendredi 13 au dimanche 15 octobre, une quarantaine d’artistes de différents horizons ont gagné les berges du Barachois, à Saint-Denis, pour trois soirées réunissant chacune plus de 2 000 personnes autour de cette musique futuriste.

Laquelle s’approprie différentes formes. Du rap à la pop, en passant par les musiques de rave. Et aussi, du reggae dub.

Des barrières de containers métalliques, bardés de graffitis, cloisonnent la scène alternative. Emprisonnée par les structures en métal, la musique y résonne intensément. Prenant par les tripes, frémissant les cœurs. Electrisant les êtres.

Il est 19h15 ce vendredi quand Equality Hi Fi balance contre la police un rappel à l’ordre de ses responsabilités. Le message porté par le reggae dub se comprend à travers un titre et quelques paroles.

L’atmosphère Rebel instillée par les rythmiques s’occupe du reste. Plus tard sur cette scène, l’Afrique du Sud a fait une démonstration par l’entremise de Kebra Ethiopia Sound. Des remix opérés notamment sur vinyle, qui oscillent entre l’Amérique latine et l’Afrique. La basse prenante déchaîne les festivaliers, augurant à cet espace un lieu de défoulement underground, qui dominera jusqu’au terme des festivités.

Une atmosphère différente de celle régnant sur la scène principale.

Plus tôt en ouverture, Dilo y a exposé son univers enchanté de maloya. Eat My Butterfly traduit avec élégance une musique tantôt douce, tantôt électrisante. De laquelle émerge quelquefois la voix de son acolyte, Sibu Manai, avec qui elle avait partagé la scène du Marché de la musique de l’océan Indien (IOMMA) début juin. Les faisceaux bleus engendrent un sentiment de réconfort.

Ces mêmes lumières transcenderont le set de Boogzbrown et Cubenx. Si le premier nommé avait déployé, en mai à Maurice, ses vertus de guérisseur à travers des mélodies profondément humaines, le second a, lui, complémenté ce remède. Un duo déstabilisant, dont la musique permet de briser pour mieux reconstruire.

Le cœur de l’électro

En parallèle sur la scène alternative, Alpha Steppa, Nai-Jah et Ras Tinny prolongent leur set, le public en redemandant encore de ce reggae bouillonnant. L’occasion pour The Driver de suivre le train, en ouverture, avant d’amorcer la descente vers son monde électro.

La techno aux teintes de rave resplendit davantage le lendemain soir sur cette même scène par le même personnage, qui adopte cette fois un autre pan de sa personnalité : Manu Le Malin. Un démon de la scène invoqué vers les minuits.

L’ambiance a évolué autour de la scène alternative en ce deuxième jour de festival. Théo Muller, Bucky et Abuzor ont transformé le lieu en une énorme rave. Même le public est différent.

Plus nombreux, certains ont abandonné leurs t-shirts mouillés de sueurs. D’autres font virevolter les lumignons harnachés autour de leurs épaules. Les uns collés aux autres, la liberté exulte parmi les rafales d’électro hardcore. Ceux qui retournent les fragiles estomacs et effacent les pensées troubles.

À l’opposé sur la scène principale, Cakes Da Killa a présenté un show coloré, à l’image de ce personnage rayonnant. Le rap a investi les lieux par le masqué Kekra et la formation péi Nans. Des tubes largement repris par des jeunes, ouvrant ainsi au monde de la drill, cette danse vivace que la nouvelle génération choie.

À Leto succède le regroupement de Dj So Watts. Cinq platines pour une performance rythmée. « Nous avons fait des rotations », a expliqué Boogzbrown en backstage, histoire de comprendre cette énergie déployée sur scène.

C’est d’ailleurs une énergie semblable qui anime la conclusion de ce festival de trois jours. Le monument Ceronne a ramené vers les origines de l’électro. Celle que la majorité de la nouvelle génération ne semble connaître. Mais qui, visiblement, ravit toujours autant.

En amont, une ambiance Summer Vibe a gagné le front de mer, notamment lors des performances de Coco Libre et Tricio, deux Dj particulièrement communicatifs. Mais quand l’obscurité s’est emparée du ciel, le vétéran a déployé ses ailes.

Ceronne a rappelé les prémisses des musiques qui animent ce temps, soulignant au passage sa mûre expérience dans le domaine. Un ultime jour de festival au format gratuit, ouvert à tous.

Les Electropicales ont généreusement célébré leurs 15 ans. Un festival de niche qui attire pourtant des milliers, en gardant toujours un œil vers le futur. Un avant-gardisme qui plaît.


Organisation pointilleuse

Maurice ne connaît d’événement semblable et, de fait, peu comprendront les énormes dispositifs nécessaires à sa tenue. À cet effet, le front de mer du Barachois avait été transformé pour accueillir deux scènes, divers stands et des toilettes. Ce, tout en délimitant l’accès au lieu et à certaines parties de l’espace, réservées au VIP ou aux artistes. De plus, la route longeant le festival avait été interdite d’accès aux véhicules, avec l’aide de la gendarmerie nationale.

À l’intérieur, ce sont différentes équipes (techniciens, ingénieurs, bénévoles…) qui travaillaient en cohésion pendant trois jours. Les paiements s’effectuaient majoritairement à travers une carte spéciale, qu’il fallait recharger en un point spécifique une fois le crédit épuisé. Dispositif qui évitait au maximum les files d’attente, rendant beaucoup plus plaisant l’accès aux boissons et à la nourriture.

Pour ceux pris de malaises, des soigneurs se tenaient prêts à intervenir. Il y avait également les équipes responsables de la communication, du déplacement et du logement des acteurs de cette 15e édition. En somme, toute une organisation qui, malgré la fatigue, a assuré la tenue du festival dans les meilleures dispositions.


Format gratuit

Hormis les trois jours de festival, les Electropicales ont été entamées du 4 au 8 octobre par des performances gratuites au théâtre Canter, à la faculté de Saint-Denis, sur les berges de la Rivière de Saint-Denis, ainsi qu’au quartier des Camélias. Vendredi, le Off tenu à une heure de l’ouverture offrait une prestation gratuite. D’ailleurs, le dimanche, le festival était ouvert à tous sur le front de mer du Barachois.

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