PNQ : 13 cadavres et trois facultés médicales impliquées

La Private Notice Question (PNQ) du leader de l’opposition, Paul Bérenger, sur le scandale du transfert des cadavres des internes des maisons de retraite, dont principalement le Krishnanand Sewa Ashram de Calebasses, s’est déroulée dans une ambiance très cool ce matin. Probablement en raison de l’aspect délicat et éthique du sujet évoqué. Toutefois, avant le début des échanges, entamés avec une bonne dizaine de minutes de retard, les yeux de l’hémicycle étaient tournés vers le Front Bench de l’opposition, avec les leaders du MMM et du MSM, Paul Bérenger et Pravind Jugnauth, respectivement.
Dans la conjoncture, marquée par un coup de froid dans les relations entre les deux partis du Remake 2000, les contacts ont été réduits au strict minimum entre ces deux leaders politiques, probablement un échange de politesses relativement furtif. Paul Bérenger s’est contenté durant ces dix minutes d’engager la conversation avec Alan Ganoo et Reza Uteem en donnant le dos à Pravind Jugnauth. Néanmoins, il s’est retourné dans l’autre sens en pas moins de deux reprises pour faire des commentaires badins avec le mot « cadavre ». De son côté, le ministre de la Santé, Lormus Bundhoo, a ajouté son petit grain de sel politique en affirmant que « bann kadav-la laba » en pointant dans la direction des travées réservées aux membres du MSM.
 Pour sa part, le Whip de l’opposition, Rajesh Bhagwan, n’a pas eu la partie facile avec le député MSM Roopun, qui tentait à tout prix de converser avec lui.
Quant à la teneur de la PNQ, le leader de l’opposition s’est appesanti sur l’absence de tout cadre légal régissant le transfert des cadavres des institutions charitables vers des écoles ou facultés de médecine à des fins académiques. Il a rappelé que le seul règlement existant et promulgué en 2000 porte sur les dons de cadavres à partir des morgues du ministère de la Santé avec des dispositions très strictes à respecter et s’est interrogé sur l’inaction du ministère de la Santé.
Paul Bérenger a également dénoncé le vide juridique au sujet du don et du transfert d’organes à la médecine comme tel est le cas pour les cadavres. Il a attiré l’attention sur le fait que le texte de loi sur le transfert et le don d’organes, voté à l’Assemblée nationale, n’a pas encore été proclamé jusqu’ici. Il a fait état de graves allégations de gestion d’une caisse noire dans une de ces institutions charitables sur la base du trafic de cadavres et du versement de la pension de vieillesse bien après le décès des internes.
De son côté, le ministre de la Santé, Lormus Bundhoo, a confirmé que 13 cadavres sont concernés par l’enquête policière avec un en particulier transféré à une institution charitable sur ordre de la police. Trois institutions académiques, soit le SSR Medical College, le Mauras College of Dentistry et l’Anna Medical College, sont impliquées dans cette affaire.
Ces transferts de cadavres ont été effectués en complète violation des règlements existants car le ministre de la Santé a soutenu que « the police enquiry has not, as at today, revealed the existence of any application to magistrate or a magistrate’s order authorizing the transfer of bodies to any medical college ». Il a également confirmé le démarrage d’une enquête départementale pour situer les responsabilités dans la disparition des Records à la morgue du Princess Margaret Orthopaedic Centre. Cet exercice concerne également les autres morgues du ministère de la Santé. Il a rappelé à plusieurs reprises que ces transferts de cadavres sont intervenus entre 2001 et 2004 sauf le dernier en 2007.
Bérenger : Par rapport à l’affaire des cadavres, le ministre de la Santé peut-il révéler pour la période allant de 2000 à ce jour, les noms des institutions ayant accusé réception de ces cadavres et celles qui en ont fait don en révélant dans chaque cas le nombre concerné et si les registres ont été conservés, s’il y a eu des cas allégués de cadavres ayant fait l’objet de transfert illégal contre paiement d’argent dans le cadre d’un trafic et si l’autorisation des magistrats a été obtenue dans des cas concernant le transfert de cadavres après une période de plus de six mois ?
Bundhoo : No one inside the House or outside can remain insensitive to the treatment of dead bodies that ran counter to established norms, ethics, and practices. On such a sensitive issue, it would be adding insult to injury if we in this August Assembly embark on blame game.
Le 19 mars dernier, le Premier ministre a accusé réception d’une lettre de dénonciations au sujet d’un présumé trafic de cadavres au Krishnanand Seva Ashram à Calebasses. Compte tenu de la gravité des accusations, la police a été amenée à ouvrir une enquête, qui est toujours en cours. Les informations disponibles à ce jour sont que trois institutions académiques sont concernées, soit le SSR Medical College à Belle-Rive, le Mauras College of Dentistry d’Arsenal et l’Anna Medical College de Solitude. Les transferts de cadavres ont été effectués à partir du Krishnanand Seva Ashram, de l’hôpital Jeetoo, de l’hôpital Victoria et du département de la police en 2001.
Le SSR Medical College a reçu 12 cadavres avec le 13e alloué au Mauras College of Dentistry pour être subséquemment redirigé vers l’Anna Medical College. Le Krishnanand Seva Ashram concède avoir transféré six cadavres directement au SSR Medical College et le ministère de la Santé à travers des morgues quatre, et un livré par la police en 2001. L’enquête de la police est en cours en vue de réconcilier le nombre de cadavres transférés et reçus.
En ce qui concerne les allégations de trafic de cadavres contre paiements de sommes d’argent, l’enquête policière est toujours en cours. Je dois ajouter que « the police enquiry has not, as at today, revealed the existence of any application to magistrate or a magistrate’s order authorizing the transfert of bodies to any medical college ».
Bérenger: Le ministre a fait comprendre que l’enquête policière est toujours en cours. A-t-il essayé de comprendre pourquoi à part les règlements promulgués en 2000 et régissant le transfert des cadavres des morgues des hôpitaux à des facultés médicales, rien n’a été fait pour réglementer ce même transfert de cadavres à partir des institutions charitables ?
Bundhoo : En 2000, le gouvernement était venu de l’avant avec des règlements. Malheureusement, l’enquête de la police a révélé qu’il n’y a pas eu de follow-up et de suivi…
Bérenger : Mon point c’est qu’en 2000 les règlements promulgués concernaient le transfert des cadavres à partir des morgues. Mais il n’y a aucun règlement pour le transfert des cadavres à partir des institutions charitables.
Bundhoo : The Leader of the Opposition is factually correct. Il n’existe aucun règlement à cet effet. Mais tout récemment, nous avons adopté la Human Tissue Act…
Bérenger : La Human Tissue Act porte sur le don d’organes. La loi a été votée en 2006 avec des amendements apportés l’année dernière. Mais ce texte de loi n’a pas été promulgué jusqu’ici avec pour conséquence un vide juridique pour les dons d’organes comme c’est le cas pour le transfert des cadavres des institutions charitables, laissant la voie libre à des trafics en tous genres.
En réponse à l’interpellation du leader de l’opposition au sujet de la Human Tissue Act, le ministre retrace l’historique de ce texte de loi de 1995 aux amendements de mai 2012 en ajoutant qu’au début de cette année, il avait piloté deux documents au conseil des ministres avec des retouches encore prévues. « J’avais clairement fait comprendre qu’il nous fallait avancer avec prudence en raison du caractère délicat de ce dossier. We have to move in phases », ajoute-t-il.
Bérenger : Le fait majeur est que ce texte de loi n’a pas été proclamé. En 2005, nous avions voté The Protection of Elderly Person Act. Beaucoup a été dit sur la nécessité d’assurer la protection de nos aînés. Il devait y avoir un Monitoring Committee au ministère de la Sécurité sociale. A-t-il assuré la liaison avec sa collègue à ce sujet ?
Bundhoo : Pas plus tard que la semaine dernière, la ministre de la Sécurité sociale a informé le conseil des ministres à ce sujet. Le Monitoring Committee a été institué. Il ne faut pas oublier que nous avons également une Public Health Act à ce sujet…
Bérenger : This has nothing to do with trafficking of bodies. En prenant connaissance de la teneur de la réponse du ministre au sujet du non-respect des règlements promulgués en 2000 et que des cadavres ont été déplacés des institutions sans aucun contrôle ou encore sans l’autorisation de magistrat, nous pouvons affirmer que the law has been flouted totally.
Bundhoo : Yes. The leader of the Opposition is right. Mais il faut tenir compte du fait que ces transferts ont eu lieu en 2001, 2003 et 2004 sauf pour un cas en 2007…
Bérenger : Le ministre a cité le fait que trois institutions médicales sont concernées. Est-il au courant que le 8 avril dernier, un pauvre Attendant de la morgue de PMOC a été amené à consigner une déposition selon laquelle tous les registres à propos des cadavres ont disparu ?
Bundhoo : Je ne dirai pas tous les Records mais ceux datant de la période d’avant mai 2013. Une enquête départementale a été diligentée à cet hôpital et étendue à d’autres morgues d’hôpital. Le fonctionnaire a été conseillé d’enregistrer cette déposition sur ordre du responsable de l’hôpital.
Bérenger : Même si l’enquête de la police se poursuit, il est clair que tous ces transferts de cadavres ont été effectués dans l’illégalité. Il a cité le nom d’une institution charitable mais je ne vais pas citer de nom. Les responsables de cette institution ont crié sur tous les toits à l’effet qu’il y a eu aucun mouvement d’argent. Le fait est que les finances de cette même institution sont dans une situation terrible (a terrible mess). Il y a même des allégations de caisse noire avec l’argent provenant du trafic de cadavres mais également de la pension des internes qui continuait à être versée même s’ils étaient décédés. Le ministre n’est-il pas en faveur d’une enquête sur les transactions de cette So-Called Charitable Institution ?
Bundhoo : Il est clair que ces transferts remontent de 2001 à 2004 et cette affaire de caisse noire devrait remonter à cette même période. Si l’enquête de la police confirme des éléments dans ce sens, elle enquêtera.
Le leader de l’opposition regrette qu’avec le vide juridique, c’est une situation de free for all qui prévaut avec le ministre confirmant que dans aucun des cas concernés, l’autorisation n’a été sollicitée des magistrats.
Bérenger : Peut-il confirmer que des transferts de cadavres de ces institutions charitables étaient effectués avant même que les décès ne soient déclarés à l’Etat civil ?
Bundhoo : Nous sommes en 2014 et ces affaires remontent à la période de 2001 à 2004. C’est difficile pour moi de confirmer quoi que ce soit.
Bérenger : Est-il au courant que ces pratiques sont encore de mise en vue de pouvoir bénéficier du versement de la pension de ces internes après leur décès ?
Bundhoo : Le ministère de la Sécurité a établi des principes et des Guidelines.
A ce stade, le leader du MSM, Pravind Jugnauth, le Dr Satish Boolell, Alan Ganoo, Reza Uteem, Leela Devi Dookun-Luchoomun et Roopun interviennent avec des interpellations supplémentaires au ministre de la santé.
Cehl Meeah : Le ministre peut-il confirmer que des tests ADN ont été pratiqués sur des cadavres récupérés en vue de confirmer que ce sont pas des personnes portées disparues?
Bancs du gouvernement : Li per Ben Laden ladan.
Bundhoo : C’est une question qui relève davantage de la responsabilité de la police ou encore qui doit être portée à l’attention du Forensic Science Laboratory.
Les députés Sorefan et Ramano interviendront avant que Rajesh Bhagwan ne réclame que les coupables soient traduits en justice pour leur acte à l’issue des différentes enquêtes en cours.
Bérenger : Nous nous retrouvons aujourd’hui avec trois enquêtes, une de la police, une autre du ministère de la Santé et une troisième du ministère de la Sécurité sociale. Il doit y avoir dispersion des ressources. Le moment n’est-il pas venu pour instituer une enquête présidée par un membre du judiciaire à la retraite pour un constat des lieux et des recommandations, avec le ministère de la Santé prenant des mesures pour instituer le cadre légal nécessaire.
Répondant à cette ultime interpellation du leader de l’opposition, le ministre fera état des enquêtes en cours en vue de « clear the less since 2001 » tout en réitérant la prudence par rapport à la proclamation de la Human Tissue Act, « a sensitive piece of legislation ».

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