Stephen Boyle : « Aider Maurice à développer sa propre gouvernance en matière d’économie bleue »

Le professeur Stephen Boyle, doyen du College of Business, Law and Governance de l’université James Cook, située au Queensland, en Australie, était en visite cette semaine à Maurice. Il a eu une séance de travail avec les professionnels engagés directement ou indirectement dans la promotion de l’économie bleue. Il souhaite aider le pays à développer sa propre gouvernance dans ce domaine et considère que l’Australie a un rôle à jouer afin d’aider Maurice à y parvenir. Le professeur Stephen Boyle et l’université James Cook étaient en contact avec des partenaires mauriciens dont le bureau de consultants Reachout Global, qui a une grande expérience dans le domaine du conseil aux clients sur les opportunités d’éducation, de stages et de migration. C’est ce qui l’a motivé à venir à Maurice.

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Comment avez-vous connu l’île Maurice ?

C’est ma première visite dans l’île. Je suis très heureux d’être ici. Nous avons une collaboration ici dans le domaine de l’éducation. Des amis avec qui je discutais m’ont suggéré que sur la base du travail que nous faisons à James Cook, nous aurions pu développer une bonne association entre ce qui se fait à Maurice dans le domaine de l’économie bleue et d’autres aspects. C’est ce qui ressort de cette première visite. Nous avons discuté avec beaucoup de personnes afin d’explorer la possibilité de développer une collaboration à l’avenir.

C’est donc cette collaboration qui vous a incité à découvrir l’île ?

Tout à fait. Je voulais venir ici. Maintenant que je suis là, je constate qui y a beaucoup de points communs entre Maurice et le nord du Queensland, situé au nord-est de l’Australie. Vous savez, l’université James Cook est basée au Queensland. Nous sommes un gros producteur de sucre et de produits agricoles. Je constate qu’il y a beaucoup de canne à sucre ici également. Nous avons la grande barrière de corail et nous faisons beaucoup de recherches scientifiques et de travaux afin de mieux comprendre le site et préserver les coraux. Nous sommes très bons dans le domaine touristique. C’est aussi le cas à Maurice. Nous travaillons également beaucoup sur le développement de l’économie bleue. Nous pouvons également travailler ensemble à ce niveau

Si vous aviez une industrie sucrière au Queensland, il n’y a pas de doute qu’il y aurait des Mauriciens engagés dans ce secteur. Effectivement, il y a des ressortissants mauriciens. Ils nous ont aidés depuis le début du XXe siècle

Vous avez eu l’occasion de rencontrer des Mauriciens dans différents secteurs de l’économie et avez dû constater qu’à Maurice on parle beaucoup d’économie bleue. Toutefois, dans ce secteur, nous sommes encore au niveau de “work in progress”. Avez-vous pu vous faire une idée de la situation ?

Nous avons eu une séance de travail avec des personnes engagées d’une manière ou d’une autre dans le domaine de l’économie bleue tant au niveau du ministère concerné que des secteurs qui ont un impact sur l’économie bleue. Je comprends qu’il y ait beaucoup de travail en cours. Il s’agit, bien entendu, d’établir une base sur la meilleure façon d’avancer. Il s’agit de prendre en considération la situation en matière économique et d’établir un plan de travail en vue de poursuivre le développement en tenant en compte de la durabilité et des aspects environnementaux de ce secteur. Une grande partie du travail a déjà été accompli. Il s’agit maintenant de mettre en œuvre les stratégies qui ont déjà été développées.

Concrètement, qu’est-ce qui doit être fait ?

Cet aspect a été évoqué lors de l’atelier de travail que nous avons organisé cette semaine. Il faudra tenir compte de différents facteurs propres à différentes régions. Nous avons eu l’occasion d’explorer ensemble toutes ces questions d’un point de vue gouvernemental. Nous envisageons d’envoyer un scientifique dans le courant de cette année qui pourra explorer les différentes actions qui pourraient être engagées par le gouvernement. Nous pourrions, à cette occasion, nous pencher sur les différents risques auxquels le pays est confronté.

Au Queensland, nous sommes confrontés à des risques spécifiques concernant l’environnement en particulier. Ces risques peuvent prendre une dimension socioculturelle, économique et de gouvernance en particulier. Une fois que les risques ont été bien définis, il s’agit de tout mettre en œuvre pour les minimiser. Nous en sommes encore au tout début à ce stade.

Les risques les plus connus sont, entre autres, la pollution causée notamment par le plastique. Il y a aussi les écoulements urbains et agricoles que nous avons eux au Queensland. La pollution agricole a affecté la grande barrière de corail. Un gros travail a dû être abattu pour limiter les dégâts. Il faut bien étudier ces risques afin de les atténuer tout en travaillant sur une stratégie concernant le développement économique.

Lorsqu’on parle d’économie bleue, quels sont les éléments qui peuvent contribuer à son développement ?

En premier lieu, il y a l’aquaculture. Il existe une série d’Aquaculture Accelerators sur lesquels nous avons travaillé à l’université James Cook. Il est intéressant de voir ce qui se fait dans des pays comme les Emirats arabes unis et l’Arabie saoudite. Tous ces projets ont trait surtout à la sécurité alimentaire et ne visent pas à encourager une pêche sauvage. Il s’agit de favoriser un système aquacole pour développer la pêche d’une manière soutenable.

L’économie bleue concerne également l’industrie touristique, à savoir les plages, la plongée et la natation, entre autres. Il y a aussi matière à explorer en ce qui concerne l’industrie du transport maritime, le port.

Est-ce ces questions ont été évoquées lors du Brainstorming de cette semaine ?
Tout à fait. Beaucoup d’idées ont émergé autour de la table puisque nous avions des représentants du transport maritime, du commerce, des scientifiques.

Cette semaine, lors de la réunion de la Commission thonière de l’océan Indien, il a été question de la surpêche de thon. Comment cette question vous interpelle-t-elle ?
Cette question a également été évoquée. Elle fait partie des risques qui se présentent dans le domaine de l’économie bleue. En Australie, nous avons développé beaucoup d’expertise dans le domaine du Tuna Farming. Des techniques ont été développées pour les élever. Cette industrie est rentable à plus d’un titre puisque des personnes acceptent de payer pour nager avec eux. L’agriculture marine s’est développée rapidement en Tasmanie, en Australie, depuis les années 1990 et est aujourd’hui l’une des principales industries de l’État.

L’Australie est très avancée dans le domaine de l’économie bleue. Comment peut-elle aider Maurice ?

(Keara Shaw, chargée d’affaires à la Haute commission australienne, intervient sur la question). En tant que voisins de l’océan Indien, l’Australie et Maurice sont des partenaires naturels de l’économie bleue, un domaine dans lequel les deux pays collaborent depuis plusieurs années. C’est ainsi que l’Australie et Maurice ont cofinancé la construction d’un navire de recherche polyvalent par la société australienne Steber en mars 2020 et qui a été utilisé pour soutenir les activités d’urgence autour de la marée noire du Wakashio, placer des dispositifs de concentration de pêche et soutenir le programme Ecofish (programme du PNUD qui soutient les communautés de pêcheurs artisanaux).

L’université Curtin a récemment signé un protocole d’entente avec le ministère de l’Économie bleue pour une collaboration dans la recherche marine qui comprendra le renforcement des capacités (doctorats) et la mise en place d’un centre d’excellence en sciences marines. L’université de Sunshine Coast collabore avec le ministère de l’Économie bleue dans le cadre d’un projet pilote visant à renforcer les capacités locales de production de concombres de mer. La société de l’Australie-Occidentale, RPS, s’associe à l’Institut océanographique de Maurice pour fournir à Maurice des logiciels spécialisés de cartographie des déversements d’hydrocarbures et de recherche et sauvetage, ainsi qu’une formation.

D’autre part le CSIRO, l’organisation de recherche scientifique de pointe en Australie, travaille avec le Bureau de l’administration et de l’exploration du plateau continental et des zones maritimes (qui fait partie du PMO à Maurice) sur la planification de l’espace marin. De son côté, l’université d’Australie-Occidentale s’associe avec l’université de Maurice et à Sun Hotels pour lutter contre l’érosion des zones côtières sur la côte ouest de l’île. Le secteur privé australien a collaboré avec la société locale Sotravic sur un projet de restauration des récifs coralliens pour restaurer la plage de Mont-Choisy. Ce projet comprend également l’installation d’un récif artificiel. Deux sociétés de pêche australiennes (Austral Fisheries et Australian Longline Pty Ltd) transforment chaque année des milliers de tonnes de légine australe à Maurice.

Sur le plan multilatéral, l’Australie travaille avec Maurice et le Bélize au sein du Commonwealth en tant que co-champions du Commonwealth Blue Charter on Coral Reef Protection and Restoration Action Group, mettant en commun nos connaissances en science et gestion des récifs coralliens, reconnaissant le rôle essentiel de l’Australie dans la protection de la Grande Barrière de corail. Le gouvernement australien soutient également le renforcement des capacités dans l’économie bleue par le biais du programme de maîtrise et de cours de courte durée Australia Awards.

Nous sommes heureux que plusieurs membres du personnel du ministère bénéficient de ces bourses et continuent d’entretenir des liens étroits avec l’Australie et les universités qu’ils ont fréquentées, y compris l’université James Cook. Cela a donné lieu à des collaborations intéressantes telles que des évaluations de la séquestration du carbone dans des échantillons d’herbiers marins et de mangroves par un ancien étudiant australien et le personnel de l’économie bleue, le Dr Sundy Ramah, et le personnel du CSIRO et de l’université d’Australie occidentale l’année dernière pour soutenir la planification spatiale marine et la pêche durable à Maurice.

Envisagez-vous d’autres formes de collaboration entre Maurice et l’université James Cook ?

Absolument. Je sais qu’un doctorant mauricien fait actuellement son doctorat auprès de l’université James Cook. Je suis le doyen du College of Business, Law and Governance
à l’Université. Par conséquent, nous mettons l’accent sur la gouvernance de l’économie bleue. Nous nous attelons à développer un système susceptible de permettre à toutes les parties prenantes de l’économie de travailler ensemble sur tout ce qui concerne les ressources marines.

Nous sommes disposés à aider les autorités à développer une approche holistique de la gestion de l’économie bleue et nous envisageons de revenir à Maurice avant la fin de l’année afin de continuer à développer les relations, partager notre expertise et aider Maurice à développer son propre système de gouvernance en matière d’économie bleue et, par extension, son économie.

« Je constate qui y a beaucoup de points communs entre Maurice et le nord du Queensland, au nord-est de l’Australie. L’université James Cook est basée au Queensland. Nous sommes un gros producteur de sucre et de produits agricoles. Et je constate qu’il y a beaucoup de canne à sucre ici également. Nous avons la Grande Barrière de corail et nous faisons beaucoup de recherches scientifiques et de travaux afin de mieux comprendre le site et préserver les coraux. Comme Maurice, nous sommes engagés dans le domaine touristique »

« En tant que voisins de l’océan Indien, l’Australie et Maurice sont des partenaires naturels de l’économie bleue. Un domaine dans lequel l’Australie collabore avec Maurice depuis plusieurs années »

Encadre
Professeur Stephen Boyle : scientifique et musicien
Le professeur Stephen Boyle est doyen du College of Business, Law and Governance de l’université James Cook. Avant cela, il était doyen de l’école de commerce de l’université d’Australie du Sud.
Le professeur Stephen Boyle a été formé à l’origine en tant que musicien en obtenant un baccalauréat spécialisé en interprétation musicale à l’université d’Adélaïde et a travaillé avec de nombreux artistes nationaux et internationaux au cours de sa carrière. Il a entrepris son MBA à l’UniSA et a ensuite obtenu son doctorat en économie culturelle à l’université Macquarie. Il a étudié avec l’économiste culturel, le professeur David Throsby examinant l’économie des orchestres symphoniques en Australie.
Le professeur Stephen Boyle a remporté le prix du meilleur article dans la revue Economic Papers en 2012 pour son travail sur l’analyse de la productivité des orchestres symphoniques. Avant son rôle de doyen académique, il a été le premier directeur académique de l’UniSA College, qu’il a créé pour offrir aux étudiants non traditionnels des voies d’entrée réussie à l’université. Il a également joué un rôle déterminant dans la création de la James Morrison Academy of Music @ UniSA et est membre du conseil d’administration de l’Académie. Les intérêts du professeur Stephen Boyle portent sur la politique culturelle, la gestion des arts et l’économie créative.
Il est chercheur adjoint au Centre de recherche sur l’industrie de la culture et des loisirs de l’université de Commerce international et d’économie (UIBE) à Pékin en Chine. Il est également professeur invité à l’UIBE où il enseigne les industries créatives de la région Asie-Pacifique.

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