Un budget clientéliste à outrance

PADMA UTCHANAH

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Leader du RCP

Afin de comprendre le budget politique 2023-24, abreuvons-nous du récit d’Ulysse dans l’Odyssée d’Homère. Ulysse, roi d’Ithaque, entreprend son voyage de retour en bravant tempêtes et monstres entre autres péripéties. Avant de voguer vers d’autres aventures, Circé, la magicienne, le met en garde contre les subterfuges des sirènes qui demeurent dans le détroit de Messine. Elles utilisent des chants pour envoûter les marins et faire chavirer les bateaux. Les navires terminent en lambeaux contre les récifs, les sirènes dévorent les marins avec appétit.

Nous pouvons donc établir un parallèle entre les sirènes du voyage d’Ulysse et le budgétivore que le ministre Renganaden Padayachy a présenté vendredi lors du Grand oral. Un budget alléchant électoralement, très cosmétique dans l’ensemble où certaines mesures sonnent comme une publicité mensongère mais suffisamment subtiles pour séduire une clientèle sensible et fragile.

C’est quoi un budget ? Il s’agit, entre autres, de la confrontation entre les recettes en prévision et les dépenses en prévision. Il fixe les priorités du Gouvernement en matière de dépenses.

Le budget de la Nation se prépare plusieurs mois à l’avance. D’abord, par une phase de consultations avec les forces vives, les organismes publics, les différents ministères, ainsi que divers partis politiques. Or, nous étions bien loin d’un budget inclusif. Cet exercice ressemble davantage à un discours-programme électoral du parti orange.

Est-ce un budget équilibré, déficitaire ou excédentaire ?

Les chiffres sont têtus. C’est un budget déficitaire. Les voyants sont au rouge. L’État dépense plus qu’il n’a de recettes. C’est conforme à la pratique de l’endettement à outrance du Premier ministre, le roi de l’endettement. Tous les cadeaux qu’il fait, nous allons devoir les rembourser avec les intérêts. Cela nous coûtera toujours de plus en plus cher vu la dépréciation galopante de notre monnaie. Le Gouvernement creuse un trou dans lequel nous nous enfonçons inexorablement.

Analysons certaines mesures problématiques:

Clientélisme

D’abord, il faut dire que Renganaden Padayachy nous a présenté un budget très clientéliste. Un budget ciblé localement pour plaire à son électorat, au grand dam de la population nationale. Encore aux prémisses des esquisses, le ministre des Finances nous sort pour la énième fois que le projet du Rivière-des-Anguilles Dam est prêt. Il y a aussi l’extension du Metro Express vers l’Est, de Réduit à St-Pierre, une piscine à Rivière-des-Anguilles, la création de la Mauritius Disciplined Forces Academy à Côte d’Or, la construction des casernes satellites à St-Pierre, Bambous, L’Escalier… Un budget régional et non national puisque le Sud est privilégié. On ne pourra pas dire qu’il n’y a pas anguille sous roche dans des circonscriptions fétiches !

Soumission et silence

Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, nous parle d’un budget dans la continuité. Pourquoi changer une mesure qui gagne ? Après avoir mis le grappin sur les personnes âgées lors des dernières élections générales, voilà qu’il jette son dévolu sur les jeunes. À un an du scrutin, il sort l’artillerie lourde, une mesure douteuse, l’Independence Scheme. Sa mesure est politiquement bien rodée. Pravind Jugnauth revêt son déguisement de  Père Noël pour distribuer des “grants”  de  20 000 roupies aux jeunes ayant atteint l’âge de 18 ans depuis le 1er janvier 2023. La question qui vaut des millions:  quand est-ce que les jeunes vont pouvoir décaisser ce cadeau déguisé ? Le RCP surveillera cette mesure comme le lait sur le feu.

           Quelle lecture doit-on faire ?          

                    (a)  N’est-ce pas là une forme de bribe électoral ?

                    (b) rendre les jeunes dépendants de l’argent facile et de l’assistanat.

                    (c) Cette mesure est une emprise masquée, exercée par le Gouvernement pour rendre atones les cerveaux des jeunes adultes, comme jadis exercé sur les “gran-dimounn” avec “pension de vieillesse”. Tel est exactement le même mécanisme.

                    (d) C’est une façon de tuer dans l’œuf, l’éveil et la conscience politique des Mauriciens en âge de se rebeller politiquement.

                    

Il convient de rappeler aux jeunes citoyens que chaque enfant mauricien a un demi-million de roupies de dette au-dessus de sa tête.

La folie des grandeurs

Le Gouvernement de Pravind Jugnauth nous a fait une démonstration sur l’art et la manière de dilapider l’argent de l’État pour des futilités. Sa dernière trouvaille : le bâtiment Emmanuel Anquetil sera remplacé par le parc Emmanuel Anquetil comprenant des espaces verts. D’ailleurs, on constate que le Gouvernement s’est grandement inspiré de notre programme de 2019. Voici l’extrait du programme du Ralliement Citoyen pour la Patrie: “La végétalisation pourrait être notre climatisation naturelle. Il y a lieu de végétaliser au maximum les rues et voiries dans la capitale, Port-Louis, et les autres villes et quartiers. Il faudrait créer des mini-forêts dans les agglomérations. Les écoles et collèges doivent transformer une partie de leur terrain en vergers.”

En revanche, démolir l’immeuble Emmanuel Anquetil est une hérésie. Le “Kase-ranze” est problématique.

En supprimant le principal immeuble administratif de Maurice, il va falloir délocaliser l’ensemble des services administratifs ainsi que les fonctionnaires qui y travaillent. Nul besoin d’être sorcier ou voyant pour deviner que beaucoup de copains du Régime pourraient louer encore leurs locaux au Gouvernement… Ils pourraient remporter le jackpot. Un business gratifiant pour des proches du pouvoir, semble-t-il, au détriment des contribuables. Maurice est un des rares États où beaucoup de services administratifs sont abrités dans des espaces privés, en location. De plus, il faut une importante logistique pour tout délocaliser.

Y a-t-il une volonté de relocaliser l’administration à Côte d’Or ou aux alentours dans le royaume proche du régime ?

Après le Champ-de-Mars, voici que l’immeuble Emmanuel Anquetil est en phase de passer sous le bulldozer du chef du gouvernement Pravind Jugnauth.

Est-ce que le Premier ministre a le projet fourbe d’effacer le Port-Louis de Mahé de La Bourdonnais ?

La détaxation des gommes et crayons est tout un symbole chez Pravind Jugnauth.

Comme son mentor Modi, ne veut-il pas repasser sur l’Histoire de Maurice comme il l’entend ?

Clientélisme politico-religieux

La religion doit être un fait privé et non étatique. Lorsque l’État s’en mêle, la religion devient une entreprise politico-religieuse. L’État ne doit pas subventionner les associations politico-religieuses à hauteur de Rs 125 millions. Ce sont des millions qui devraient être orientés pour soigner gratuitement des patients atteints de maladies graves et qui sont obligés d’aller à l’étranger (voir le manifeste électoral du RCP de 2019). L’État, dans une société démocratique, a des devoirs, des obligations envers tous, dans la pluralité.

On note une utilisation du fait religieux et des millions pour bichonner son électorat. Le parc de Grand Bassin couvre des hectares de verdure, des forêts primaires qui constituent en soi un havre de paix empreint de spiritualité. A-t-on besoin d’un Spiritual Park ? Grand Bassin est par essence spirituel.

L’argent serait plus utile aux personnes les plus défavorisées du pays. Ce gouvernement a une fâcheuse manie de dénaturer les espaces encore vierges. Il a l’obsession de détruire la pureté naturelle, à l’instar d’Agalega.

À la manière de ce qui est écrit sur des paquets de cigarettes, il faut rajouter au discours budget : « Trop croire aux appâts du Gouvernement est dangereux pour l’avenir ! »

Je demande à nos compatriotes de réfléchir, d’analyser en profondeur et de ne pas se laisser convaincre aveuglément par des annonces farfelues qui pourraient flirter avec une forme de corruption déguisée !

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