Une atmosphère malsaine

Que se passe-t-il vraiment au sein de l’hippisme mauricien ? Quel crédit donner aux informations parues sur les réseaux sociaux et relayées par la publication officielle du propriétaire majoritaire de People’s Turf PLC, organisateur des courses, quand on sait qu’elles sont capables de publier de purs mensonges et calomnies lorsqu’il s’agit de dénigrer des personnes qui sont hors de contrôle du magnat des paris ? Difficile pour Turf Magazine d’être totalement affirmatif sur tout le contenu et la véracité des informations publiées, mais toujours est-il que ce genre de nouvelles où PTP s’implique en victime expiatoire doit être divulguée, car elle vient en confirmation de la thèse qu’il se passe de drôles de choses au sein de la nouvelle configuration de l’hippisme mauricien cette saison et que mêmes les maîtres de la place peuvent être cocufiés à l’insu de leur plein gré.

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En bref, cet article vient dénoncer les agissements d’un trio, un jockey étranger et un gros bras que l’on voit régulièrement sur des photos à la piscine auprès des deux jockeys étrangers employés par PTP, Donohoe et Fayd’herbe, et un punter présumé venu de la Grande-Bretagne. Ce dernier aurait fait deux gros paris gagnants en cash, samedi dernier, Rs 500 000 sur Vartacus et Rs 1 million sur Chosen Way, qui a fait très mal aux organisateurs de paris à cote fixe puisque les deux montés par le jockey de ce trio a gagné sans coup férir. Les agissements de ce trio ont fait l’objet de dénonciations aux autorités, ce qui aurait entraîné une visite de leur part au Champ de Mars, mardi dernier, accompagnés de tapeurs. Le fameux punter aurait demandé sur un ton menaçant à rencontrer l’un des directeurs en vue de PTP, ce qui a contraint, selon le journal proche de PTP, le CEO Khulwant Ubheeram de faire appel à la police pour que ce trio accompagné de gros muscles quitte le Champ de Mars.

Ce qui étonne le plus dans cette affaire, c’est que malgré les connexions en haut lieu de PTP et ses dirigeants, ce trio n’a toujours pas été inquiété par la police malgré tous les éléments qui lui aurait été fournis par l’organisateur de courses. Tout cela peut s’expliquer tout simplement par les intérêts divergents qui existent souvent au sein des organismes gouvernementaux, car comme PTP, celui qui est nommé gros bras dans cet article a aussi de solides connexions au plus haut niveau, comme le témoigne une photo aux côtés d’un des directeurs de la COIREC, qui a aussi travaillé au ministère des Finances. Seul l’avenir nous dira si PTP a voulu s’autoflageller ou s’il s’est tout simplement réellement trouvé face à une mafia plus coriace que les habituels malfrats qui gravitent autour des courses mauriciennes et qui sont susceptibles de mettre à sec toutes ses sources de revenus par les temps difficiles du moment… Ce qui fait sourire dans ce qui serait une plongée dans la pègre à outrance des courses locales, ce sont les questions posées par PTP, dont celle concernant les frais des tapeurs ou bouncers. Normalement, il devrait connaître un rayon sur la question, lui qui a introduit au Champ de Mars ce corps de métier qui donne un ton peu rassurant au lieu et à l’activité. Info ou intox ? Seul l’avenir nous le dira.

Il est de plus en plus clair que les deux club jockeys de PTP ne sont plus en odeur de sainteté, au vu de leur présence maigrichonne sur le programme de cette semaine. Si le Sud-Africain Fayd’herbe est plutôt discret, son collègue britannique, lui, se croit tout permis. Lors de la 11e journée, il voulait à tout prix faire courir la 6e course, alors que la journée était en passe d’être annulée. Cette semaine, il s’est permis le luxe de refuser de monter le cheval Courtroom Magic appartenant à Jean Michel Lee Shim pour piloter Transonic, de l’entraînement Mahadia, même si ce dernier a dû payer la somme de Rs 16 000 au lieu des Rs 5 000 pour retenir sa monte malgré l’insistance de l’entraîneur Ramanah. Quand on ajoute à cela l’expression de mauvaise humeur de Fayd’herbe bizarrement absent cette semaine à son égard après une épreuve la semaine dernière, le moins que l’on puisse dire c’est qu’on nage en plein délire au Champ de Mars ces jours-ci, là où ce sont des jockeys étrangers qui dictent leur agenda et vont même accompagner ceux qui menacent l’organisateur des courses. On n’est pas loin de l’ambiance du Gunfight des années 1800 à O. K. Corall.

Comment voulez-vous qu’il n’en soit pas ainsi quand l’autorité hippique elle-même ne respecte pas ses propres règles et lois, et que son principal animateur rencontre régulièrement le nouvel homme fort de l’hippisme mauricien pour lequel on fait tout pour qu’il passe des fins fonds du classement l’année dernières aux premiers rôles cette année au détriment de jeunes aguerris qui sont maltraités comme « des suceurs maillots » et qui cautionnent cela en ne disant rien, faute de ne pouvoir vivre sans revenus pérennes. Mais il est dommage qu’aujourd’hui, le sens de l’honneur ne soit plus une valeur sûre auprès de bon nombre de Mauriciens plus attachés au matériel qu’à la morale.

L’autorité hippique est elle-même un flagrant exemple de manque de probité et de constance dans ses propres valeurs. Le maintien la semaine dernière de la Mother’s Racing Day Cup est une véritable honte pour une institution dont les responsables criaient sur tous les toits qu’ils étaient là pour changer la face des courses. Et que nenni ! Les Racing Stewards de la Horse Racing Division (HRD), à travers un communiqué émis jeudi après-midi après la parution du programme officiel de la 12e journée, ont déclaré avoir utilisé leur pouvoir discrétionnaire, et ce, in the best interest of racing, pour maintenir la septième course, The Mother’s Racing Day Cup, en dépit du fait que cette épreuve n’est pas considérée comme une Protected Race. Nous n’entrerons pas dans les détails de cette affaire et ne comparerons pas non plus avec la rigueur avec laquelle la règle correspondante avait été appliquée par la GRA de Dev Bheekary pour le MTC par le passé et qui est devenue à géométrie variable dès qu’il s’agit de PTP aujourd’hui.

En quoi cette décision est dans le best interest of racing ? Et les règlements n’auraient donc pas été faits in the best interest of racing ? Puisque d’un trait de plume, par abus de décision, on peut outrepasser ce qu’avait décidé la GRA ? Notre propos aujourd’hui est d’affirmer que cette politique à géométrie variable est la cause profonde de ce malaise qui frappe nos courses ces jours-ci, où l’absence de discipline ferme est devenue la règle puisque l’autorité elle-même fait fi de ses propres règlements pour plaire aux princes du jour et renier les engagements pris auprès de la population alors qu’ils sont grassement payés des fonds publics. Cette décision était dans le best interest des organisateurs des paris et surtout ceux qui ont le monopole en la matière.

Il ne faut pas s’y méprendre non plus pour constater que malgré tous ces coups de pouce qui sont des coups de canif dans les règlements pourtant écrits par ceux qui ne la respectent pas, la HRD et PTP ont du mal à redynamiser les courses hippiques du fait que les enjeux ne redécollent pas. Faute, certes, à la taxe trop élevée sur les paris qui encourage le pari clandestin, mais faute surtout au mal qu’ont les nouveaux acteurs hippiques de convaincre et d’acquérir une totale confiance du public au sens large du terme. Certes, une partie du public revient au Champ de Mars par amour pour les courses, mais force est de reconnaître qu’il ne parie plus avec la même frénésie qu’auparavant, parce que les temps sont durs, mais aussi parce que sa confiance dans le système est entamée. Pas étonnant de constater chez les principaux organisateurs de paris que les chiffres d’affaires plafonnent malgré les dix courses.

Ce manque de confiance du public se décline également par ce qui se passe aux enquêtes. Que l’organisateur des courses soit lui-même sanctionné pour des manquements jamais vus auparavant, il y a de quoi s’inquiéter sur sa maîtrise des éléments, même si au fil des expériences, il ne peut que s’améliorer. Que les lourdes sanctions prises ne se traduisent pas dans les faits puisque tous les jockeys sanctionnés, donc coupables de maldonnes, continuent à exercer comme si de rien n’était. Le temps que prend le comité d’appel pour siéger paraît encore plus long qu’auparavant et les fautifs peuvent continuer à sévir, surtout ceux qui aujourd’hui semblent avoir pris la mesure de leur employeur et qui s’affichent publiquement comme des provocateurs dans des piscines aux côtés de punters, tapeurs ou autres avec verre à la main, comme pour dire « à nous la belle vie avec le fric qu’on vous nique ». Et que fait l’autorité hippique et leurs employeurs ? La sourde oreille, l’aveugle et le paralytique, parce qu’on ne sait plus vraiment qui tient qui par la barbichette !

Comment voulez-vous avoir confiance dans une institution lorsqu’elle joue au mort dans l’affaire Bahim Taher au lieu d’appeler le prévenu qui l’a insulté, menacé publiquement et qu’il puisse parader comme il l’entend dans l’aire qui est sous son total contrôle, l’hippodrome du Champ de Mars. Est-ce que « le plus haut annoncé » est déjà intervenu et a cloué le bec au Stipe, au point qu’il ait déjà rayé l’enquête ?

Avec cette institution lame duck, la mafia des courses a de beaux jours devant elle, des trio jockey-tapeur-punter vont se multiplier dans un monde hippique qui est en train de se déliter, d’autant que celui qui avait toutes les billes entre les mains est en train de perdre de son aura et surtout son autorité sur les siens avec ses réserves financières qui ont du mal à se refaire une santé. Heureusement qu’il y a le champion Frosted Gold qui a encore démontré sa classe et qui est susceptible de redonner le sourire à son propriétaire, redevenu le petit gamin d’un instant et qui souriait à pleines dents en ramenant son champion au paddock. Mais il faudra beaucoup plus que cela pour sortir de l’atmosphère malsaine dans laquelle plonge l’hippisme mauricien ces jours-ci…

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