Entre slogan et camouflet

A chaque fois que le Premier ministre doit s’adresser à la nation, le même scénario est utilisé. Il vient à la télévision lire son discours truffé d’autoglorifications et de compliments au gouvernement qu’il dirige, puis annonce les mesures. Mais comme son équipe s’est rendu compte qu’il lit mal, qu’il n’arrive pas à convaincre, malgré le ton dramatique qu’il utilise, elle fait suivre la déclaration d’un communiqué écrit ou d’une émission d’explications ministérielles. Jeudi dernier, c’est la deuxième formule qui a été choisie.

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Après la déclaration du boss, deux ministres et un conseiller – qui a autant sinon plus de pouvoir qu’un occupant de fauteuil ministériel – ont passé quelques quarts d’heure à la MBC pour tenter de faire comprendre ce que le PM avait essayé de dire. Au lieu de simplifier le contenu de la déclaration, les longues explications n’ont fait qu’embrouiller le téléspectateur. Alors qu’il attendait de nouvelles mesures pour faire face à la flambée des cas de covid dans le pays, le PM n’en a annoncé qu’une : l’interdiction des manifestations socioculturelles, ses sorties préférées. Pour le reste, il demande au Mauricien de respecter les gestes et met sur le dos des « irresponsables » l’augmentation des cas. C’est un peu facile d’accuser les « irresponsables»
– en diffusant des images des pique-niqueurs des trois jours de congé public – de l’augmentation des cas! Le PM semble oublier que, depuis des semaines, lui-même et ses ministres n’arrêtent pas de répéter que, grâce aux mesures du gouvernement, Maurice a vaincu l’épidémie en provoquant l’envie du monde entier. Il met de côté le fait que lui-même a qualifié d’anti patriotes les membres de l’opposition parlementaire, quelques rares médecins et la presse qui s’alarmaient de l’augmentation des cas de covid à travers le pays. Lui-même et ses ministres n’ont cessé de fustiger ceux qui mettaient en doute les statistiques du ministre de la Santé, démenties par les témoignages de parents des victimes de l’épidémie et le nombre d’enterrements ou de crémations. Ces attaques étaient provoquées par le fait que le gouvernement voulait créer un feel good factor parmi la population qui rendrait plus facile la réouverture des frontières. Le gouvernement a tellement répété que la situation était sous contrôle que le pays était « relatively covid free » que des Mauriciens ont fini par croire dans le slogan gouvernemental et ont commencé à baisser la garde.

Et comme Pravind Jugnauth est convaincu qu’il n’a jamais fauté de sa vie, il a cherché un bouc émissaire pour justifier l’augmentation des cas. Pour ce faire, il a utilisé un slogan mis au point par son père, le fameux « pas moi ça, li ça » pour le transformer en « pas gouvernement ça, ban irresponsable ça ! Pas nous sa, zot ça » A Maurice, le gouvernement ne prend jamais de mauvaises décisions, ce sont les citoyens « irresponsables » qui ont de mauvaises réactions.

La semaine a été marquée par le camouflet que celui qui pensait être le « blue eye boy » du gouvernement, a reçu au Parlement. Un camouflet public pour faire savoir à Steve Obeegadoo qu’il n’était qu’un PM p.i. marionnette et que le pouvoir, le vrai, est contrôlé par le MSM. Il est vrai que depuis quelque temps, le ton de donneur de leçons de Steeve Obegadoo commençait à agacer au MSM et que le fait qu’il passe mieux à la télévision et que son anglais est meilleur que celui de Pravind énervait du côté de la kwizinn. Il fallait, donc, remettre les pendules à l’heure et Obeegadoo à sa place et cela a été fait publiquement, mardi soir, au Parlement. La veille, la ministre de l’Education avait affirmé qu’il n’était pas question de fermer les institutions scolaires, malgré l’augmentation du nombre de cas de covid, et parlé de « rumeurs ». Le lendemain matin, au Parlement, le PM p.i. s’aligne sur les propos de la ministre de l’Education. En début de soirée au Parlement, briefé par le PMO, le PM p.i. affirme que les écoles et collèges ne fermeront pas. Personne ne lui a dit que, quelques minutes avant, la ministre de l’Education avait fait une déclaration à la télévision pour annoncer… la fermeture de toutes les institutions scolaires du pays dès le lendemain matin. A qui fera-t-on croire que Leela Devi Dookun n’a pas demandé à Pravind Jugnauth l’autorisation de fermer les écoles, avant d’en faire l’annonce à la télévision ? Une décision que Pravind Jugnauth n’a pas jugé utile de communiquer à Steve Obeegadoo, qui était pourtant son remplaçant à la tête du pays. Une décision que Pravind Jugnauth avalisera jeudi soir, dans son message à la nation, en soulignant que « bann lekol pou reste fermé ».

Le politicien français Jean-Pierre Chevènement disait qu’un ministre « ça ferme sa gueule ou ça démissionne ! » On sait quelle voie a choisie Steeve Obeggadoo. Combien de couleuvres ne doit-on pas avaler et quelles humiliations ne doit-on pas subir quand on veut garder sa place de VPM !

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