Fam dobout

Elles font l’actualité chez nous cette semaine.
Quatre femmes, quatre chemins, quatre combats qui forcent le respect, l’admiration. L’indignation et la colère aussi, parfois, face aux aléas, aux tracasseries inutiles, aux oppositions auxquels elles ont dû faire face, Mais dont elles émergent haut la main, dans un pays où être une femme est encore trop souvent traité comme un « handicap ».
Noemi Alphonse en premier lieu.
Ce vendredi 14 juillet, la jeune athlète en fauteuil roulant a obtenu la médaille d’argent au 100m des Championnats du Monde de para athlétisme en France. Avec une détermination sans faille, elle porte les couleurs de Maurice au plus haut niveau. Et pourtant. Ce pays a si peu été à la hauteur de ce qu’elle nous apporte.
Au début de l’année, juste après son retour d’une tournée réussie en Australie, notre handisportive apprend que sa bourse de niveau mondial a été inexplicablement réduite. Un coup dur, à la veille des compétitions prévues aux Émirats Arabes Unis, qualificatives pour les Championnats du Monde qui viennent de se dérouler et pour les Jeux Paralympiques de 2024 à Paris en France. Plongeant la jeune femme dans l’impossibilité de se concentrer sereinement sur ses objectifs.
Il faudra se battre, avec acharnement, pour qu’à la fin de février dernier sa bourse soit finalement rétablie. Et ce vendredi, Noemi Alphonse a montré avec panache que cette bourse n’était pas usurpée. Mais pourquoi faut-il que l’on sape le moral de nos plus méritants athlètes ?
Même chose dans le cas de Jane Constance.
En 2015, la jeune malvoyante se signale en remportant la deuxième saison de l’émission télévisée «The Voice Kids» en France. L’année suivante, elle sort son premier album, À travers vos yeux, qui remporte un succès autant critique que public. En 2018, elle est nommée ambassadrice de bonne volonté de l’UNESCO pour l’inclusion des personnes handicapées dans l’éducation.
Pourtant, ce parcours-là va pour elle être semé d’obstacles externes.
Après avoir réussi le Primary School Achievement Certificate (PSAC), elle est admise dans une école secondaire privée. Là, elle va faire ressortir que les enseignants ne sont pas formés pour accompagner des élèves mal ou non-voyants. Pas un seul enseignant de braille au secondaire ni dans le supérieur, qui sache utiliser les outils nécessaires pour accompagner les étudiants aveugles.
Avec l’aide de ses parents, Jane Constance va quand même arriver à terminer sa scolarité secondaire en 2019 avec d’excellents résultats. Elle demande donc une bourse d’études au ministère de l’Education. Mais dans ce pays dont elle a tant fait briller les couleurs, on lui répond qu’il n’y a pas d’aides prévues pour que les personnes souffrant d’un handicap puissent étudier à l’étranger…
Cela n’a pas retenu Jane Constance. Vendredi dernier, elle a annoncé qu’au terme de quatre années d’études de droit à l’Université de Central Lancashire (UCLan), elle a obtenu son Bachelor of Laws (LLB). Malgré la pandémie de Covid et les problèmes d’accessibilité sur certains sites web, difficiles pour les non-lecteurs d’écran. Et à voir en vidéo sa joie lors de la remise de diplômes, on se dit avec émotion que la détermination et la persévérance de cette jeune femme lui font, ainsi qu’à ses parents, un honneur dont les autorités de ce pays ne peuvent se targuer…
Il y a par ailleurs le cas de Yogita Baboo.
Encore une affaire qui ne nous fait pas honneur.
Le 10 juillet dernier, cette hôtesse de l’air d’Air Mauritius, qui est aussi présidente de l’Air Mauritius Cabin Crew Association, a appris par courrier qu’elle était licenciée avec effet immédiat. Ce après avoir refusé de se soumettre à un comité disciplinaire institué par la direction de la compagnie aérienne nationale à la suite de ses récentes déclarations sur une radio privée.
« Management has no alternative, in good faith, then to terminate your employment, with immediate effect, on grounds of misconduct, inasmuch as your acts and doings are tantamount to a “faute grave” » dit le management d’Air Mauritius qui accuse Yogita Baboo de semer « un trouble profond dans le fonctionnement et la marche de l’entreprise ».
Un courrier qui met fin à 27 ans de service, pour une jeune femme qui a apparemment le tort de ne pas se contenter d’être mère célibataire et de se mêler de syndicalisme. Cette semaine, des syndicats du public et du privé se sont regroupés en un front commun pour soutenir Yogita Baboo face à ce qu’ils considèrent comme une grave violation des droits syndicaux et humains. Qui traduisent des velléités claires de porter atteinte à la liberté syndicale à Maurice.
Les droits humains bafoués, cela a été le cas pour la quatrième femme de cette semaine, Mimose Furcy. Chagosienne, Mimose a été déportée de son archipel natal dans les années 1970, quand Britanniques et Américains se sont arrogé le pouvoir d’exciser les Chagos du territoire mauricien.
Avec ses compatriotes, Mimose Furcy a donc été emmenée de force vers Maurice, où, la premier choc passé, a commencé une vie de lutte aux côtés de son frère Olivier Bancoult, pour faire reconnaître l’ignominie qu’ils ont subi, et pour obtenir droit de retour dans leur archipel natal.
Avec Charlesia Alexis, Lisette Talate, Rita Bancoult, elle a été de ces fam dobout comme disent les Réunionnais, femmes courage qui n’ont jamais renoncé face à l’exercice d’un pouvoir inique et surpuissant. Elle est morte cette semaine sans avoir pu réaliser ce rêve qui leur tenait aux tripes et au nombril : retrouver leur île pour y mourir en paix. Mais Mimose Furcy laisse une trace forte de cela : à travers sa musique, ses chansons, l’empreinte indélébile de ce que peut être une volonté de femme face à un pouvoir toujours plus violent face aux femmes.
Unstoppable, that’s what they are…

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