Le moral du commissaire de police

Titularisé après six mois d’actingship, alors que l’on pensait qu’il ne serait pas nommé, le nouveau commissaire de police ne rate pas une occasion de parler des exploits de ses hommes. Par ricochet, du travail qu’il abat. Il doit le faire parce que les critiques sur le fonctionnement de la police, surtout celui de certaines unités, sont sous le feu des projecteurs et suscitent pas mal de critiques. Justifiées dans certains cas. Comme ces arrestations qui essayent d’imiter les séries télé américaines, et sont abondamment filmées et diffusées sur les réseaux sociaux pour montrer les policiers en pleine action. Des arrestations spectaculaires qui se terminent, souvent, en eau de boudin devant la justice, les policiers ne parvenant pas à justifier leurs accusations provisoires par des preuves concrètes. Donc, puisqu’on parle en mal d’une certaine police, le commissaire est à l’affût de la moindre occasion pour flatter ses policiers, donc celui qui les dirige. Certains mauvaises langues — il en existe pas mal aux Casernes centrales — affirment même que parfois, quand l’occasion ne se présente pas, il suffit tout simplement de la créer. Mais cette semaine, l’occasion tant attendue de parler de la police de manière positive s’est présentée avec la saisie d’une grosse quantité de drogue au Morne. Les rédactions ont été rapidement averties qu’une grosse opération menée par la police avait abouti à une saisie record de drogue et plusieurs arrestations. Ces rédactions ont été averties que le commissaire de police, en personne, allait animer une conférence de presse pour parler de l’opération réussie.

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Ce n’était pas une operasion mazik – le commissaire n’aime pas ce terme qu’il prend pour une critique négative —, mais une opération d’envergure menée en secret depuis trois semaines. Elle avait donc permis d’effectuer une saisie record : 103 kilos de cannabis d’une valeur marchande de plusieurs millions de roupies et l’arrestation d’un cortège de trafiquants. Le commissaire s’abstint de commenter le fait que parmi les trafiquants arrêtés dans le cortège de voitures figurait un… policier. On le comprend : il a préféré mettre l’accent sur les bons éléments de la force en faisant l’impasse sur ses brebis galeuses. C’est ainsi que, du bout des lèvres, il répondit à une question de la presse sur les manquements de gabelous. « Certes, il y a eu des écarts de conduite, l’affaire de torture policière notamment, mais ce n’est pas une raison pour ébranler le moral des policiers. » Et surtout le sien, qui ne semble pas l’avoir été, malgré le fait qu’on a pu voir, sur les réseaux sociaux, des vidéos qui avaient été cachées dans un tiroir des Casernes centrales dont on avait jeté la clef. Des vidéos montrant des policiers en civil torturant des prévenus aussi bien physiquement que verbalement, pour les faire avouer. Pour le commissaire de police, que ses subalternes se conduisent comme des tortionnaires « n’est pas une raison pour ébranler le moral des policiers. » Tout comme le fait – également diffusé sur les réseaux sociaux – qu’un policier ait agressé physiquement un adolescent à Curepipe parce qu’il avait osé chanter Polico Krapo. Une chanson satirique sur le comportement de certains policiers qui avait valu à son auteur-interprète d’être arrêté. Non, ce ne sont pas des raisons pour ébranler le moral des policiers. Surtout si la police pouvait montrer que dans son combat contre les trafiquants de drogue, elle venait de saisir une grosse prise : 103 kilos de gandia.

Malheureusement pour le commissaire de police, quelques jours après sa grosse opération de communication, un événement qu’on pourrait qualifier de mazik s’est produit. Entre l’annonce de la quantité de drogue saisie et sa pesée pour les besoins du dossier, elle avait diminué de presque moitié. Des 103 kilos saisis annoncés avec fierté, il ne restait que 58. Ou sont donc passés les dizaines de kilos de gandia manquants ? Est-ce que la drogue disparue a été « eaten by rats » pour reprendre la formule autrefois utilisée dans l’administration pour justifier la disparition d’un dossier ? Ou est-ce des gens de l’intérieur qui s’en sont occupés ? Vous allez me dire que la drogue saisie était sous la responsabilité de la police ? Et alors, il y a seulement quelques jours des images contenues dans un téléphone sous la garde de la police dans le cadre d’une enquête se sont bien retrouvées sur les réseaux sociaux, n’est-ce pas ? Il faudrait que le commissaire de police demande à sa « Striking Division » d’ouvrir une enquête. En attendant ses conclusions, il faut espérer que la disparition de dizaine de kilos de gandia des locaux de la police, qui est un aveu de la manière dont dysfonctionnent certains de ses services, ne va pas trop affecter le moral du commissaire.

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