Les agents voyous

Pour se munir d’un manteau de protection, pour se fabriquer une commode couverture et pour mieux enfreindre la loi, combien sont-ils encore à avoir rejoint les rangs de la police, parce qu’ils étaient portés par une vocation de servir la communauté ? Question saugrenue ? Pas tant que ça ! Puisque chaque semaine révèle son lot de délinquants en uniforme.

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Dans la toute dernière grosse saisie de cannabis, qui a, depuis, considérablement dégonflé par magie, sur 7 personnes impliquées, 2 membres de la police sont concernés. Et ce n’est pas le premier cas. L’année dernière, un jeune policier de 25 ans avait été arrêté à Vacoas avec 238 grammes de cannabis.

Un autre, qui s’était, lui, transformé carrément en convoyeur, avait été appréhendé avec Rs 35 millions d’héroïne à son arrivée à Plaisance. Il avait, quelques semaines après, été retrouvé mort dans sa cellule au centre de détention de Moka dans des circonstances mystérieuses. La police avait rapidement conclu à un suicide un peu comme dans l’affaire Kistnen.

Un autre policier avait aussi rendu l’âme dans des circonstances tout aussi troublantes après avoir été appréhendé pour complicité avec un trafiquant d’héroïne. Il y a aussi le cas de ce policier affecté au Passport and Immigration Office qui allait prendre livraison des colis d’héroïne aux toilettes pour les placer sous bonne garde dans le lieu de repos des agents affectés à la police des frontières. Un autre, jeune recrue affectée à la Special Supporting Unit, avait été arrêté alors qu’il était en possession d’une dose d’héroïne et, lors d’une fouille de son casier de policier, une seringue avait aussi été saisie.

Ces affaires de drogue dans les rangs de la police, autant que les disparités entre poids allégué de drogue saisie et poids final réel, suscitent autant d’interrogations que d’inquiétudes. Les plus dubitatifs y voient un retour de la différence notée, parfois énorme, dans le circuit et une politique de lutte contre la drogue qui ressemble plus à une rivalité entre gangs organisés et bénéficiant les uns plus de latitude contre rétribution et les autres, petits et simples passeurs, faciles à capturer pour faire joli dans les statistiques.

Les délinquants en uniforme sont aussi, hélas, multiformes. Celui qui est à l’origine du terrible accident de la route qui a coûté la vie à deux jeunes filles de 15 ans et 17 ans à Pointe des Lascars, mardi dernier, est un policier de 20 ans. De nombreuses questions se posent sur les circonstances de ce drame. Que faisaient ces collégiennes dans cette voiture en compagnie de six autres personnes, alors qu’elles étaient censées avoir terminé leurs cours et devaient rentrer chez elles ? Les familles concernées ne s’expliquent pas cette virée, alors même que ces jeunes filles préparaient leurs examens. Le policier de 20 ans avait non seulement consommé de l’alcool en pleine journée, avant de prendre le volant, mais il avait aussi embarqué 8 personnes, dont des mineurs, dans un véhicule qui est censé n’accommoder que 5 passagers. Oui, il y a un flou sur le règlement.

Drôle de pays en tout cas, là où l’on est obligé d’avoir un aléatoire extincteur de feu dans sa voiture alors que le nombre de passagers admis, lui, n’est pas clairement défini, bien que, lorsque les concessionnaires commercialisent leurs véhicules, ils vendent des 2 places, des 5 places, sans compter les utilitaires qui offrent d’interminables variations. On a peu entendu le ministre des Transports, Alan Ganoo, ces derniers jours, pourtant témoin d’un nombre considérable d’accidents de la route. Toujours est-il qu’en plein après-midi d’octobre, un policier a heurté violemment un arbre, puis un autre, avant de finir les quatre roues en l’air avec ses 8 passagers qui étaient soit coincés dans l’amas de ferraille, soit éparpillés sur l’asphalte.

Avec les policiers impliqués dans la drogue qui sont souvent assez jeunes et ceux qui pilotent des bolides de la mort en état d’ébriété et en pleine journée, se pose une nouvelle fois la question du recrutement d’agents dits de l’ordre et de la paix. Quel est le critère à l’embauche et celui qui conduit à la sélection finale ? Vaste question parce que lorsqu’on est obligé d’avoir à interagir avec des membres de la police, on retrouve de tout, quelques rares agents courtois, coopératifs et consciencieux, et beaucoup de rustres, qui ne savent pas comment s’adresser aux gens et qui croient que l’uniforme leur donne droit à tous les excès, même ceux qui consistent à ne pas respecter le code de la route.

Avoir 20 ans, être policier, et se retrouver en état d’ébriété et responsable de la mort de 2 jeunes filles. Comment en est-il arrivé là ? Sur quel critère a-t-il été recruté et comment a-t-il obtenu son permis de conduire ? Est-ce que c’est par voie expresse juste parce qu’il est policier qu’il a obtenu le fameux sésame, le permis de conduire, et aussi celui de tuer ? Ces questions, elles doivent obtenir des réponses dans le meilleur délai. C’est trop facile de parler des brebis galeuses pour se dédouaner de toute responsabilité dans les failles de la police, sans aller au cœur et à la source du problème qui est le mode de recrutement de son personnel.

La Disciplined Forces Service Commission a un devoir de transparence dans son exercice de recrutement. Elle doit faire la démonstration qu’elle agit vraiment en toute indépendance et qu’elle ne se base pas sur ses listes bloquées que lui adressent de petites mains invisibles et décisives du parti au pouvoir qui ont déjà fait le tri des agents dans chaque circonscription à placer au haut de la liste, à considérer en priorité. Si on voulait aller vraiment à la transparence absolue, pourquoi ne pas publier sur le site de la DFSC la liste des postulants, leurs noms et leurs adresses, et aussi la liste des sélectionnés, toujours avec leurs noms et leurs adresses. Ce serait, sans doute, le début de la fin des agents voyous.

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