Si seulement…

Le dossier des Chagos a été le prétexte pour le leader en liberté conditionnelle du MSM, Pravind Jugnauth, de faire non pas son coming-out public depuis sa dernière déclaration dans l’enceinte du Quartier Militaire SSS concédant “enn gran defet”, mais un come-back médiatique et la rupture d’un silence prolongé, occupé qu’il était, il est vrai, à se dépétrer d’une valise bien remplie mais ô combien encombrante.
Il a voulu opposer son projet d’accord resté secret d’octobre 2024 et présenté, dans la précipitation à la veille du Nomination Day, à celui porté à terme et officiellement conclu le 22 mai 2025. C’est bien tenté mais cela n’a pas du tout convaincu pour la bonne et simple raison que tout ce que l’on sait du communiqué conjoint présenté en 2024 n’était qu’un brouillon et non un accord en bonne en due forme signé par les deux gouvernements. Alors, dire que son projet d’accord était plus avantageux pour le pays relève de la posture et de l’opportunisme politique.
La sortie de l’ancien Premier ministre était, en fait, un signal de départ pour l’occupation régulière de l’espace public par le MSM. Aller devant l’électorat urbain, non, on se débine, mais essayer de capitaliser sur certaines décisions du nouveau gouvernement, ça peut rapporter quelques dividendes, peut-être pas pour l’immédiat mais pour plus tard. C’est ce que se sont dits les stratèges du Sun Trust pour essayer de ne pas tomber complètement dans l’oubli.
Critiquer tout ce que fait le gouvernement est, certes, de bonne guerre et certaines de ses décisions sont d’ailleurs effectivement contestables. Deux événements pointent les mêmes faiblesses structurelles et gestionnaires, que le gouvernement change de couleurs ou pas. Il a fallu une année, après la diffusion d’une vidéo d’agression et de torture particulièrement choquante sur la personne d’une femme, pour que la police se bouge enfin et arrête les coupables.
L’ancienne administration du commissaire DIP était probablement trop occupée à traquer et à piéger les opposants, à ferrailler avec le DPP et à sauver la peau de son rejeton. Le décès cette semaine de cet habitant de Le Bouchon, agressé à coups de ciseaux par un cambrioleur, est tout aussi scandaleux. Cette victime avait rapporté une première tentative de vol chez lui une douzaine de jours plus tôt.
Son agresseur a eu tout le temps de se balader tranquillement dans la nature, avant de revenir confronter sa proie et lui ôter la vie. Cette affaire suscite des interrogations sur la réactivité de la police et ce qu’elle fait après une tentative de cambriolage pour protéger la victime. Si les policiers de cette région prennent ce genre de graves atteintes à la sécurité de la personne à la légère, ils devraient rapidement être invités à aller voir ailleurs.
Ce qui précède illustre la tartufferie des anciens locataires de l’Hôtel du gouvernement lorsqu’ils viennent se présenter blancs comme neige pour vilipender leurs remplaçants. Mais comme ce serait aussi bienvenu si seulement ils profitaient de leur interaction avec la presse pour s’expliquer sur les valises, sur le bonanza des bénéficiaires de la Mauritius Investment Corporation, sur Air Mauritius et sur leur agent passe-partout Satar Hajee Abdoula et son jackpot de Rs 247 millions, sur la situation financière de la CWA, du CEB, de l’établissement sucrier de Rose-Belle, du Sugar Investment Trust et du naufrage du Waterpark de Belle Mare.
Lorqu’on sait que dans les deux derniers dossiers, c’est Mahen Seeruttun lui-même qui a été, à un moment ou à un autre, directement impliqué, on ne peut que s’étonner qu’il ne commente pas la situation de tous ces organismes publics transformés en couvents du MSM lors de ses conférences de presse.
Il y a des cas encore plus dramatiques sur lesquels ils sont très attendus et on pense là à l’ex-ministre de la Santé, en particulier. S’il n’a pas encore été convoqué, lui et l’ex-Premier ministre, sur le fonctionnement de ce comité Covid – dont les réunions se sont déroulées sans consignation d’un procès verbal en bonne et due forme – à l’origine de tous les pillages commis sous le couvert commode de la sécurité sanitaire, on espère qu’il sera au moins sommé de venir s’expliquer devant l’enquête judiciaire sur le calvaire des dialysés dont les témoignages, ces jours-ci, sont terriblement bouleversants.
Certains diront qu’ils sont trop occupés à fréquenter les locaux de la Financial Crimes Commission pour oser s’expliquer à la nation sur leurs faits et gestes de ces derniers dix ans, mais puisqu’ils trouvent le temps ces jours-ci de venir pérorer sur tout et sur rien, ils peuvent tout aussi bien parler de leur bilan.
À la prochaine rencontre avec la presse, il faut souhaiter que les porte-voix du MSM éclairent aussi le pays sur le cas de Navin Beekharry, qu’ils disent aux Mauriciens pourquoi le contrat de ce monsieur, qui avait la charge d’un organisme censé combattre la corruption, était gardé secret. Et maintenant que la vérité est sur la place publique, qu’ils viennent expliquer à la nation pourquoi cet ancien directeur de l’ICAC, qui travaillait autant que l’on sache à Maurice, était payé en partie en dollars américains.
Était-ce un renvoi d’ascenseur pour la volte-face opérée devant le Privy Council dans l’affaire Medpoint lorsque, de la position de procureure, l’ICAC s’était muée en représentante de la défense ? Que des comptes soient réclamés du gouvernement qui s’est installé depuis six mois, c’est nécéssaire en démocratie, mais ceux qui ont été aux affaires ont un devoir, une obligation, de venir expliquer ce qu’ils ont fait de l’argent des contribuables. C’est la moindre des choses !
Et pendant qu’ils se plaisent à démolir les actions du gouvernement, ils peuvent aussi dire aux Mauriciens ce qu’ils pensent du rejet du projet de Roches Noires ou de l’interdiction de l’exportation du bois de santal. Question d’être le plus complet possible !
JOSIE LEBRASSE

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