Tout contrôler

Il faut s’indigner. Continuer à dénoncer. Ce n’est pas parce que le pays est confronté à un des gouvernements figurant parmi les plus intolérants et accapareurs depuis l’indépendance, qu’il faille se taire et laisser faire. Si tous ceux qui ont un rôle politique, économique et social ne font rien, on se retrouvera vraiment, un de ces jours, dans la situation du Sri Lanka.

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Les révolutions populaires et violentes n’arrivent que lorsque les institutions s’écroulent, abandonnent ou démissionnent et qu’elles sont incapables d’assumer leur rôle d’arbitrer et de sanctionner les excès d’un exécutif tentaculaire.

Ici aussi, tout fout le camp. Chaque jour qui passe apporte une nouvelle démonstration de cette mainmise qui, après avoir transformé l’État en propriété personnelle du MSM, touche désormais jusqu’à la sphère privée.

Ce gouvernement, composé d’un attelage d’individus qui ont en commun la quête d’avantages et de privilèges pour eux-mêmes et leurs proches, ne se contente pas de verrouiller ou de cadenasser, selon la terminologie de Nando Bodha, tout se qui touche au public – commission électorale, ICAC, police, MBC, PSC, DFSC, LGSC, IBA, ICTA, Banque de Maurice, FSC, pour ne citer que quelques-unes des “institutions” sous tutelle –, il se permet aujourd’hui de choisir avec qui il va traiter dans le privé.

Le gouvernement et ses agents politiques de la Gambling Regulatory Authority ne voulaient pas de l’empêcheur de tourner en rond qui se nomme Jean Michel Giraud. Ils ont tout orchestré pour avoir son scalp.

Et lorsque le Mauritius Turf Club a compris que l’industrie hippique resterait paralysée tant que le président démocratiquement élu d’une organisation privée sera dans les parages du Champ de Mars, il a choisi un autre directeur réputé coriace en la personne d’Anil Kumar Ramnarain, quelqu’un qui partage la même philosophie que Jean-Michel Giraud.

Son profil n’a pas, non plus, plu aux princes, son arrivée n’arrangeant en rien leur projet de mainmise totale sur le monde hippique. Pour arriver à leurs fins, ils ont, d’abord, choisi un interlocuteur, ont ensuite dressé leur liste de demandes, l’éviction de certains et l’installation, à la place de ce qu’on appelle, ici, de “bons garçons”, c’est-à-dire des personnes à l’échine souple, presque sans colonne vertébrale, qui sauront dire “oui” en toutes circonstances.

Avec une telle attitude, on peut demain s’attendre à ce que le gouvernement dicte aussi ses préférences pour les présidences et les directions d’autres entités du privé. “Est-ce possible en 2022?”, s’exclamait, mardi, Patrick Assirvaden après avoir dénoncé la suspension d’une journaliste de la MBC suivant une lettre de doléances adressée par le député Kenny Dhunoo, un fait confirmé par nul autre que le PM lui-même à l’Assemblée nationale, le 26 avril dernier.

Le président du PTr a été injustement renvoyé de l’hémicycle pour avoir repris les propos officiels de Pravind Jugnauth, mais à sa question, la réponse est définitivement oui. A-t-il oublié le slogan “ensam tou posib” de ceux qui sont “majoritaires” avec leurs 37%. C’est sûr qu’ils sont capables de tout et que leur ambition ultime est de tout contrôler.

Chaque jour en apporte la preuve flagrante et irréfutable. Les conditions de la “cueillette” par les autorités slovaques de leur ressortissant Peter Uricek sur notre sol continuent à alimenter les supputations les plus folles. Le Directeur des Poursuites Publiques (DPP) avait décidé d’instruire une enquête judiciaire sur les circonstances de cette exfiltration. Question de situer les responsabilités des uns et des autres.

Deux jours avant le début de l’enquête, l’attorney General demande et obtient le gel de la procédure. Le jour où l’affaire était censée démarrer, soit le jeudi 12 mai, la magistrate, qui devait présider à cette enquête, a dû rabrouer le représentant du State Law Office (SLO).

“You cannot preempt what I am going to say or what I will do”, a sèchement lancé la magistrate Seebaluck au représentant du SLO. Le pauvre a dû recevoir des instructions du bureau de Maneesh Gobin et il n’a fait que s’exécuter. Cela en dit des tonnes sur la mentalité qui prévaut et qui n’épargne même pas le judiciaire.

Le bureau du DPP, ils n’aiment pas. Depuis longtemps, depuis qu’ils avaient décidé de lui amputer, dès 2015, certaines de ses prérogatives administratives. Le DPP étant protégé par la Constitution, il ne pouvait pas le congédier comme un malpropre. Les intimidations et les projets d’arrestation n’y ont rien fait, non plus.

Ils ont alors pensé à un subterfuge aussi ignoble que malsain pour le déstabiliser: la fameuse Prosecution Commission qui aurait contourné ses décisions. Heureusement qu’avec le départ salutaire, et terriblement sain au plan démocratique, du PMSD du gouvernement en décembre 2016, privant le MSM et ses alliés d’une majorité qualifiée pour triturer la Constitution, cette commission, qui aurait été truffée d’agents du Sun Trust, n’a jamais vu le jour.

Après les 200 000 personnes qui ont battu le pavé de Port-Louis le 29 août 2020, les milliers d’autres qui ont envahi les rues de Mahébourg quelques semaines plus tard, les manifestants de Bambous Virieux contre les robinets à sec, les incidents de Plaine Magnien qui ont fait déguerpir en quatrième vitesse le grand Bahubali et autres ministre et député, les protestations de jeunes contre la politisation des fêtes religieuses le jour du Nouvel An tamoul, le Varusha Pirappu, le 14 avril au temple Tookay, des mandants frustrés profitant d’une émission radio pour scander des “gopia” à Vacoas/Manhattan, au tour des hommes en robe noir de descendre dans la rue.

Pour protester contre les méthodes de la police qui ne se contente plus d’interpeller pour un oui et pour un non des citoyens au motif qu’ils dérangent un ministre ou une PPS, mais qui veut désormais intimider aussi les avocats.

Une démarche inédite de la part des hommes de loi. Lorsque la toge n’est plus au prétoire et flotte sur l’asphalte, c’est que le socle démocratique de ce pays est vraiment menacé.

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