Apprendre à vivre ensemble, clé de voûte de l’éducation

La rentrée scolaire 2022 pour les 219 660 élèves réunionnais s’est déroulée dans le plus grand calme, le 16 août dernier. Il y a eu un enseignant devant chaque classe. L’apprentissage est déjà en marche. La maîtrise des savoirs fondamentaux et la transmission d’une culture générale, le développement de la personnalité des élèves et l’apprentissage de la citoyenneté, aussi bien que la préparation à la vie professionnelle, sont les principaux objectifs assignés à l’École en France. Pour l’UNESCO (l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture), par la voie du rapport Delors (1996) – 1 – , l’éducation doit s’organiser autour de quatre piliers : « apprendre à connaître », « apprendre à faire », « apprendre à être » et « apprendre à vivre ensemble ».

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Les quatre piliers de l’Éducation

Apprendre à connaître vise l’acquisition des connaissances générales, combinées avec un savoir en profondeur dans certaines matières. Il s’agit surtout de donner des instruments et des repères pour continuer à apprendre en vue d’être plus apte à bénéficier d’autres possibilités d’éducation et de formation tout au long de la vie. Le but est d’apprendre pour comprendre le monde et mieux l’habiter et vivre dignement.

Apprendre à faire ne recouvre pas seulement l’acquisition de savoir-faire et une qualification professionnelle mais, plus largement, des compétences qui rendent apte à faire face et à s’adapter à des situations nouvelles et changeantes du travail. Et apprendre à travailler en équipe.

Apprendre à être fait référence à la capacité de développer sa personnalité sur la base d’un ensemble de valeurs pour être en mesure d’agir avec toujours plus d’autonomie, de jugement critique et de responsabilité personnelle. Cela signifie que l’éducation ne doit négliger aucune facette du potentiel de l’apprenant, qu’il s’agisse de la mémoire, de l’imagination, du raisonnement, du sens esthétique, de la créativité et de l’aptitude à communiquer…

Apprendre à vivre ensemble, c’est apprendre à vivre avec les autres, semblables et différents. Cela signifie enseigner simultanément le respect des diversités (diversité des individus, diversité des cultures…) et la conscience des similitudes et l’interculturalité (interaction, inter fécondation). Pour y arriver, il convient de développer la connaissance de soi, la compréhension de l’autre et la perception des interdépendances. La découverte de l’autre nous permet de mieux nous connaître. Et ce, en travaillant ensemble à des projets communs motivants.

Apprendre à vivre ensemble, un enjeu de cohésion sociale

Ces quatre piliers donnent, selon le rapport Delors, un cadre pour déterminer ce qui peut être essentiel à l’apprentissage tout au long de la vie, en soulignant que dans l’éducation se cache un « trésor ». Les trois premiers se réfèrent au développement des personnes, des communautés ou des nations prises individuellement. Le quatrième pilier, apprendre à vivre ensemble, est d’une nature différente et plus globale. Son omission ou son ratage pourrait avoir de lourds dégâts sur les autres efforts en faveur de l’éducation et du développement durable, du fait des conflits et des guerres de toute nature. Arrêtons-nous un moment sur ce quatrième pilier, considéré comme l’un des enjeux majeurs de l’éducation aujourd’hui.

Nous vivons, nous le savons, dans un monde où les situations entraînant un affaiblissement du lien social (2) sont nombreuses : inégalités, pauvreté, violences (physiques, psychologiques, sexuelles, sexistes, sociales, économiques…), discriminations, conflits, guerres et tensions de toute nature. D’où l’urgence de l’apprentissage du vivre ensemble devenu plus que jamais indispensable. L’éducation, nous dit justement le rapport Delors, a pour mission de tisser entre les individus des liens sociaux procédant de références communes, entre autres, de valeurs communes : de respect et de reconnaissance, de l’entraide et de la solidarité, de liberté et d’égalité, de justice et de paix… Des valeurs communes, à la fois ressenties dans notre for intérieur (notre conscience), exprimées dans nos lois, nos constitutions, nos conventions internationales et affirmées dans les Déclarations des Droits Humains.

Pour relever le défi de l’apprentissage à vivre ensemble, nous pouvons donc estimer, à juste titre, que son principal objectif est d’identifier et de promouvoir un ensemble de valeurs éthiques fondamentales partagées par tous les individus, toutes les communautés et nations du monde et de les faire vivre dans le concret de l’action. Mais plus encore, apprendre à vivre ensemble, à vivre avec les autres, exige l’identification d’une valeur fondamentale commune, celle qui permet de rassembler toutes les autres : la dignité humaine. « La valeur de la personne humaine est permanente, franchit les frontières des cultures et déborde nos vies particulières » (Thomas de Koninck, 2010) – 3 –. Elle est une valeur phare essentielle puisque tout n’est pas admirable dans nos vies particulières comme dans les cultures des peuples (Noël Audet, 2006).

Dans nos sociétés multiculturelles inégalitaires axées sur l’individualisme, c’est sur cette valeur fondamentale commune que nous devons fonder nos décisions, nos actions et nos vies.  « Vivre, c’est vivre ensemble. Apprendre à vivre ensemble, c’est apprendre à vivre, et cela peut effectivement s’apprendre. Le grand défi de l’éducation pour apprendre à vivre ensemble est de mobiliser la participation de tous les acteurs » (Mariana AYLWIN, ministre de l’Éducation au Chili de mars 2000 à mars 2003).

Notes

1. En 1996, la Commission internationale sur l’Education pour le vingt et unième siècle, présidée par Jacques Delors, rédigeait un rapport pour l’UNESCO à propos de l’éducation de demain intitulé : L’Education, un trésor est caché dedans. Nous nous inspirons de plusieurs résumés de ce rapport.

2. « L’expression ‘lien social’ est aujourd’hui employée pour désigner tout à la fois le désir de vivre ensemble, la volonté de relier les individus dispersés, l’ambition d’une cohésion plus profonde de la société dans son ensemble » (Serge Paugam, Le lien social, Que Sais-je ?, 2008, p.34)

3. « Dans le texte de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, deux points majeurs frappent d’emblée : a) On y reconnaît que ce qui fonde l’égalité des droits humains et leur caractère inaliénable, c’est la dignité de tous les membres de la famille humaine sans exception ; b) On y reconnaît que le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde, c’est la dignité humaine » (Thomas De Koninck)

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