Pâques, le grand oui à la vie

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Lorsqu’ils célèbrent la Pâque – orthographiée au singulier dans l’Église orthodoxe – les fidèles des églises orthodoxes échangent la salutation Le Christ est ressuscité !En Vérité Il est ressuscité ! Cet échange de salutations dure jusqu’à la fête de l’Ascension, qui célèbre la montée de Jésus au ciel. La fête de Pâque.s – orthographiée au pluriel par les autres églises chrétiennes – est la fête chrétienne célébrant la résurrection de Jésus, le troisième jour après sa passion. Ce triomphe de la vie sur la mort est communiqué, transporté, par le leitmotiv de la ‘fête des fêtes’ : « Christ est ressuscité des morts ! Par la mort il a écrasé la mort. À ceux qui sont dans les tombeaux, il a donné la vie » L’office débute dans l’obscurité complète de la nuit, tous cierges éteints, pour arriver à cette joie inexprimable, dépeinte notamment par le chant de l’Exultet dans les églises catholiques : « Exultez de joie, multitude des anges, exultez, serviteurs de Dieu (…) Voici la nuit où le Christ, brisant les liens de la mort, s’est relevé, victorieux, des enfers »

Christ est ressuscité et la vie règne. La Résurrection, offerte à toutes et à tous, signifie ici, la victoire totale sur la mort et l’enfer – la mort, dans la perspective biblique, ne désigne pas seulement la fin de la vie, ni l’enfer un état spirituel d’outre-tombe, mais l’une et l’autre se rapportent à la totalité de notre existence, à l’état de mort durant notre vie, à notre monde déchu : monde d’inimitié qui sépare et détruit.

Un monde malade de violence extrême

« L’enfer, c’est les autres », disait Jean-Paul Sartre. Et encore : « Ma chute originelle, c’est l’existence de l’autre ». En effet, ne vivons-nous pas dans un monde gangréné par la violence, par des violences extrêmes, des violences hors normes, allant des tueries de masse aux viols et féminicides en passant par la destruction en masse de populations civiles, non directement impliquées dans le conflit comme en Ukraine. Sans parler des attentats-suicides. Par violence extrême, nous entendons cette violence qui cherche à tuer l’humain en l’homme, à défaire l’autre, à l’avilir ; pas seulement à l’exploiter, pas seulement à l’exclure, mais à l’éradiquer (Maurice Bellet, 2008). Une violence qui invoque l’impensable qui est en nous.

Notre conception du monde doit inclure cette réalité dérangeante. Écoutons ce témoignage d’un Hutu à propos du génocide des Tutsis au Rwanda : « On ne voyait plus des humains quand on dénichait des Tutsis dans les marigots. Je veux dire des gens pareils à nous, partageant la pensée et les sentiments consorts » (propos recueillis par Jean Hatzfeld — 2003). Autre réalité de cette dimension inhumaine en l’homme : en 2021, plus de cinq femmes étaient tuées chaque heure par un membre de sa propre famille. Plus de 120 par jour dans le monde (Rapport sur les féminicides publié par ONU Femmes – Nations Unies, 23 novembre, 2022). Malgré tous les efforts pour lutter contre les féminicides, on constate qu’au cours de la dernière décennie, le nombre total de féminicides est resté globalement inchangé, selon la même source.

Il y a dix ans, en décembre 2012, l’Union européenne recevait le prix Nobel de la paix pour son projet postnational d’union « sans cesse plus étroite » entre ses États membres, affiché depuis 1992 dans le traité de Maastricht. Aujourd’hui, l’heure n’est plus à la paix mais à la guerre ; elle n’est plus à l’abolition des frontières mais au nationalisme pur et dur ; elle n’est plus aux belles constructions juridiques mais aux rapports de force les plus crus (Edito, Le Point, 16/02/2022). La pente logique de toute guerre est bien la montée aux extrêmes.

De la mort à la vie

Les choses sont-elles sans espoir ? Je ne sais pas si, comme le dit l’écrivain écossais Thomas Carlyle, « le désespoir porté assez loin complète le cercle et redevient une sorte d’espérance ardente et féconde », mais je sais qu’il ne faut pas le laisser s’installer et qu’on peut en sortir. Quant aux choses sans espoir, il faudrait les comprendre et être pourtant décidé à les changer, nous dit Francis-Scott Fitzgerald. Nous n’avons pas d’autres choix que le combat. L’unique option, pour reprendre la célèbre formule d’Antonio Gramsci, est d’articuler à la fois « le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté ». Dans la Bible, souligne Frédéric Boyer – qui a fait lui-même l’expérience d’anéantissement après la mort tragique de sa compagne – l’espérance naît à chaque fois que le sujet est au plus bas.

Plus fondamentalement, pour les fidèles de toutes les églises chrétiennes, la grâce de la Croix et de la Résurrection offre à l’homme, dans le respect de sa liberté, la capacité de transformer toute situation de mort en situation de résurrection ; de passer, à l’occasion des étapes majeures de vie, de mort partielle en résurrection ébauchée jusqu’au passage ultime : l’entrée dans la vie éternelle. Écoutons ces quelques lignes de l’Homélie (prédication) pascale de saint Jean Chrysostome concernant la Résurrection : « Que nul ne pleure ses fautes, car le pardon a resplendi du tombeau. Que nul ne redoute la mort, car la mort Du Seigneur nous a libérés. L’enfer a saisi un corps, et il s’est trouvé devant Dieu ; il a saisi la terre, et il a rencontré le ciel […]. ˝Mort, où est ton aiguillon, enfer, où est ta victoire ?˝ (1 Cor, 15, 55). Christ est ressuscité et la vie règne ».

C’est sur cette annonce joyeuse de Pâque.s – « Le Christ est ressuscité !En Vérité Il est ressuscité !  et la perspective de vie qu’elle ouvre, que s’enracinent les raisons d’espérer des chrétiens. Cette espérance, composante essentielle de la foi chrétienne est également présente dans de nombreuses religions et spiritualités. Pour autant les croyant-e-s n’en ont pas le monopole, même s’ils/elles ont une manière spécifique de la comprendre. Pour tous les autres, leur foi dans les hommes et dans les forces de la vie – les capacités de rebond, de résistance, de résilience (Emmy Werner), les ressorts invisibles (G.-N. Fisher) et les ressources insoupçonnées… – est leur raison d’espérer. Comme l’affirme le livre de Job (Bible), même : « Un arbre a de l’espérance : quand on le coupe, il repousse, il produit encore des rejetons » (Job, 14, 7). Si la foi en l’humain et/ou en Dieu a une force, comme le dit Frédéric Boyer, c’est de nous inviter à retourner sur le lieu de la vie.

Joyeuses fêtes de Pâques.

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