Prisheela Mottee : « Poursuivre notre plaidoyer en faveur du congé menstruel »

En ce début de 2024, Prisheela Mottee, présidente et fondatrice de l’association Raise Brave Girls, livre son regard de femme sur des sujets d’actualité. Après le salaire minimum pour que les employés soient en mesure de travailler non seulement avec un bon rapport qualité-prix mais aussi avec dignité, l’augmentation de la pension de vieillesse à Rs 13 500 en faveur de ceux âgés de plus de 75 ans, le féminicide, Raise Brave Girls poursuivra son plaidoyer en faveur du congé menstruel qui est un droit légitime tout en continuant à mettre en place les boîtes menstruelles dans les institutions scolaires.
L’augmentation du salaire minimum est une manne inespérée. Votre avis…
Le salaire minimum est une initiative positive prise par le gouvernement pour que les employés soient en mesure de travailler non seulement avec un bon rapport qualité-prix mais aussi avec dignité.
D’ailleurs, au niveau de Raise Brave Girls, nous croyons fermement qu’un salaire minimum réduira drastiquement la féminisation de la pauvreté et qu’il n’y a aucune discrimination en termes de genres. Par conséquent, le salaire minimum a tout un aspect sous-jacent pour créer une société de travail décent et réduira toutes les formes de discrimination et d’abus.
Des débats sont en cours concernant la réduction de l’écart salarial avec le nouveau système d’indemnisation qui sera mis en place par les autorités. Il existe, bien sûr, un besoin absolu de réalignement des salaires pour encourager les travailleurs à rester sur le marché du travail mauricien. Une solution innovante aurait également pu être envisagée pour que les citoyens se trouvant sous le seuil de pauvreté soient soutenus par un système de quotas en faisant correspondre les qualifications et le stage dans le secteur public et également par des bons d’achat.

- Publicité -

Votre réaction face à la pension de Rs 13 500 à ceux âgés de 75 ans et plus…
Les autorités ont proposé une augmentation des pensions de nos personnes âgées, piliers de notre société, qu’elles méritent sans aucun doute. De plus, au niveau de Raise Brave Girls, nous croyons fermement qu’en plus de l’augmentation de la pension, il existe un besoin absolu de créer de petits groupes de séances dans les régions pour que les personnes âgées partagent leurs connaissances et leurs histoires avec les jeunes. Nous pensons que les pensions de tous les retraités devraient être égales.

D’autres sujets qui font débat : la violence domestique, le féminicide. Comment lutter contre cette forme de pandémie silencieuse, fléau de notre société ?
Rien n’a changé dans le pays en termes de féminicide et de décès de femmes en cas de violence domestique. Malgré des lois rigides, des forces de police, un ministère dédié au Genre et de nombreuses ONG à travers le pays, nous, en tant que société, continuons d’échouer envers les femmes qui ont perdu la vie à cause de la violence domestique. Selon les statistiques, une femme sur quatre a été victime de violence domestique et dans de nombreux cas, la violence domestique a malheureusement entraîné la mort.
Dans le cas récent de Vilasha Sooriah, selon l’intervention de son proche sur les réseaux sociaux, nous pouvons facilement analyser comment la mort des femmes est liée à un certain nombre de problèmes sociaux. Cela va d’un système où la victime n’a pas la plate-forme appropriée pour s’exprimer, par exemple lors de réunions de groupes, etc…
Nous pouvons également détecter le manque de culture pour dénoncer de tels cas, que ce soit de manière anonyme ou non, et aussi la société patriarcale dans laquelle les femmes sont soumises, en raison des responsabilités et des pressions. L’alcoolisme est l’une des principales causes de la violence domestique et, dans ce cas particulier, il a été signalé.
À Maurice, pour commencer, nous n’avons pas d’éducation pour les couples au niveau national où des modules tels que la communication de couple, la gestion des émotions, la résolution des conflits sont dispensés aux couples nouvellement mariés. Il nous manque une culture du conseil où les citoyens peuvent rencontrer des conseillers ou des psychologues pour partager leurs émotions ou leur situation de vie. Nous n’avons pas non plus de groupe de soutien où les gens peuvent se rencontrer pour partager des sujets de leur vie.
Dans le cas de Swapna Ibrahim Dawood, une fois de plus, l’élément du crime est la jalousie rapportée par les médias et nous revenons à la question principale de la communication dans le couple. La société mauricienne a tellement mis l’accent sur la dimension patriarcale et n’a pas appris aux hommes à gérer leurs émotions, à gérer le rejet d’une relation et à accepter la rupture. Le manque de gestion des émotions et de communication apparaît dans tous les cas de violence domestique.
Nous ne pouvons nier que les autorités ont mis en place l’application Lespwar avec le bouton panique qui a fait ses preuves et a également remporté un prix. Cependant, je proposerais d’aller plus loin : une application offrant aux victimes la possibilité d’envoyer des messages et de partager ce qui leur arrive au lieu de simplement appuyer sur un bouton de panique.
De plus, les autorités devraient envisager de donner un téléphone portable postal aux femmes qui ont demandé une ordonnance de protection et qui sont inscrites dans les registres sociaux. Enfin et surtout, il convient de développer la culture de la dénonciation pour venir en aide aux femmes victimes de violences conjugales.

L’objectif des box menstruels et l’accessibilité des serviettes hygiéniques ont été un des combats de votre association. Quel est le résultat de cette démarche ?
Raise Brave Girls a pu mettre en place des boîtes périodiques dans trois collèges d’État, à savoir le collège Royal de Curepipe, le collège Royal de Port- Louis, le MGSS Nouvelle France et l’université UCLAN. Le point positif de la mise en œuvre du projet est qu’il n’y a pas eu de mal-être dans les collèges mixtes et que les boîtes ont été bien accueillies.
En même temps, nous avons eu l’occasion de partager notre point de vue et notre campagne sur les menstruations et la nécessité de changer régulièrement les serviettes hygiéniques. Les garçons comme les filles ont interagi dans les questions et réponses.
Les box menstruels rendent accessibles des serviettes hygiéniques en cas d’urgence. Une fois que nous avons lancé et parrainé la boîte périodique, c’est devenu le projet de l’école et la responsabilité des élèves. Ainsi, nous créons un sentiment de responsabilité et d’entraide.

L’association a aussi milité pour qu’il y ait ce droit au congé menstruel. Où en est votre plaidoyer à ce jour ?
Au fil des années, Raise Brave Girls a fait pression pour qu’un à deux jours de congé menstruel soient accordés à Maurice aux jeunes filles et femmes souffrant de crampes sévères. Pour un système plus équitable, nous avons proposé d’autoriser les congés menstruels sur présentation d’un certificat médical et qui ne doivent des arrêts maladie.
En 2023, nous devrions devenir une société qui crée un espace permettant aux jeunes femmes et aux filles de répondre à leurs besoins biologiques. La menstruation est un droit légitime. C’est pourquoi nous avons lancé une pétition en ligne et collecté plus de 10 000 signatures et avons soumis au gouvernement national une proposition de budget 2023/2024 qui n’a pas encore été examinée jusqu’à présent, mais notre plaidoyer se poursuit.

Certaines de vos propositions ont été retenues par le gouvernement. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Au fil des années, nous avons envoyé des propositions via le budget national pour des subventions complètes aux patients atteints de maladies rares, et avec le budget national 2023/2024, nous avons pris note positivement que le gouvernement national a proposé un traitement gratuit pour les enfants qui sont atteints de cancer. C’est une mesure positive car tous les enfants sont des enfants de la République de Maurice.

Pour conclure, quels sont les projets phares de Raise Brave Girls pour 2024 ?
Raise Brave Girls poursuivra son plaidoyer en faveur du congé menstruel qui est un droit légitime et nous continuerons à pourvoir les boîtes menstruelles dans les institutions scolaires.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -