Rodrigues

— Tu as suivi ce qui s’est passé à Rodrigues pour les élections ?

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— C’était dimanche ? J’ai pas eu l’occasion avec le mauvais temps.

— Quel mauvais temps encore ? Je te parle de dimanche dernier, moi, pas du dimanche d’avant avec le cyclone classe 4.

— C’est de dimanche dernier même que je te parle. Tu ne sais pas qu’il y a eu de grosses pluies, de gros orages et de la grêle, tout ça ?

— Où il y a eu tout ça ?

— Mais à Quatre-Bornes, à Rose-Hill, dans les parages même, toi. Où tu étais ?

— J’étais invitée dans le nord. X n’avait pas exagéré alors !

— Il était invité lui aussi ?

— Oui, et pour ne pas changer, il est arrivé en retard. Pour s’excuser, il a dit qu’il y avait un gros embouteillage à cause de la pluie avec des gouttes de la grosseur de longanes. Je pensais qu’il était en train d’exagérer, moi.

— Il avait raison. Non seulement il y a eu la grêle, mais de gros orages effrayants, je te dis. Même les chiens avaient peur. Et on dirait qu’on va avoir le même mauvais temps ce week-end.

— Oui, toi. La météo a même dit qu’un cyclone est en train de se former au nord de Maurice.

— Encore de la pluie et des orages : je vais faire une dépression, toi ! Allons changer de sujet. Alors, ces élections à Rodrigues ?

— Ça a eu lieu dimanche et les résultats ont été annoncés le soir même.

— Il n’y a pas eu de contestation des résultats, comme c’est la coutume à Maurice ? Personne n’a parlé de mardaye, de computer room et de règle miracle ?

— Pas encore.

— Et qui est le vainqueur de ces élections, le parti de Serge Clair, comme d’habitude ?

— Non, toi, c’est l’opposition qui a gagné.

— Ah bon ?! Je croyais que l’OPR, le parti de Serge Clair, était imbattable à Rodrigues.

— Tout le monde croyait ça. Mais tous les partis d’opposition ont fait une alliance contre lui.

— Combien de partis d’opposition il y a à Rodrigues ?

— Je crois qu’il y a cinq.

— Et ils ont réussi à faire une alliance entre eux ?

— Oui, toi.

— Ils ont réussi à mettre de côté leurs différents et les égos de leurs leaders ?

— Il paraît que ça a été mari difficile et qu’il y a eu beaucoup de réunions, mais à la fin, ils ont réussi à tomber d’accord.

— L’opposition a gagné par une bonne majorité ?

— Non, toi. C’était mari serré. Au premier tour ils étaient six, six. Puis, avec la proportionnelle, l’opposition a eu un siège en plus et a remporté les élections.

— Tu veux dire que le nouveau gouvernement composé de cinq partis a une majorité d’un seul siège ?

— Oui. L’opposition qui est devenue gouvernement a neuf sièges au Parlement de Rodrigues et la nouvelle opposition a huit sièges.

— Hummm… Cinq partis dans une alliance, ça fait beaucoup de capitaines pour un seul bateau ! Et puis un seul siège, c’est une mari petite majorité qu’on peut facilement faire basculer.

— C’est ce que beaucoup de gens disent. Mais d’autres pensent qu’après avoir réussi à faire une coalition de tous les partis et à prendre le pouvoir, le nouveau gouvernement va tout faire pour le garder.

— Ça c’est vrai. Mais l’ancien gouvernement qui est aujourd’hui dans l’opposition va tout tenter pour reprendre le pouvoir. Surtout avec une aussi petite majorité.

— Écoute, on m’a toujours dit que de 1976 à 1982, Ramgoolam père a dirigé le gouvernement à Maurice avec seulement une ou deux voix de majorité au Parlement.

— Tu as raison. Mais en tout cas, je suis sûre qu’il y aura beaucoup de tentatives de Viré Mam à Rodrigues dans les jours à venir.

— Peut-être que ça a déjà commencé ! On doit avoir autant de Judas en politique à Rodrigues qu’à Maurice.

— Mais comme partout ailleurs, il est facile de dire qu’il y a des Judas pour acheter des transfuges, mais il faut aussi qu’il y ait des politiques qui acceptent de se vendre !

— Bien envoyé ça ! En parlant de « Viré Mam », tu sais quel a été le séga le plus populaire pendant la campagne électorale ?

— Alors la, aucune idée. C’est sûrement un séga rodriguais.

— Pas du tout : c’est un séga de la chanteuse mauricienne Nancy Derougère qui a pour titre « Balye mov »zer ». L’OPR l’avait choisi comme séga pour la campagne électorale.

— Qu’est-ce que l’Alliance de l’opposition avait choisi comme séga ?

— Le même séga de Nancy Derougère…

— Quoi, l’OPR et l’Alliance de l’opposition ont choisi le même séga ?

— Oui, mais avec une grosse différence : l’Alliance a détourné le séga pour le faire devenir « Balye OPR ».

— C’est bien trouvé ! Finalement, ils n’ont pas mal d’imagination les Rodriguais. Les partis politiques mauriciens, surtout ceux de l’opposition, devraient prendre des leçons avec eux.

— Pourquoi tu dis ça ?

— Au moins eux ont réussi à faire une alliance de l’opposition pour battre le part au pouvoir.

— On ne sait pas si ce pouvoir avec une voix de majorité va durer…

— Ça c’est une autre affaire. Au moins à Rodrigues ils ont réussi à mettre leur égo de côté pour faire une alliance. À Maurice, tout ce que les partis d’opposition savent faire c’est se battre entre eux, ce qui fait le jeu du gouvernement. Ils ont des leçons à apprendre avec Rodrigues !

J.-C.A

Jean-Claude Antoine

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