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HUMAN STORY – LE CALVAIRE DES TRAVAILLEURS ÉTRANGERS : Sans le sou et des dettes de Rs 50 000 par tête

Le cas de ces 116 ouvriers indiens de l’usine Avant (Mauritius) Ltd qui a fermé ses portes la semaine dernière, met une nouvelle fois en lumière, la situation des travailleurs étrangers à Maurice. Sans salaire depuis deux mois et privés de leurs bonis de fin d’année, la majorité d’entre eux seront redéployés vers d’autres usines. Ils devront toutefois tout recommencer à zéro. Pour ceux qui ont choisi de regagner l’Inde, la situation est d’autant plus dramatique : ils rentreront sans le sou, alors qu’ils ont contracté des emprunts pour payer l’agent recruteur. La somme moyenne est de Rs 50 000…
Ils s’appellent Raj, Kamlesh et Mahesh Kumar. Ils viennent de l’Uttar Pradesh, en Inde. Leur collègue George Michael vient, lui, du Tamil Nadu. Ils sont tous d’anciens employés de l’usine Avant (Mauritius) Ltd qui a fermé ses portes la semaine dernière. Le propriétaire, Gujurajsingh Mandhir, originaire de Bangalore, a quitté le pays il y a deux semaines, sans être inquiété par les autorités. Pourtant, il était connu que sa compagnie avait des difficultés financières. L’usine avait été placée sous administration judiciaire depuis 2012. Les travailleurs, sans salaire depuis deux mois, avaient manifesté le 26 juillet dernier. Cela ne l’a pas empêché de partir, laissant les employés sur le pavé.
L’inquiétude se lit sur le visage des ouvriers indiens rencontrés. Depuis lundi, ils multiplient les démarches auprès des autorités pour remédier à leurs problèmes. « Nous ne demandons rien de plus que l’argent qu’on nous doit. Hier, nous avons rencontré le ministre du Travail, qui a promis que nous serons redéployés dans d’autres usines. Mais il y a une quarantaine d’ouvriers qui veulent rentrer chez eux. Ils n’auront droit qu’à un billet d’avion. Comment vont-ils rentrer chez eux sans le sou après avoir travaillé toutes ces années ici. Ils n’ont même pas de quoi acheter un cadeau à leurs enfants. »
Nos interlocuteurs soulignent qu’ils sont tous endettés, puisqu’ils ont dû emprunter de l’argent pour payer l’agent recruteur. « La majorité d’entre nous avons le même recruteur. Certains ont payé 40 000 indiennes, d’autres 70 000 roupies indiennes, selon la période à laquelle nous avons été recrutés. Cela inclut le billet d’avion. Le reste représente la commission de l’agent. Depuis que tous ces problèmes sont survenus, nous avons essayé d’entrer en contact avec lui, mais il ne répond pas. »
Nos interlocuteurs avancent également avoir été induits en erreur par l’agent recruteur qui leur avait promis un salaire entre Rs 22 000 et Rs 25 000 à Maurice. En réalité, ils touchent autour de Rs 14 000 à Rs 15 000 avec leur overtime. « Nous sommes ici depuis trois à six ans. Les superviseurs ont un salaire de Rs 360 par jour et les machinistes, Rs 276 par jour. Tous les mois, nous envoyons de l’argent à nos familles en Inde, pour rembourser nos dettes et pour le ménage. Il y a des intérêts de 10% sur l’emprunt. Mais depuis deux mois, nous n’avons rien à leur envoyer. Nous avons des enfants qui doivent manger, aller à l’école… Nos familles ont dû emprunter de l’argent une nouvelle fois pour vivre, en attendant que nous puissions leur envoyer de l’argent à nouveau. »
En fait, ces ouvriers ont caché la vérité à leurs familles. S’ils ont bien dit qu’il y a un petit problème avec le paiement en ce moment, ils n’ont pas révélé que l’usine a fermé ses portes, afin de ne pas les inquiéter. « Nous sommes venus ici pour travailler. Ils comptent sur nous. D’ailleurs, nous ne refusons pas de travailler. Chez Avant, on commençait à 7h30 le matin, pour terminer à 17h15. Après cela, nous faisons les heures supplémentaires de 18h à 21h. Même si c’est dur, nous nous adaptons. Nous sommes venus ici pour travailler. »
Ces derniers se disent reconnaissants envers les Mauriciens qui leur sont venus en aide pendant leur détresse. « La boutiquière où nous faisons nos provisions a accepté de nous donner la nourriture à crédit. Nous lui sommes reconnaissants et il faut bien la rembourser. Nous ne voulons pas qu’on dise que les travailleurs indiens ne sont pas sérieux. »
Ils saluent également la contribution du syndicaliste Fayzal Ally Beegun. « Sans lui, nous ne savions où aller, quelles démarches entreprendre. La Mauritius Labour Federation nous a également fait un don en argent pour subvenir à nos besoins. De même, le ministre du Travail, M. Soodesh Callychurn a payé personnellement nos provisions en attendant que nous recommencions à travailler. »
Nos interlocuteurs souhaitent que le gouvernement indien paye les deux mois de salaire de ceux qui veulent retourner en Inde. « Tant qu’à nous, nous allons reprendre le travail dans une autre usine. Même s’il faut tout recommencer à zéro, nous sommes disposés à le faire. Mais il y a des amis qui sont là depuis longtemps et qui veulent rentrer à cause de leurs femmes, leurs enfants. Au moins pour ceux-là, pour leurs enfants, on aurait pu faire un effort. »
George Michael a deux fils, de 15 ans et 8 ans. Pour eux, il se dit disposé à rester encore quelques années. « Et puis, il y a les dettes à rembourser. Si on rentre, comment on va faire ? » Raj Kumar est, lui, l’aîné de sa famille. Son père n’est pas en mesure de travailler et c’est lui qui doit s’occuper de son petit frère et de sa petite soeur. « Je dois travailler pour qu’ils puissent continuer à aller à l’école », dit-il.

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