Mehendi Fashion Art : le tatouage éphémère pour une deuxième peau

Dans l’allée aux parasols du Caudan Waterfront, un kiosque attire les regards. Il s’agit de celui de Sharemeen Khan Khodabocus, 29 ans et spécialiste du mehendi (henné). Il faut dire que son travail est précis, le geste sûr. Et que les motifs qu’elle applique sur la peau séduisent. Son leitmotiv : être toujours à la pointe de la mode. Sharemeen parvient d’ailleurs toujours à se réinventer dans son métier avec ses formes arabesques qui habillent mains, pieds, chevilles et dos.

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Le henné n’est pas qu’une technique, c’est aussi un art. Privilégié aujourd’hui par ceux qui affectionnent la mode, le mehendi est utilisé depuis des milliers d’années en tant que cosmétique pour embellir le corps. Au premier coup d’œil, il peut être confondu avec un tatouage, surtout par les non-connaisseurs. Sauf qu’ici, le dessin n’est pas permanent. Et pas besoin d’aiguilles non plus : il suffit juste d’un cône de henné, et le tour est joué.
Prisé lors de mariages, le tatouage au henné est aussi apprécié pour son côté « tatouage éphémère », qui donne ainsi cette illusion d’être vêtu d’une deuxième peau. Grâce à la « lawsone » (molécule colorante contenue dans le henné), le mehendi prend une couleur donnant un effet soit très foncé, soit pâle. Le procédé est simple, explique Sharemeen Khan Khodabocus : il suffit de mélanger la poudre de henné naturel à de l’eau chaude, de l’insérer dans le cône et de dessiner ensuite le tatouage choisi. Plus longtemps le tatouage adhèrera à la peau, dit-elle, et plus intense sera alors la couleur.
C’est qu’à 29 ans à peine, Sharemeen s’y connaît en la matière. La jeune femme est d’ailleurs passée experte dans la technique, appliquant le henné avec minutie et en jouant avec les contours des dessins qu’elle pose sur le revers des mains de ses clientes dans une sensation de légèreté. La couleur prend alors une texture plus foncée au bout de deux jours. « On remarque la différence de couleur, qui part du plus foncé pour devenir ensuite plus légère. Avant de disparaître complètement après plusieurs lavages », poursuit-elle.

Le henné, un sésame…

Sharemeen n’est pas juste habile de ses mains, elle a aussi un don : en un regard, elle sait exactement quel dessin conviendra le mieux à la personnalité de sa cliente. Ses dessins justement, mélanges d’influences indiennes et arabes, ne laissent pas indifférents, en attestent les touristes faisant halte devant son kiosque, au Caudan, et qui n’hésitent d’ailleurs pas à se faire tatouer. Autodidacte, mais avec de bonnes connaissances en dessin, la jeune femme utilise au mieux son imagination pour créer de véritables œuvres d’art sur la peau. Car le mehendi, c’est avant tout une œuvre d’art.
Même si le mehendi est un tatouage temporaire, dit-elle, l’artiste joue beaucoup de créativité à travers des motifs floraux ou géométriques, mais en y apportant sa touche personnelle. Bien que n’ayant pas encore la trentaine, la jeune femme cumule déjà 11 ans dans le secteur. Elle remercie d’ailleurs Olivier Langevin, du Caudan, d’avoir cru en elle et en son talent, et de l’avoir encouragée à faire ses premières armes le jour du Divali. « Le mehendi est surtout prisé pour les mariages, mais aujourd’hui, tous adoptent cette mode. Les touristes sont friands de cette tendance, qu’ils qualifient de tatouage henné. L’attrait est qu’il est composé de plantes. Personnellement, j’achète la poudre toute prête, que j’applique sur les mains ou les pieds. J’exécute des formes comme des mandalas, des “arabic design”, et la couleur varie entre le noir, le marron ou le bordeaux. Certains préfèrent des tatouages noirs, d’autres une couleur pas trop “flashy”. »
Si pour les femmes, le mehendi fait aussi partie de l’arsenal de la séduction, expliquant ainsi que beaucoup de pays l’ont adopté, il est aussi entouré d’histoires et de légendes. Comme celle née en Mauritanie, et où le mehendi, qui est un arbuste épineux, aurait poussé « à l’intention de la fille du Prophète », laquelle aurait ainsi été « la première femme à faire de sa teinte rouge une parure ». Quant à ses origines, le henné tirerait sa source du sud de l’Iran et de la Mésopotamie. Il aurait ensuite été introduit en Égypte sous la XXe dynastie puis longtemps cultivé au Maghreb et dans une grande partie de l’Afrique tropicale.
Dans tous les cas, le henné constitue un véritable sésame entre les mains de l’artiste qu’est Sharemeen. Ce qu’elle aime le plus dans cette matière, c’est sa texture, une fois réduite en poudre, et qui, appliquée sur la peau, offre un tatouage temporaire. « Le mehendi reste indémodable. Il permet d’embellir à la fois les mains et les pieds, mais aussi le corps », glisse Sharemeen. En revanche, la jeune femme met en garde : il faut éviter de retirer le henné à l’eau, au risque de ruiner le tatouage, ou encore de mettre de la crème hydratante sur la région à tatouer avant de poser le dessin, « car cela empêche la pigmentation de la peau ».

Du « nail art » au mehendi

Ses modèles, nombreux et variés, Sharemeen les a classés dans un portfolio, histoire que ses clients aient l’embarras du choix. L’artiste précise qu’elle peut les réaliser dans n’importe quelle dimension, ajoutant que « parfois, des clientes veulent avoir un henné dans le dos ».
Sa technique, la jeune femme l’a acquise alors qu’elle avait à peine 11 ans, explique-t-elle, provoquant alors l’étonnement chez ses cousines, ravies d’avoir un beau dessin au henné sur le dos de la main. Suivront des cours suivis au Peroo Institute of Mehendi, et qui auront constitué un autre atout. Le déclic viendra encore plus tard, lorsque, lors de sa participation à une compétition d’application du mehendi, Sharemeen arrive en tête de liste. C’est alors qu’elle considère la pose de henné comme son métier, dont elle fera d’ailleurs une véritable passion. « Le dessin m’inspire beaucoup, surtout le floral. Je suis aussi capable d’exécuter des modèles que me présentent mes clients. »
Fidèle au poste à son kiosque de 10h30 à 17h30, Sharemeen pense aussi à ceux qui n’ont pas les moyens. « Mes prix commencent à Rs 50, pour permettre à ceux qui n’ont pas les moyens de profiter de cet art. Je me suis aussi tournée vers le “face painting”, car avec la pandémie de Covid, il n’y avait pas vraiment d’ouverture dans cette voie. La peinture sur les visages d’enfants est un succès. Les jeunes adorent surtout leurs héros, comme Spider-Man, la reine des neiges… »
Et ce n’est pas tout. Sharemeen a même réalisé des paniers avec des motifs de mehendi. Sans compter qu’elle compte bientôt proposer du “nail art” au mehendi à ses clients, à qui elle demande d’ailleurs de la suivre sur sa page Instagram. Nul doute que la jeune femme, forte de son expérience et de son talent, parviendra encore longtemps à captiver sa clientèle avec ses tatouages au henné, qui deviennent alors comme une deuxième peau.

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