6o ans de carrière musicale : Marie-Josée Clency, la « swinging lady » au grand cœur

Soixante ans de carrière pour un bel âge… 75 ans, mais Marie-Josée Clency surprend tout le monde par sa vivacité d’esprit et sa silhouette juvénile. « Tout est dans la tête, je ne regarde pas la vie comme les autres. Je la prends différemment et je m’embellis à travers la musique », dit-elle dans un grand éclat de rire. Des projets, elle en a plein la tête pour 2019, dont un concert surprise à Maurice, « si tout se passe bien », dans un nouveau registre qui laissera ses fans pantois. Preuve qu’à 75 ans, elle peut encore séduire ce public qui l’a accompagnée durant toute sa carrière.

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Dynamique en ayant la positive attitude, la vibe dans les mouvements et la voix restée intacte, Marie-Josée Clency, que les fans surnomment affectueusement « Tina Turner » a encore des choses à apporter sur le plan musical. Elle s’est d’ailleurs produite samedi dernier au Azallé Lounge Club, à Grand-Baie, pour fêter ses 60 ans de carrière. Un événement que ce club a décidé de lui offrir comme bouquet musical qui a permis à Marie-Josée d’enchanter son public venu l’accueillir. Ce qui étonne chez elle, c’est son humilité et ce sourire qu’elle distille pour réchauffer les cœurs.

Pour raconter son histoire, Marie-Josée s’attardera d’abord sur sa rencontre avec Roger Clency, l’homme qui a changé le cours de sa destinée. Elle avait 13 ans et lui 15, quand les deux fréquentaient le collège Bhujoharry. Leurs mères travaillaient pour des gens aisés. « Roger et moi sommes issus de familles modestes et mes parents voulaient que je sois infirmière ou enseignante mais Roger a tout chamboulé. Après l’école, on prenait le bus ensemble et il me questionnait sur ma journée. C’était le temps de l’innocence et je me souviens que, pour lui, parler de ce que je ressentais était comme glisser une lettre par le truchement d’une poignée de main. Les filles d’autrefois se devaient d’être courtoises et Roger et moi ne pouvions nous fréquenter librement sans l’accord des parents. Avec lui, cela a été un sans-faute, un seul amour et qui, pour moi, a été à la fois pur, passionné et même aujourd’hui deux ans après sa mort, les regrets restent éternels. C’est avec l’aide de mon benjamin, Jean-Alain, que j’ai pu remonter la pente, car c’est lui qui a pris la relève de son père en m’accompagnant sur les scènes internationales », raconte-t-elle.

C’est en partageant la scène avec son mari un peu à la manière de Jean-Jacques Debout et Chantal Goya, que Marie-Josée parvient à vaincre sa timidité. « Roger Clency était un parolier artiste interprète émérite. Moi, je l’accompagnais et mon mari connaissait la femme que j’étais. Quand il écrivait pour moi, ces paroles épousaient les contours de ma féminité. Je me souviens aussi de mes débuts où le séga était mal vu et, le fait qu’une fille pouvait faire des virevoltes avec sa jupe faisait la société voir rouge. Les danseuses ont apporté une certaine révolution, aujourd’hui les minijupes sont à la mode et personne ne trouve à redire. La manière de se fréquenter autrefois est désuète, le monde change et l’évolution a apporté sa touche de modernité, ce qui n’est pas plus mal », dit-elle. Elle poursuit : « Le kreol est véhiculé et il y a même un Festival Kreol tous les ans. On a été un peu les pionniers dans cette sphère à travers le séga qui est le reflet de notre culture, notre patrimoine. »

Chansons intemporelles

Avec son franc-parler, Marie-Josée Clency se souvient avoir dit à ses parents: « Chanter ou danser le séga, ne vous fera nullement honte. Je parviendrai à imposer le respect et vous serez fiers de moi. » Elle ajoute être « heureuse » que Jean-Alain Clency soit « un de mes enfants qui reprend le flambeau ». Elle ajoute : « Il s’était produit avec Roger et moi au J&J Auditorium en 2015 et le succès a été immédiat. On a même composé ensemble une chanson Nu Leritaz. Il y a une réelle complicité scénique entre Jean-Alain et moi. »
Parmi les anecdotes, qui fourmillent dans sa tête, Marie-Josée Clency parlera de l’indépendance de Maurice, où il a fallu faire la promotion de Maurice sur la scène internationale. « Cyril Vadamootoo et sir Gaëtan Duval ont beaucoup œuvré pour le tourisme et nous, en tant qu’artistes, ressentions cette fierté de chanter et de faire découvrir aux étrangers notre pays. Un des meilleurs moments de la vie de Roger est lorsqu’il a été décoré MBE. Moi, je garde ce souvenir impérissable où j’ai représenté Maurice à la foire de Dijon en allumant le flambeau. Il y a aussi cette pensée pour Pierre Argo qui m’a fait découvrir le séga typique », nous dit-elle.

Si les chansons de Roger et Marie-Josée Clency sont intemporelles, cela est dû à la manière d’écrire pour faire une histoire et Roger savait aussi les pimenter à sa sauce d’humour, tout en jouant sur les mots. Quand on évoque son âge et sa coquetterie, Marie-Josée évoque la pureté de l’âme. « Je n’ai pas le mot haine dans mon vocabulaire. Nous avions su partager notre bonheur de couple avec nos enfants et ceux des autres. Je me souviens que Roger et moi les emmenions au cinéma. Le don en partage était notre moteur d’exister. Ayant connu la pauvreté, nous avions voulu être là pour les autres dans le besoin », relate cette septuagénaire.

Soixante ans de carrière que Marie-Josée Clency relève avec brio, tout en remerciant le Premier ministre, Pravind Jugnauth, qui a reçu son fils Jean-Alain et elle au Prime Minister’s Office le 14 décembre dernier en présence d’Alain Wong, ministre de l’Intégration sociale, et de Pradeep Roopun, ministre des Arts et de la Culture. « Le PM a eu une reconnaissance envers moi pour mes 60 ans de carrière et cet hommage qui vient de mon pays est un grand moment », dit-elle. Pour l’heure, la “swinging lady”, comparée à Tina Turner par ses fans, ne compte pas raccrocher, car elle prévoit même un grand show… à la Turner comme pour prouver qu’elle a plusieurs cordes à son arc. Son message est destiné aux chanteuses qui ont su apporter « un renouveau » à la chanson. « Maurice regorge de talents. C’est toutefois dommage que ce métier ne soit pas valorisé ni rémunéré à sa juste valeur », déplore-t-elle.

En attendant, Marie-Josée savoure sa notoriété avec beaucoup d’humilité, car son rêve est de faire de la scène le plus longtemps possible. Avec Jean-Alain, elle prépare un album qui comprendra les meilleurs morceaux de Roger et remis au goût du jour. Le titre de l’album conçu par son fils sera une ode à son père: « Zordi To nepli la papa ». Un vibrant hommage à Roger Clency qui a su, à sa manière, porter haut les couleurs du séga.

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