Cancer en 2017 : Stable selon les statistiques officielles

  • 2 461 nouveaux cas de cancer en 2017, 1 366 décès et 11 000 cas au total en cours à cette date
  • Si on note un léger infléchissement en 2017, ce sont surtout les hommes qui en profitent, avec un recul significatif des cancers du côlon et du poumon, malgré une progression inquiétante des cas de la prostate

« J’ai perdu en début d’année un oncle. Il est mort du cancer. La semaine dernière, l’histoire s’est répétée. J’ai perdu une tante cette fois. Le cancer est en train de ronger ma famille », témoigne un jeune homme de 39 ans. Un témoignage relativement courant que bon nombre de Mauriciens vivent de plus en plus souvent ces dernières années. Le cancer demeure une maladie terrible qui suscite l’angoisse, car ce mot évoque une mort probable dans les mois, voire les semaines qui suivent, chacun disposant de sa propre expérience et de son vécu personnel, même si dans la réalité cette maladie peut être de plus en plus maîtrisée si elle est détectée très tôt.

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Selon le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), un homme sur cinq et une femme sur six dans le monde développeront un cancer au cours de leur vie. Un homme sur huit et une femme sur onze mourront de cette maladie. Une « progression alarmante » selon le CIRC, qui estime que 18,1 millions de nouveaux cas de cancer ont ou seront détectés pour 2018. L’organisation estime à 9,6 millions le nombre de décès pour cette même année.

Maurice en dessous de la moyenne mondiale

À Maurice, l’occurrence du cancer est moindre que la moyenne mondiale. En effet, selon les données du National Cancer Registry, qui existe depuis 20 ans, l’évolution du cancer tend à se stabiliser ces dernières années et enregistre même une légère baisse en 2017. En effet, il y a eu 2461 cas de cancer recensés en 2017, contre 2607 en 2016. Un recul de 5,6% que les spécialistes refusent de qualifier de tendance fiable, car depuis ces derniers dix ans, l’on recense une moyenne de 2500 nouveaux cas annuellement, avec des variations de 5% vers le haut ou vers le bas. Pour rappel, en 2014, il y a eu 2387 nouveaux cas et en 2015, il y en a eu 2489.

Si l’occurrence a diminué de 146 cas en 2017, on note un recul autant chez les hommes que chez les femmes. Des 1058 cas en 2016, on est passé à 973 chez les hommes (-8,7%) et de 1549 à 1488 chez les femmes (-3,9%), faisant néanmoins basculer la proportion des hommes atteints de 40,5% à 39,5% et les femmes de grimper de 59,5% à 60,5%. Cette baisse est liée en partie à une diminution des cancers du côlon (-45 cas) et du poumon (-19 cas) chez les hommes, et à un ralentissement de la progression chez les femmes pour le cancer du côlon (-41 cas), et du col utérin et des ovaires (-43 et- 31 cas); (Voir les tableaux au bas à gauche).

Féminisation inquiétante

Cependant, dans ce faible recul généralisé, on note une progression inquiétante du cancer de la prostate (4%) chez les hommes et celle continue du sein chez les femmes (4%). Ce qui inquiète davantage les services oncologiques mauriciens, c’est la féminisation du cancer, qui représente plus de 60% des cas enregistrés en 2017. Cette différence en genre continue à s’accentuer. Des progressions des cancers du poumon, du foie et du pancréas chez les femmes démontrent qu’elles ont changé leur mode de vie, qui ressemble de plus en plus à celle des hommes, sans compter les cas qui leur sont spécifiques.

Rappelons qu’en 2016, le nombre de nouveaux cas de cancer avait grimpé de 4,7%, caractérisé par une baisse de 2,2% du nombre de nouveaux cas chez les hommes, mais une hausse de 10,1% chez les femmes. Les professionnels de santé notent également que le cancer gagne du terrain dans les zones urbaines, avec 24,4% de cas recensés dans le district des Plaine Wilhems et Port-Louis.

Le poumon (H) et le sein (F), les causes  principales de décès

Le cancer est la troisième cause de mortalité à Maurice, après les maladies cardiovasculaires et le diabète. Le taux de mortalité relative à cette maladie continue à croître. De 1263 décès en 2015, le nombre de personnes décédées du cancer est passé en 2016 à 1341 (+5,8%) et à 1366 en 2017 (+1,8%). Sur 2500 nouveaux cas chaque année, il y a environ une personne sur deux atteintes du cancer qui en meurt, mais étant donné qu’il y a quelque 11 000 permanents à chaque instant, on peut dire qu’une personne sur trois atteinte du cancer décède chaque année.

Chez les hommes, les trois cancers les plus fréquents sont ceux de la prostate, du poumon et du côlon rectum, le cancer de la prostate demeurant le plus important (203 nouveaux cas en 2017). Cependant, c’est le cancer du poumon qui provoque le plus de décès (106 en 2017).

Chez les femmes, le cancer du sein, avec 583 nouveaux cas en 2017, reste également le plus meurtrier (193 décès en 2017). Il est à noter que la moyenne d’âge des cancers se développe à partir de 60 ans ou plus. Il est vrai aussi qu’il y a une tendance à se développer de plus en plus tôt. Cependant, chez les femmes, 50% surviennent pendant les années les plus productives, soit entre 15 et 50 ans.

Sur le plan global, les décès liés au cancer ont connu une hausse de 0,3%, passant de 13,8% en 2016 à 13,5% en 2017. Une baisse équitable chez les hommes comme chez les femmes, le taux de décès chez les hommes passant à 47,8% en 2017 contre 46,9%, et chez les femmes, de 52,2% en 2017 contre 53,1% en 2016.

Une trentaine  d’enfants touchés

On relève à Maurice une trentaine de cas d’enfants, de 0 à 14 ans, atteints du cancer. Les cancers les plus courants sont la leucémie et la tumeur au cerveau. En 2017, la Santé a enregistré 9 nouveaux cas de leucémie et deux nouveaux cas de tumeur au cerveau.

30 000 visites par an  au centre d’oncologie  de Candos

En dépit de la légère baisse de 146 cas notés entre 2016 et 2017, le cancer continue à susciter des appréhensions et interrogations chez les Mauriciens. «Ces nouveaux chiffres montrent qu’il reste beaucoup à faire pour répondre à l’augmentation alarmante du fardeau qu’est le cancer. Plus que jamais, la prévention a un rôle clé à jouer », explique le Dr Devi Tanooja Ramtohul-Hemoo, consultante et oncologue à Candos. Elle avance que le centre d’oncologie de Candos reçoit quelque 30 000 visites par an. En 2017, le nombre était de 29 918 et en 2018 de 30 858.

Le dépistage précoce,  une absolue nécessité

Aujourd’hui, le cancer n’est plus tabou et n’est plus une fatalité non plus, dit le Dr Devi Tanooja Ramtohul-Hemoo. Cependant, le dépistage tarde, alors que le cancer est une maladie curable si le dépistage est fait très tôt. La prévention est d’ailleurs le meilleur moyen pour éviter les facteurs de risque du cancer, rappelle-t-elle. Il est possible de prévenir les cancers par des actions de prévention primaire par (1) la réduction ou l’élimination des facteurs de risque, et (2) l’amplification des facteurs de protection ; et également par la prévention secondaire, notamment par le dépistage et le diagnostic précoce. Le Dr Ramtohul-Hemoo conseille par ailleurs de bannir les mauvaises habitudes alimentaires, d’éviter le tabac et l’alcool, de manger cinq fruits et légumes par jour, et de pratiquer des activités physiques régulièrement.

Quid des pesticides ?

L’oncologue fait ressortir que si à Maurice aucune étude concrète n’a été conduite pour mettre les pesticides au banc des accusés des facteurs provoquant le cancer, le Centre de recherche international pour le cancer a mis en évidence l’impact des pesticides dans la survenue des cancers. Elle appelle ainsi à la vigilance.

Décentralisation  des services de chimiothérapie

Par ailleurs, si les services de chimiothérapie ont été décentralisés aux hôpitaux SSR, Jeetoo et Nehru, l’unique centre de cancer se trouve actuellement à l’hôpital Victoria à Candos, opérationnel depuis le 12 novembre 1969 et qui compte à ce jour neuf spécialistes basés au département de radiothérapie et d’oncologie, du lundi au samedi. Cinq autres Medical and Health Officers with speciality in oncology offrent également leur assistance au traitement du cancer au centre de Candos, qui fournit en outre les traitements de chimiothérapie, radiothérapie, immunothérapie, thérapie hormonale, ainsi que des services de chirurgie et thérapies ciblées. Au quotidien, en sus des patients admis en salle, 120 personnes atteintes de cancer sont accueillies pour la radiothérapie, soit une quarantaine par machine. À noter que 120 autres patients effectuent également quotidiennement le suivi de leur traitement à Candos.

Soins palliatifs pour les cas difficiles

Parallèlement, des soins palliatifs sont proposés aux patients atteints d’un cancer de stade 4 et qui ne répondent plus aux autres traitements. Il s’agit d’un nouveau service proposé aux patients du département de radiothérapie et d’oncologie de l’hôpital Victoria depuis deux ans. Ce service est également disponible dans les hôpitaux régionaux, sauf à l’hôpital de Flacq. L’objectif des soins palliatifs est de prévenir et de soulager les douleurs physiques, les symptômes inconfortables (nausées, constipation, anxiété ) ou encore la souffrance psychologique. Ces soins sont proposés au patient et à la famille par une équipe pluridisciplinaire de médecins, infirmiers, psychologues, nutritionnistes, aides-soignants et assistants sociaux.

Dans l’attente du  nouveau MedPoint

Si les autorités affirment que les soins sont disponibles à Maurice pour traiter au mieux le cancer, les patients, eux, déplorent que ni l’infrastructure ni l’effectif de l’unité d’oncologie de Candos ne sont suffisants pour faire face à la hausse des cas de cancer. Plusieurs médecins abondent dans le même sens, déplorant un calvaire quotidien pour ceux qui viennent pour leurs soins à Candos. « Le centre est débordé et les infrastructures dépassées. Qui plus est, la salle d’attente est trop petite », disent-ils, faisant ressortir l’importance de revoir au plus vite la politique de soins du cancer à Maurice. Ils espèrent que le Comprehensive Cancer Centre qui sera bientôt mis à la disposition du public après la construction de l’hôpital MedPoint viendra pallier les manquements dans le domaine. Entamés en novembre 2018, les travaux de construction de l’hôpital MedPoint devraient être terminés dans 15 mois. L’hôpital, qui sera doté des dernières technologies, dont de nouvelles machines de curiethérapie au High Dose Rate et d’un service d’imagerie médicale, entre autres, devrait être opérationnel en février 2020.

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