CT POWER: De l’électricité dans l’air…

Le tribunal de l’Environnement a tranché : la décision du ministère de l’Environnement de ne pas accorder un permis EIA au projet CT Power est injustifiée. Une décision qui accable ledit ministère et qui vient soulever des doutes sur les capacités de l’EIA Committee.
De son côté, le Premier ministre semble en faveur du projet, même s’il va à l’encontre du concept Maurice Île Durable (MID).
Ce projet de centrale à charbon à Pointe aux Caves avait soulevé un tollé lorsqu’il avait été annoncé en 2007. Les habitants d’Albion et des alentours avaient exposé leur mécontentement et leurs craintes au niveau de leur santé si ce projet devait aller de l’avant. Cependant, suite à la décision du ministère de l’Environnement de ne pas octroyer un permis Environment Impact Assessment (EIA), ils furent plutôt rassurés.
Mais cette décision a été renversée en appel devant le tribunal de l’Environnement. Si le ministère ne fait pas appel de la décision de ce jugement, le consortium malaisien pourra aller de l’avant avec la création de la centrale à charbon.
“Je suis choquée, je croyais que c’était de l’histoire ancienne, juste un mauvais rêve. Je ne comprends plus du tout où on va dans ce pays”, s’indigne une habitante d’Albion.
Incompétence ?
Le jugement rendu par le tribunal de l’Environnement met en cause le manque de justifications des experts du ministère concernant leurs objections. On peut y lire, entre autres, qu’il y a “lack of any proper evidence”. Ce qui laisse planer le doute sur les compétences de ceux qui siègent sur l’EIA Committee. “Les techniciens ont probablement mal fait leur travail. Ce jugement remet en doute la crédibilité du comité de l’EIA”, soutient Georges Ahyan, du Forum Citoyens Libres. D’autant que ce n’est pas la première fois que la décision de refuser d’octroyer un permis EIA est renversée en appel.
Il faut savoir que l’utilisation du charbon est nocive et représente un réel danger pour les habitants de la région. “Il faut voir la chose dans sa globalité. Il ne faut pas délaisser les habitants. Ce projet-là n’est pas en phase avec le concept MID. On a l’impression que c’est du vent, que ce n’est pas une politique cohérente. On va reculer de 100 ans si le gouvernement ne fait pas appel. Quand on brûle du charbon, cela libère des émanations très toxiques”, souligne Vassen Kauppaymuthoo, ingénieur en environnement.
Marche à suivre.
Visiblement embarrassé par cette décision, le ministère de l’Environnement va probablement devoir attendre les directives du Premier ministre pour décider de la marche à suivre. Une source du ministère indique que “ce n’est pas une affaire qui concerne uniquement le ministère. Il concerne le gouvernement en entier.”
Il faut savoir que le ministère de l’Environnement peut toujours faire appel du jugement. “Dans l’absolu, le gouvernement aura le dernier mot. Le ministère peut faire appel, mais on matters of law, et pas on matters of fact. On ne peut plus parler de pollution mais uniquement de droit. Le gouvernement peut dire que ce n’est pas en phase avec le MID”, soutient Vassen Kauppaymuthoo.
La vraie question demeure cependant de savoir s’il existe une vraie volonté politique à barrer la route aux projets potentiellement dangereux pour les citoyens du pays.
Respect des normes.
Si l’on se base sur certaines déclarations du Premier ministre, il semblerait que Navin Ramgoolam soit en faveur de l’installation de cette centrale à charbon à Pointe aux Caves. Lors des célébrations de la fête Varusha Pirappu dans l’enceinte de l’auditorium de l’Indira Gandhi Centre for Indian Culture (IGCIC), le PM avait déclaré ce qui suit: “Nous voulons avoir plus d’entrepreneurs qui contribuent à l’économie. Mais comme Premier ministre, je dois toujours oeuvrer pour l’intérêt national. J’ai été un peu surpris lorsque le rapport est arrivé au niveau du conseil des ministres et qu’un avis défavorable avait été émis.” En ajoutant : “Pena okenn rezon kifer nou pa kapav reget li.”
Le Premier ministre a cependant précisé qu’il faut s’assurer que les normes environnementales sont respectées. “C’est pourquoi nous reverrons et examinerons ce rapport, car les renseignements qui me parviennent indiquent qu’il se pourrait que ce rapport ait été manipulé. Je ne sais pas si c’est vrai ou faux, mais nous reconsidérerons ce dossier.”
Lobbying.
Ce qui est regrettable, c’est le lobbying mené par quelques instances socioculturelles en faveur du projet de la centrale de CT Power. AU IGCIC toujours, Menon Murday, président de la Mauritius Tamil Temples Federation, avait évoqué “un grand malaise et une grande frustration” au sein de la communauté tamoule, suite à l’abandon du projet CT Power, piloté par des experts tamouls. Le Hindu Common Front, mené par Somduth Dulthumun, président de la Mauritius Sanatan Dharma Temples Federation, ainsi que la Voice of Hindu ont soutenu le projet.
Ce qui est certain, c’est que le pays aura besoin d’une production d’électricité supplémentaire supérieure à 100 MW dans les années à venir pour pouvoir répondre à la demande. L’alternative d’une centrale à charbon semble privilégiée par les autorités, mais elle entre en totale contradiction avec le concept Maurice Île Durable.
Mais il faut aussi savoir que le gouvernement a lancé un appel d’offres pour un autre projet de centrale à charbon. Si le projet CT Power allait effectivement de l’avant, le gouvernement serait bien embêté, car il devra soit permettre à deux centrales électriques de 100 MW d’être construites, soit trancher en faveur de l’une d’elles. Et si elle tranche pour CT Power, il se mettrait à dos l’Union Européenne, qui est en faveur d’exercices d’appels d’offres et se montre réticent aux projets non sollicités, comme celui de CT Power.

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