Documentaire « La passion de Servir » : faire de l’unité du peuple mauricien une véritable passion

Le film-documentaire La passion de servir, présenté vendredi dernier et qui se veut un éclairage sur la contribution de l’Église catholique au développement du pays sous l’impulsion du cardinal Margéot, a mis en lumière la préoccupation première de ce dernier et qui demeure d’actualité : la paix sociale dans le pays et l’unité du peuple mauricien dans sa diversité culturelle et religieuse. Le premier évêque mauricien en a fait son credo dans sa passion de servir son pays. On évoque aussi dans ce film certaines pages de l’histoire du pays méconnues de la jeune génération, comme celles relatives à la bagarre raciale de 1968.

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Depuis la mort du cardinal Margéot le diocèse de Port- Louis réfléchissait sur « une façon moderne » de garder la mémoire du cardinal Piat et de raconter l’histoire de notre pays et celle de la contribution de l’Église à bâtir la nation mauricienne. Cyril Chee Kim Ling, formateur de cours en leadership de Franklin Covey et proche des milieux de l’Église, entreprit à son initiative personnelle des démarches pour la réalisation d’un fi lm et, après plusieurs années de discussions à Maurice et à l’étranger, confia la réalisation technique de ce projet à David Constantin, cinéaste mauricien connu (son Lonbraz Kann a fait beaucoup parler de lui).

Le documentaire, qui a pour titre La passion de servir et est d’une durée de 52 minutes, a été présenté dans une des salles des cinémas Star de Bagatelle vendredi dernier. Détrompez-vous, il ne s’agit nullement d’un fi lm à la gloire de l’Église catholique, pas plus qu’il ne raconte la vie de Jean Margéot. « Le film nous éclaire sur quelques initiatives clés qu’il a prises pour aider à construire une nation mauricienne qui, à sa naissance, était dangereusement divisée », explique Cyril Chee Kim Ling, coréalisateur et producteur du fi lm. « Quelques-uns des grands chantiers initiés par Mgr Margéot ont été repris par Mgr Piat pour continuer à construire une société plus juste et plus humaine », ajoute-t-il. Ce dernier s’est notamment appuyé sur le livre de Philippe Goupille, Le conflit désarmé : les relationsÉglise-État de 1963 à 1993 à l’Île Maurice, pour avancer dans son projet.

Le coréalisateur souligne aussi le devoir de mémoire. « L’être humain a besoin de connaître son histoire, ses valeurs. Or, je constate une génération “take for granted” de ce qui a été accompli dans le pays. Il y a un devoir de transmission afi n que la jeune génération ne passe pas à côté de ce qui s’est passé », ajoute le concepteur. Le cardinal Piat, présent lors de la projection, abonde dans le même sens. « Beaucoup d’entre nous vont retrouver de bons souvenirs et on va vibrer à certaines réalisations. L’histoire récente de notre pays n’est pas bien connue des jeunes générations et les plus jeunes vont tout découvrir. Comme quelqu’un l’a si bien dit : “un peuple sans mémoire est un peuple sans âme”. Il est important de faire mémoire des événements passés, mais aussi de garder en mémoire des personnes qui ont contribué à faire de notre vie aujourd’hui ce qu’elle est », dit le cardinal Piat.

Ce documentaire, qui est une belle réalisation sur le plan technique, mérite d’être vu par un grand nombre de Mauriciens tant il aborde des sujets qui sont des enjeux nationaux et qui n’ont jamais cessé d’interpeller les Mauriciens depuis 50 ans et qui, de temps en temps, agitent cette société mauricienne multiculturelle et multireligieuse. Il n’y a pas que du négatif. Le film fait aussi un survol des belles avancées du pays sur le plan du développement économique et d’autres domaines. Un des moments critiques de l’histoire contemporaine du pays, évoqué avec beaucoup de franchise et sur un ton mesuré et posé par les intervenants dans le film, a trait aux bagarres raciales de janvier 1968, soit presque à la veille de l’accession du pays au statut de l’indépendance.

Par rapport à cet épisode sombre de notre histoire commune, l’image très forte et bouleversante qui a retenu l’attention des spectateurs dans la salle est celle montrant la présence de soldats britanniques à l’entrée de l’église Saint-François Xavier, à Plaine-Verte, veillant à la sécurité des fidèles catholiques se rendant aux messes.

Par ailleurs, une dizaine d’intervenants – prêtres, historien, travailleurs sociaux, professionnels de l’éducation, économiste, ancien président de la République, théologien – livre ses opinions et analyses sur ces questions qui ont alimenté des débats pendant ces 20 dernières années – le vivre-ensemble mauricien dans le respect des cultures et des religions, la tolérance, l’harmonie et la paix sociale, l’éducation, la langue créole, le combat contre la drogue et contre la pauvreté, la mixité des différents groupes ethniques l’esclavage et ses séquelles dans la communauté créole. Ce qui frappe aussi dans ce documentaire, c’est le franc parler des hommes d’Église sur des questions délicates qui ont secoué cette institution, telles le malaise créole, l’exclusion d’une bonne frange de la population dans les écoles secondaires catholiques et dans d’autres instances de l’Église pendant plusieurs décennies, la place de la langue créole dans les célébrations… Avec subtilité, on souligne aussi les belles initiatives dans l’éducation, dans la lutte contre la pauvreté par le biais de Caritas, et dans d’autres domaines de la vie socio-économique du pays. À la fin du film, Cyril Chee Kim Ling a donné la parole aux spectateurs.

C’est ainsi qu’on a entendu quelques témoignages personnels au sujet du vécu interculturel et interreligieux sur le plan familial et au sein de différents groupes sociaux. L’évocation de la bagarre raciale a aussi touché plus d’un. « Cette partie de l’histoire dans le fi lm m’a interpellé. On n’en trouve nullement trace dans les livres d’histoire et c’est très dommage car les jeunes ne sont pas au courant de ce qui s’est réellement passé », a dit une jeune spectatrice d’une vingtaine d’années.

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