DOUBLE NOYADE À BELLE-ROSE ET FLIC EN FLAC : “Si seulement ils n’avaient pas menti”, la mère des frères Dooblad 

Dimanche noir pour plusieurs familles. Cinq personnes ont tragiquement trouvé la mort en seulement quelques heures. Parmi, les frères Dooblad âgés de 20 et 21 ans, Madun Ramrachia, 52 ans, et son neveu Nihal Chooramun, 14 ans, et également Soomesh Dindoyal, 27 ans.
C’est une mère dévastée par la mort de ses deux seuls enfants que Week-End a rencontrée jeudi après-midi à Quatre-Bornes. Chanta Dooblad, 48 ans, pleure Veemal, 20 ans, un élément de la Special Mobile Force (SMF), et Vishal, 21 ans, un étudiant de 2e année à l’université de Maurice, qui ont péri noyés. Les cheveux ébouriffés, les yeux cernés, Chanta indique que “mo léker mama finn averti mwa”.
Veemal et Vishal Dooblad, en compagnie de leurs cousins de la même tranche d’âge, voulaient, dimanche dernier, aller faire un tour à Bassin Loulou en raison de la forte chaleur. “Mo léker mama finn averti mwa. Mo pann rod laisse zot aller. Monn dir zot non”, raconte-t-elle.
Les deux fils et leurs cousins ne tentent pas de la persuader. À 17h, en l’absence de leur père Trilock, 56 ans, ils changeront de stratégie et diront qu’ils allaient faire une virée à la colline Candos. Cette fois, leur mère ne les en empêchera pas.
Mais au lieu de prendre la direction du parcours de santé où ils sont des habitués, Veemal et Vishal ainsi que leurs cousins Arvind Dooblad, 23 ans, et Akshay Oomrawoo, 21 ans, prendront la direction opposée. Celle de Bassin Loulou, connu pour sa dangerosité, où plusieurs personnes ont péri noyées. À 10 minutes à peine de chez eux à pied, les jeunes hommes se jettent à l’eau une fois arrivés.
Selon Saraswatee Oomrawoo, mère d’Akshay, son fils est le seul à ne pas s’être jeté dans le bassin. Il s’était blessé au pouce plus tôt dans la journée en jouant au football. Or, quelques minutes à peine se sont écoulées lorsque Vishal se retrouve en difficulté. N’écoutant que son courage, son frère Veemal, entraîné par la SMF, tente de lui porter secours. Mais il se retrouve lui aussi en difficulté, Vishal s’étant agrippé à lui.
Leur cousin Arvind a entre-temps appelé Akshay en renfort pour former une chaîne humaine et tenter d’extirper les deux frères affaiblis. Voyant qu’ils n’avaient pas suffisamment de forces, ils ont lâché prise et sont sortis de l’eau pour chercher du secours. “Nous avons immédiatement appelé le 999 et le 114”, a raconté Arvind Dooblad à notre confrère Le Mauricien.
Le père des défunts, Trilock, a été alerté par le voisinage. “Enn kamarad inn sonn mwa ek inn deman mwa kot mo deux garson été. Monn repon colline Candos. Sé séki mo madam ti dir mwa kan monn revini. Mo ti ale dan mo jardin. Mé ler mo trouv kamarad la vini ek enn cousin, mo fini konpran enn zafer grav finn arrivé. Monn trouve sa louche. Zot pann rode dir direk mé monn tinn fini konpran. Monn gagne bel sok, monn koumans sonn tou fami pou dir kinn arrivé”, raconte-t-il.
Malgré sa douleur et le choc, Trilock se rendra à Bassin Loulou avec son ami et son cousin. Poursuivant : “Ler mo get sa dilo-la, lapolis pas ti ankor arrivé. Monn rod zété pou al tir zot mo mem. Lerla bannla inn blok mwa.”
Assise à ses côtés, son épouse Chanta, silencieuse et perdue dans ses pensées, sursaute de temps à autre. Elle ne cesse de se demander ce qui aurait pu être évité “si selman mo deux garson pas ti koz menti…” Notons que le ministère de la Santé a dépêché un psychologue à domicile pour soutenir la famille.
Les deux frères étaient inséparables. Ils sont décrits par leurs proches comme étant des garçons doux et obéissants. Alors que Veemal devait partir en Inde pour des entraînements plus poussés au sein de la SMF, Vishal entamait sa deuxième année de cours en Public Policy & Governance à l’UoM. Il avait déjà acheté des vêtements pour la rentrée universitaire. Ses amis que Week-End a rencontrés chez ses parents le décrivent comme un être attachant, toujours prêt à rendre service.
Oncle et neveu périssent
à Flic en Flac
Plus tôt dans cette journée de dimanche, Madun Ramrachia, 52 ans, et son neveu Nihal Chooramun, 14 ans, ont tous deux périt noyés à Flic en Flac. Madun Ramrachia était chauffeur à la National Transport Corporation. Il laisse un fils qui entame cette année son School Certificate. Nihal Chooramun a quant à lui été arraché à la vie à la fleur de l’âge. Un second neveu, admis aux soins intensifs à l’hôpital de Candos depuis dimanche dernier, a regagné son domicile jeudi.
Ce tragique dimanche 4 janvier devait être une occasion pour toute la famille de se rencontrer autour d’un déjeuner. Roshan Ramrachia, frère du défunt, raconte que la famille s’était donné rendez-vous à 10h au domicile de Madun Ramrachia à Carreau Lalianne, Vacoas. “Tous ses neveux et nièces l’adoraient. Il était un oncle très amical. Et durant leurs vacances scolaires, plusieurs d’entre eux venaient souvent rester à la maison”, raconte le frère.
Ce dimanche-là, Nihal et son cousin ont eu envie d’aller faire un tour à la plage pour voir la marée basse. Madun Ramrachia et ses neveux ont quitté la maison vers 7h30 en disant qu’ils rentreraient dans les deux heures qui suivraient. Or, la famille n’a plus eu aucune nouvelle des trois promeneurs. “Nous avons maintes fois essayé de les appeler, mais leurs portables étaient hors service. Nous avons commencé à nous inquiéter”.
C’est vers 10h que la police de Flic en Flac a appelé au domicile de Madun Ramrachia. “Ils nous ont demandé d’apporter une pièce d’identité et de nous rendre à l’hôpital Victoria à Candos et nous ont dit que mon frère et mes neveux arriveraient par le SAMU. Nous nous sommes encore plus inquiétés mais nous pensions qu’ils avaient eu un accident ou qu’ils étaient malades. Jamais aurions-nous pensé qu’ils étaient morts”, raconte Roshan Ramrachia, encore perturbé par la nouvelle.
Ce dernier précise qu’aucun des trois n’avait prévu de nager ce jour-là et qu’ils étaient partis avec seulement leur appareil photo et leurs portables. “De toute façon, s’ils avaient prévu de nager, nous serions tous partis. Nous n’avons pas l’habitude de sortir souvent, mais à chaque fois que nous le faisons, c’est avec la famille entière”, dit-il.
Et de poursuivre : “Ce fut un grand choc pour toute la famille. Personne ne s’attendait à une telle tragédie.” Roshan Ramrachia se souvient de son frère comme de quelqu’un qui aimait le jardinage. “C’était une personne en bonne santé. Son manager était venu nous présenter ses sympathies et l’a présenté comme un employé exemplaire”.
Depuis cette triste nouvelle, Roshan Ramrachia est tourmenté. “Je n’accuse personne, mais nous ne voyons plus de patrouilles de police de plage, à bicyclette, comme nous en voyions auparavant. Il y a eu plusieurs noyades et la question à se poser est où étaient ces patrouilleurs ?” La famille de Nihal Chooramun, habitant Pailles, n’a pas souhaité faire de commentaires.
Moins d’une heure plus tard, un corps sans vie a par ailleurs été repêché par la National Coast Guard (NCG) dans les eaux de La Cambuse, près de Bouchon. Soomesh Dindoyal, un habitant de Mare-Tabac, âgé de 27 ans, employé sur un bateau de croisière, était rentré à Maurice pour les fêtes. Il s’était rendu à la plage avec plusieurs de ses amis. Selon la police, le jeune homme se serait montré négligent en bricolant une planche à voile instable alors que la mer était houleuse ce jour-là. Ses funérailles ont eu lieu lundi dernier. 

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