ÉCHANGES MADAGASCAR-MAURICE : Quelques secrets de maturation pour un dialogue chorégraphique

Ginaud Clarisse accompagnera finalement Jean-Renat Anamah à Madagascar du 7 au 13 août pour participer au « labdhiry », ce laboratoire international de recherche chorégraphique que la célèbre compagnie de danse contemporaine Ariry a créé pour émuler la création grâce à la rencontre de danseurs de différents horizons. Le danseur de la compagnie Stephen Bongarçon a participé parmi 12 confrères et consoeurs à un atelier de danse régional animé par Ariry Andriamoratsiresy, en visite au pays dans le cadre d’un échange avec DanseCité et son directeur, Jean-Renat Anamah.
Ils s’appellent Miguel Lisette, Manuella Victor, Anthony Joseph, Jason Louis, Ginaud Clarisse, Christian Rouget, Stéphanie Lo-Hun, Stephen Bongarcon, ou encore, venant de Rodrigues, Dianolla Prudence et Fabrice Tolbize, et ils ont participé du 29 mai au 4 juin à un atelier chorégraphique animé par le chorégraphe malgache Ariry Andriamoratsiresy, fondateur notamment de la compagnie Rary, qui fait les beaux jours de la création chorégraphique dans la grande île, où le chant et la danse sont partout des expressions extrêmement vivaces. Ce dernier est aussi venu accompagné de sa compatriote chorégraphe et danseuse, bien connue sous le nom de Tanté. Le percussionniste Yoan Leste a, tout au long du stage, anticipé ou accompagné les mouvements improvisés, en se basant le plus souvent sur des  rythmes africains. Le slameur Jamel Colin a aussi été de la partie avec un de ses complices pour une session de restitution, qui tournait autour d’un mystérieux cercle rouge.
Le chorégraphe mauricien nous explique que la sélection s’est fondée non seulement sur les capacités techniques fournies par les participants, mais aussi en large partie sur les improvisations lancées par les animateurs sur des thèmes variés, la plupart ayant eu trait à l’espace et à la relation à l’autre. Avec les slameurs, le travail a porté sur « Tradition et modernité », les danseurs devant réagir par leurs mouvements aux textes clamés dans la salle de danse ou en extérieur. Ainsi ont-ils improvisé sur une évocation des rues de Port-Louis sur des chants traditionnels rodriguais ou des ségas d’antan proposés par Manuela Victor. Un grand cercle rouge était disposé pour une mise en espace symbolique, recréant l’idée d’un intérieur et d’un extérieur pour animer les évolutions des danseurs.
Danseur chez Stephen Bongarçon et enseignant, Ginaud Clarisse a séduit les chorégraphes certes par sa maîtrise de la danse, mais aussi par son esprit d’initiative et sa façon très investie de faire corps avec l’espace ou avec les autres danseurs. Jean-Renat Anamah nous raconte qu’il a développé une gestuelle originale inspirée par l’africanité et qu’il a impressionné tout le monde en intégrant avec tact le solo de son collègue Jason Louis.
Dans le mouvement de la création
Le danseur mauricien devrait aussi en août participer au projet Hide & Seek, qui a été initié en 2014, à Tana, sur une idée de Jean-Renat Anamah, avec la contribution de différents artistes malgaches, les chorégraphes Sai-an Raminasoa, Géraldine Leong Sang, Harivola Rakatondrasoa et Judith Olivia Manantenasoa, ainsi que de la chanteuse Nh-Nadi… Ce titre suggère une façon humoristique, si ce n’est ironique, la condition de l’artiste et son interminable parcours d’obstacles dans le monde de la création face aux institutions et autres mécènes pleins de bonnes intentions. Une ébauche de ces premiers pas avait été présentée dans la foulée au festival qu’organise chaque année la compagnie d’Antananarivo.
Le danseur malgache a insisté sur la nécessité d’oeuvrer dans la durée sur ce type d’échange interîles pour aboutir à un travail réellement fructueux et permettre à chacun de faire évoluer son style, à chacune des rencontres, ici ou à Tana. Voilà pourquoi il considère cette première prise de contact ici avec les danseurs mauriciens comme le tout début d’une aventure. Pratiquant la danse à Maurice, à titre professionnel depuis 6 à 20 ans, les participants ont une expérience solide et sont ouverts à la création contemporaine. Après un tour de table sur leurs motivations, tous sont passés sans transition au premier exercice, qui a consisté à « chercher les extrémités ».
Là, le chorégraphe malgache appuie sur une hanche, ici, il prolonge le mouvement d’un bras ou tout simplement là-bas, sort du t-shirt la fine petite natte d’Anthony Joseph par soucis de confort et d’esthétique. D’étirements en élongations, chaque danseur ou danseuse a cherché à atteindre par toutes les extrémités de son corps des murs invisibles, des lignes de fuite, qui les ont amenés à développer leur propre approche de l’espace tout en s’échauffant.
Plutôt que de les diriger, Ariry Andriamoratsiresy les accompagne espérant voir jaillir une expression propre, intervenant pour simplement ajuster le rendu d’une figure, élimer un mouvement, rectifier un détail que seul un regard attentionné peut percevoir. Au bout du compte, si un seul danseur a été choisi pour être du voyage à Tana, tous ont cherché dans cette semaine intense en interactions de nouvelles nourritures pour leur art.

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