INTERVIEW: Il faut qu’on dépasse l’arc-en-ciel pour être le Mauricien multiculturel, a déclaré Belall Maudarbux

Belall Maudarbux est chargé de cours en “Paix et Résolution des Conflits” à l’université de Maurice, un programme qui fait partie du cours “Peace and Interfaith Studies” mis en place il y a deux ans par le Conseil des Religions. Consultant au sein de cette instance, il détient par ailleurs un diplôme en langue arabe, une licence en théologie islamique, une maîtrise en économie et finance islamique. Il a aussi entamé des recherches doctorales sur l’intégration des minorités musulmanes en Europe. Dans cette interview, il met en avant la nécessité de « dépasser l’arc-en-ciel pour être le Mauricien multiculturel. » Non pas du syncrétisme. Mais savoir ce qui fait l’essence de l’identité de l’autre et qui, en même temps, contribue à son identité mauricienne. À Maurice, observe-t-il, « on se côtoie à fleur de peau, dans le sens superficiel du terme. » Notre interlocuteur est d’avis que le cours susmentionné « est capital pour Maurice et pour toute entreprise de nation building. »
M. Maudarbux, vous êtes chargé de cours en Religions et Résolution des Conflits à l’université de Maurice. De quoi traite le cours ?
C’est un programme qui s’intitule “Paix et Résolution des Conflits” et qui fait partie du cours Peace and Interfaith Studies mis sur pied il y a deux ans par le Conseil des Religions. Ce cours a été mis en place conjointement avec l’université de Maurice. Et, environ 50 à 60 % du cours sont basés sur le thème Résolution des conflits. Mais, ailleurs dans d’autres universités, on a un programme spécifique sur les religions et la résolution des conflits. Ce cours est très novateur. On a commencé à développer ce programme un peu partout ailleurs dans les universités américaines, britanniques à partir des années 2000… Des académiciens, des experts en la matière se sont regroupés autour de conférences internationales. À Maurice, cela fait un an qu’existe ce programme, étalé sur un semestre.
Comment cela s’est-il passé avec votre premier batch d’étudiants l’année dernière ?
Cela s’est très bien passé. Beaucoup de questions ont été suscitées. Beaucoup de nos étudiants ne pensaient pas qu’on pouvait parler de questions ayant trait aux relations internationales et en même temps parler de religions. Le cours en soi-même se trouve à l’intersection de plusieurs disciplines notamment relations internationales, sciences politiques, religions et tout ce qui touche un peu à la sociologie et à l’histoire.
Pouvez-vous élaborer un peu plus ?
Au départ, on a commencé à parler du rôle de la religion et de la politique. On avait cette tendance à croire, à une certaine époque, que la religion devait rester dans le domaine du privé et la politique était plus publique. Or, ce n’est plus le cas. En fait, ce cours, même ailleurs, a commencé quand on fait deux constats. D’abord, quand on a vu que le schéma des conflits a changé depuis le milieu du XXe siècle jusqu’à la fin du XXe siècle. Au début du XXe siècle, la majorité des conflits étaient internationaux. Fin XXe siècle, début XXIe siècle, les conflits étaient en grande partie intranationaux. On ne voit plus des pays qui vont vraiment faire la guerre avec d’autres mais les conflits ont lieu à l’intérieur d’un même pays. Deuxième constat : avec ce changement de schéma au niveau mondial, on a commencé à voir les limites des modèles traditionnels de résolution de conflit. Quand je parle de modèles traditionnels, je parle de la diplomatie, des droits de l’homme. On a vu que ces modèles étaient très limités pour faire face à ce nouveau type de conflits (à l’intérieur d’un même pays). À partir de là, des chercheurs, un peu partout à travers le monde, ont commencé à voir le rôle qu’ont à jouer les chefs religieux dans ce genre de conflits. On a vu cela, surtout dans les années 1990 en Serbie. On a vu le rôle de Desmond Tutu en Afrique du Sud, plus près de chez nous. Les académiciens ont donc commencé à se focaliser sur ce nouveau phénomène. Celui des religions dans l’apaisement des conflits. Ce qu’on essaie de faire dans ce cours, c’est d’énoncer un peu les principes des religions et les résolutions de conflits. On met l’accent sur cinq principes fondamentaux. 1) Le sacré est ambivalent. On a toujours su que le sacré est une source de conflits, ce qui est très connu et personne ne le nie. Mais, en se focalisant sur ce point-là, on a longtemps ignoré le potentiel du sacré dans la résolution des conflits. C’est cette ambivalence qu’on étudie. 2) Comment se servir du sacré pour bâtir et non pour détruire. Cela suppose mettre en évidence tous les textes sacrés qui font la promotion de la paix, de la coexistence, de la tolérance au lieu de mettre l’accent sur ce qui divise. Et là, on aborde le rôle des médias, non pas dans l’apaisement des conflits, mais en mettant trop souvent en exergue les points de divergence. 3) On a remarqué, à travers les recherches dans ces domaines, que les religions se servent beaucoup plus de l’intelligence émotionnelle dans la résolution des conflits que de l’intelligence rationnelle. On a remarqué que les religions ont un niveau d’intervention bien plus profond où elles misent beaucoup sur la communication, l’empathie, tout ce qui a trait au symbolisme contrairement aux méthodes traditionnelles : droits de l’homme, diplomatie, accords bilatéraux etc. 4) On met beaucoup l’accent sur un concept sociologique énoncé par Johan Galtung (NdlR : politologue norvégien connu comme le fondateur de l’irénologie, science de la paix) sur la paix positive. Il fait la différence entre la paix positive et la paix négative. Paix négative veut simplement dire absence de guerre mais absence de guerre ne veut pas dire absence de tension, de conflit. C’est là qu’on met beaucoup d’accent sur la paix positive. C’est quoi la paix positive ? Cette paix ne peut se dissocier de la justice sociale, de l’égalité des chances et de l’equality of outcome. On peut avoir des chances égales mais cela ne produit pas nécessairement des résultats équitables pour toutes les couches, les minorités etc. Il y a différents mécanismes sociaux qui entrent en jeu.
Pouvez-vous nous citer un exemple ?
À Maurice, depuis la création de la Public Service Commission, on a toujours fait de la méritocratie un critère de recrutement. Or, dans les faits, on voit qu’un certain groupe, par rapport au pourcentage de la population, est surreprésenté au détriment de tous les autres groupes. Comment expliquer cela ? Cela n’existe pas qu’à Maurice. En France, on a toujours mis de l’avant un modèle républicain, égalitaire, etc. Or, on arrive difficilement à expliquer comment il y a un racisme ambiant. La France a été rappelée à l’ordre par l’Union européenne par rapport au racisme et au fait que certains groupes ne sont pas représentés à différents niveaux. Donc, les concepts traditionnels, on a commencé à voir leurs limites. C’est là que la notion de Johan Galtung par rapport à la paix positive intervient. Il parle beaucoup d’ajustement structurel au niveau social, c’est-à-dire, paix et justice sociale, paix et traitement équitable pour les différents groupes. Et, cinquième principe : une relecture des textes sacrés en vue d’examiner les sources de violence et les préjugés envers l’autre. Les religieux et les religions ont conscience du fait que les religions ont contribué, pendant l’Histoire, à beaucoup de conflits. Et donc, lorsqu’on essaie de réexaminer ces textes à la lumière de ces principes, on se penche sur les textes qui ont contribué à des conflits et on essaie de voir comment faire une relecture et promouvoir la paix et la coexistence au lieu de l’ostracisme, de l’exclusion… C’est ce qu’on appelle de nos jours le pluralisme religieux. On aborde ce pluralisme religieux de tous les points de vue : bouddhiste, christianisme, islam, hindou, bahá’í. Un des mécanismes du pluralisme religieux a été le dialogue interreligieux. Voilà un peu le contenu du cours.
Quelle est l’importance d’un tel cours pour un pays pluri-ethnique et pluri-religieux comme Maurice ?
Je pense que si les politiciens, à Maurice, recherchent vraiment le “nation-building”, on ne peut pas le faire sans ce programme.
Vous pensez que de telles études devraient être intégrées à l’école ?
Oui, surtout au niveau secondaire et tertiaire. On a remarqué qu’à Maurice, l’éducation multiculturelle ou interculturelle n’existe pas dans le cursus. Ce qui existe, en fait, ce sont des classes de religion, séparément, à des groupes différents. C’est plutôt une éducation paraculturelle mais pas multiculturelle. On n’en est pas à ce stade encore. Avec les étudiants de ce programme, on a étudié les rapports des examinateurs de Cambridge concernant les papiers de SC, HSC, ayant trait aux religions. On a vu, en fait, que les examinateurs tirent la sonnette d’alarme à chaque fois sur un fait : il y a plein de préjugés, plein de stéréotypes qui se perpétuent d’année en année dans les corrections qu’ils ont faites dans l’islam, l’hindouisme. Pour le christianisme, je ne sais pas trop. Mais, on a relevé ces points surtout pour ces deux religions. Le problème, c’est qu’à Maurice, on a eu pour la première fois ce qu’on appelle un National Curriculum Framework pour un cursus standardisé. Et, ce qui est étonnant, rien n’est dit sur la question des matières religieuses, sur comment aborder l’enseignement des religions. On a entendu dire que le ministère de l’Éducation, le Bureau du Premier ministre veulent promouvoir l’éducation interculturelle. C’est dans les discours, mais dans la pratique, cela ne s’est pas répercuté. Il y a là un manquement et c’est là que je dis que ce cours, pour Maurice, est capital pour toute entreprise de nation building. On ne peut pas le faire sans cela.
Au vu des commentaires des examinateurs de Cambridge sur le fait qu’il y a beaucoup de préjugés dans les comptes rendus des candidats, pensez-vous que les divers groupes ethniques se côtoient sans se connaître vraiment ?
On se côtoie à fleur de peau (dans le sens superficiel du terme). C’est là où le rôle du Conseil des Religions a été capital. Pour la première fois, avec ce cours Peace and Interfaith Studies, les portes des mosquées, des temples bouddhistes et hindous, des églises ont été ouvertes non pas que pour des visites mais pour que des gens d’autres fois viennent s’immerger, observer, critiquer, poser des questions et interviewer. Et, ces religions ont accepté que les étudiants en Peace and Interfaith Studies produisent un rapport. Cela a été une première.
À quoi les enquêtes menées sur le terrain par ces étudiants ont-elles abouti ?
Elles ont donné de très bons résultats. Cela a permis de remettre en question beaucoup de choses. Par exemple, les musulmans sont allés chez les chrétiens et ont remis un rapport avec le lens du musulman qui regarde le chrétien faire sa prière, en essayant de comparer.
Quel était le but de leurs visites ?
C’était pour briser les stéréotypes.
Qu’est-ce qui vous a frappé dans les commentaires de vos étudiants ?
Ils étaient tous étonnés.
Ce qui montre qu’ils ne connaissaient pas les religions des autres…
Tout à fait. La deuxième chose qui m’a frappé, c’est qu’ils ne s’attendaient pas à tant de chaleur. En sus de cela, ils ont remarqué beaucoup de similarités. Ils pensaient qu’il n’y avait qu’eux qui pratiquaient certaines choses alors que cette même pratique se fait dans les églises et temples, même avec certaines différences. L’essentiel était partout.
Est-ce que ce cours “Paix et Résolution des Conflits” existe dans d’autres pays sous le même intitulé ?
Oui, ce cours existe à l’Université de Notre-Dame, une université catholique américaine. Il y a également ce type de cours en Hollande, à Washington DC et au United States Institute of Peace. Toutes les grandes universités qui donnent des cours de relations internationales et de diplomatie ont au moins un module sur le conflit des résolutions et religions. Cela a pris de l’ampleur surtout à partir de 2001 avec les attentats à New York. Ce qui m’attriste, c’est qu’à Maurice, dans les programmes de relations internationales et de diplomatie, on n’a pas encore intégré ce composant. Je pense que le ministère de l’Éducation tertiaire aurait tout à gagner à explorer ce créneau.
Qui sont vos étudiants ?
Il y a très peu de jeunes. La plupart sont des personnes qui travaillent déjà et qui ont une prédisposition à l’interculturalité. Il y a quelques religieux également. Mais nous, au niveau du Conseil des Religions, on souhaitait que l’université fasse de ce cours un general elective module et non un standalone module comme cela est offert. Ce n’est pas dans le cursus de l’université. Donc, l’impact est assez limité.
Pensez-vous qu’à l’avenir, ce cours pourrait être proposé à l’université comme un cours à part entière, par exemple, Religions et société, et non pas qu’un module ?
Si on croit dans le concept du Knowlegde Hub et si les institutions tertiaires veulent se mettre en compétition avec les grandes universités, je crois que c’est un des cours qu’on va devoir implémenter. Ce que j’ai remarqué, c’est qu’au niveau tertiaire, on est très stéréotypé à Maurice en termes de développement des cours nouveaux. Il n’y a pas assez de créativité. Ce que je n’arrive pas à comprendre, c’est que l’un des atouts de Maurice, c’est cette pluralité de cultures et de religions et c’est la seule chose dont on ne se sert pas pour en faire un atout. C’est quelque chose qui me dépasse. On a l’expérience, le Conseil des Religions a pu faire le networking. On aurait pu faire des échanges avec les gens aux États-Unis et pour le coup on pourrait leur dire « vous savez, à Maurice, on a tout cela. Pourquoi aller trois mois en Égypte, trois mois dans un autre pays… » En France, où il y a une sorte de séparation totale entre État et religion, à l’université laïque de Strasbourg, on peut étudier la théologie protestante, avoir un diplôme d’État français de théologie. À Maurice, on a tout et on ne peut pas faire cela. Voyez l’ironie…
Quel est l’intérêt de ce type de cours ailleurs ?
L’intérêt consiste à étudier ce qu’est le rôle des religions, de l’ethnicité et comment elles ont un impact sur le social et la politique. Des études sociologiques ont montré que cet idéal de neutralité indifférente, c’est-à-dire, cette indifférence à la différence, a créé des tensions, des ghettos et des disparités sociales qui ont dégénéré en conflits urbains entre différents groupes sociaux. En Angleterre, on a eu les race riots, on a eu des émeutes de banlieue en France. L’élément ethnique a joué un grand rôle dans ces phénomènes.
Votre cours s’intitule Paix et Résolution des Conflits. Comment résout-on les conflits ?
Il y a toujours des techniques traditionnelles telles que la médiation, la diplomatie. Nous, ce qui nous concerne dans ce cours, c’est comment se servir de la communication interculturelle et interreligieuse pour diminuer les passions et promouvoir la coexistence. Un des moyens, c’est ce qu’on appelle l’éducation interculturelle et c’est là que le Conseil des Religions a développé ce cours. Deuxièmement, il y a le combat contre la pauvreté et l’injustice sociale. On a lié violence et injustice sociale. Les deux sont intrinsèquement liées. Troisièmement, on explore les vertical equity et les horizontal equity. Horizontal equity, c’est un peu le même traitement aux personnes se trouvant dans une même situation. Vertical equity, ce sont les affirmative actions, c’est-à-dire, la politique des quotas et de discrimination positive en faveur des défavorisés.
Quand vous parlez de conflit, ce sont des conflits entre religions ?
Les religions ont bon dos. Il y a beaucoup de conflits de ressources naturelles au Soudan par exemple qui deviennent des conflits entre musulmans et chrétiens. Il y a beaucoup de facteurs qui viennent ensemble pour créer une situation de conflits. Parfois, à l’origine, ce ne sont pas des conflits de religion.
Quelles sont les raisons qui, le plus souvent, font surgir ces conflits ?
Il y a une école qu’on appelle l’école de biologie qui nous dit que les raisons sont en fait des facteurs biologiques. C’est une caractéristique biologique pour chaque individu, chaque groupe de protéger son territoire. Des conflits surviennent quand il y a une perception qu’un autre groupe est en train d’empiéter sur son territoire. Là, ça déclenche un conflit. Il y a également une école de primordialistes qui nous dit qu’à la source des conflits, il y a des caractéristiques primordiales, notamment la couleur de la peau, la langue. Et puis, l’école matérialiste qui parle des ressources matérielles. Éviter que les ressources naturelles, par exemple, le diamant dans certains pays d’Afrique, qui auraient dû être un atout pour le développement, deviennent en fait une source de conflits et de sous-développement. Mais, il y a aussi un mélange de toutes ces sources. Il y a toujours des éléments catalyseurs qui enflamment une situation.
À Maurice, quelle est votre perception de la manière dont les religions interagissent et vivent ensemble ? Est-ce qu’on peut parler d’île arc-en-ciel ?
C’est justement ce qu’elle est. Île arc-en-ciel où les couleurs coexistent l’une à côté de l’autre. Il faut qu’on dépasse l’arc-en-ciel et qu’on arrive à être le Mauricien multiculturel.
C’est quoi être Mauricien multiculturel ?
Mauricien multiculturel, non pas dans le sens du syncrétisme et non pas non plus dans le sens de consommation de produits culturels d’autrui, le musulman qui mange des nouilles, le chrétien qui mange le farata ou le “ti pouri”. Mais dans le sens plus profond. Le musulman qui connaît les core values de l’hindou, du chrétien. C’est-à-dire ce qui fait l’essence de l’identité de l’autre et qui en même temps contribue à son identité mauricienne à lui. C’est-à-dire ce qui fait de moi un Mauricien et qui me distingue d’un Londonien qui vit avec bien plus de groupes ethniques. Donc, le Mauricien multiculturel, à part de danser le séga, manger le “ti pouri”, c’est celui qui arrive à comprendre les core values de l’autre. En passant, j’ai été estomaqué quand j’ai appris que Cambridge voulait supprimer l’enseignement de l’Histoire. Vous vous rendez compte ? On n’enseigne pas l’histoire de Maurice à Maurice. J’ai l’impression que le Mauricien a peur d’assumer sa pluralité identitaire. On la vit pourtant dans une certaine mesure. À mon sens, c’est en grande partie la pression sociale. Un exemple : lorsque la Commission Justice et Vérité a voulu avoir accès aux archives du MGI. Ceux qui sont responsables de conserver les documents – pas propriétaires, ils se permettent de dire « On ne peut pas vous donner parce que c’est trop sensible », alors que c’est pour des recherches…
L’écrivain Bhismadev Seebaluck a publié un livre intitulé The shattered rainbow à la suite de février 1999. Pour vous, notre île renvoie-t-elle l’image d’un “shattered rainbow” ou d’un arc-en-ciel encore intact ?
Qu’un arc-en-ciel soit détruit ou pas, la société mauricienne demeure ce qu’elle est en termes d’auto-exclusion des groupes ethniques. On a ce que j’appelle une ethno-démographie. Quand je parle de Plaine-Verte, Lallmatie, Roche-Bois, vous savez à quoi je fais référence. Le “shattered rainbow”, ce n’est pas 1999, c’est 1968. C’est là que s’est faite la fracture sociale. Que le rainbow soit shattered une deuxième fois, je l’accepte. Au Gujarat, en Inde, après le carnage anti-musulman et les hostilités entre communautés en 2002, l’État a monté le Gujarat Harmony Project pour analyser, comprendre et développer des politiques pour favoriser la coexistence. Qu’est-ce qu’on a fait à Maurice ? Quel projet après février 1999 ? Rien.
Quelle analyse portez-vous sur la manière dont nous résolvons nos conflits à Maurice après des périodes de tension ? Est-ce qu’on en ressort avec des séquelles qui demeurent à jamais ou est-ce que les blessures se cicatrisent bien et nous servent de leçon ?
On a une manière très particulière à Maurice. On résout les conflits à travers la médiation des politiciens. Le problème, c’est que ce sont souvent ces politiciens qui sont, à travers leur politique de communalisme, la source du problème. Blessure cicatrisée, je ne crois pas. Parce que pour qu’une blessure soit cicatrisée, il faut qu’on lui mette un pansement. Or, on n’a jamais administré de remèdes. C’est pourquoi quand vous voyez des commentaires comme ceux de Krishnee Bunwaree sur Facebook et ceux de l’éditorialiste Dharma Naëck… Est-ce que ce sont des cas isolés ? Je ne crois pas. Ils ont dit haut et fort ce que d’autres font silencieusement.
En conclusion, la situation est-elle aussi sombre ?
On n’a pas une culture de résolution de conflits cohérente et consistante. Le côté positif, c’est qu’on a un corps religieux, le Conseil des Religions, qui a su développer une politique de résolution des conflits. Il y a aussi un désintéressement des jeunes avec les calculs des politiques et socioculturels qui tentent à chaque occasion de raviver certains conflits. Il y a de l’espoir chez les jeunes mais il ne faut pas se leurrer. En temps de crise où il y a des pertes d’emploi etc., même les jeunes qui ont ce désintéressement se replient sur eux-mêmes. Donc, cette absence de politique est dangereuse.

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