L’autre épidémie

— Ha ben, comment se passe ton confinement, toi ?
— Ayo, je suis mari plein de rester chez moi, je te dis.
— Tu n’es pas contente d’avoir un congé spécial pour t’occuper de
ta maison ?
— Mais je suis plein de m’occuper de ma maison, toi ! Je ne fais que
ça du matin au soir. Je travaille plus que deux bonnes, je te dis !
— Mais qu’est-ce qu’il y a comme ça à faire dans ta maison ?
— Mais il faut tout faire, toi. Avant je disais à la bonne ce qu’il fallait
cuire pour le soir, j’allais travailler et quand je revenais tout était fait.
Maintenant, je dois faire tout ce que faisais la bonne, toi. C’est éreintant, je te dis !
— Ton bonhomme ne fait rien dans la maison ?
— Je préfère pas pour éviter les scènes de ménage. Tu sais comme
il est !
— Mais tes enfants ne peuvent pas te donner un petit coup de main
pour te soulager ?
— J’ai essayé au commencement mais franchement te dire, il vaut
mieux pas.
— Pourquoi ?

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— Quand tu leur dis de faire quelque chose, ils le font, mais tellement
mal que tu dois passer derrière eux pour tout refaire.
— Comme ça, ils sont paresseux et de mauvaise volonté ?
— Ils ne savent pas faire c’est tout. Ils n’ont jamais appris. Ils ont
toujours eu un quelqu’un, moi ou la bonne, pour faire pour eux.
— Ils ne font rien du tout dans la maison ?
— Ils doivent faire leur chambre et mettre le linge sale dans le panier.
Moi, je fais le reste.
— C’est-à-dire tout, quoi ! Tu les soutires !
— Qu’est-ce que tu vas faire toi ? Laisser ta maison devenir une
porcherie ? C’est ma faute, j’ai mal élevé mes enfants.
— Moi aussi c’est pareil, toi. C’est quand ma fille est allée en étude
que j’ai compris que je l’avais mauvais mal élevé.
— Ah bon ? Je croyais qu’elle se débrouillait très bien à l’étranger, moi !
— Maintenant, pas avant.
— Qu’est-ce qui s’est passé comme ça ? Ça tu ne m’avais pas raconté ?
— Franchement te dire, j’avais un peu honte. C’est quand elle est
arrivée là-bas, dans son fl at, qu’on s’est rendu compte qu’elle ne savait
rien faire. Elle a bien mangé sa margoze, crois-moi.
— Qu’est-ce que tu veux dire par elle ne savait rien faire ?
— Rien de rien, toi. Elle n’avait jamais cuit à manger, lavé un linge,
repassé, faire des commissions. Tout ça maman faisait pour elle.
— Comme ça ?
— Elle a fait une dépression, toi. Elle ne mangeait que du pain et du
fromage et de la soupe en conserve. Et en plus elle est allée dans une
ville où on n’a aucun parent ou connaissance chez qui elle aurait pu aller.
— Comment elle a fait alors ?
— Pourquoi tu crois que j’ai pris deux mois de congé sans paye l’année
d’avant ? C’était pour aller lui montrer comment faire. Heureusement
que j’ai pu avoir congé sinon on aurait du la faire revenir. Maintenant
elle se débrouille très bien.
— Hé toi-là ! C’est vrai : on a mal élevé nos enfants.
— On croyait qu’on faisait ça pour leur bien profi te du confi nement
pour faire tes enfants donner un coup de main dans la maison.
— Je vais essayer, mais tu sais quand un arbre a mal poussé que
toi-même tu as fait mal pousser
— Dis-toi qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire. C’est pour leur
bien que tu fais ça.
— Oui, mais ça ne les intéresse pas. Dis-moi un coup : j’espère qu’on
va lever bientôt le confinement ? .
— On ne sait pas toi. Le Premier ministre a dit que le gouvernement
allait se pencher sur la question avant de prendre une décision.
— J’espère qu’ils vont prendre la bonne décision, toi. Je vais prier pour
ça. Mieux : je fais la promesse que je vais faire des neuvaines et apporter
des bougies dans toutes les églises du pays si on lève le confinement.
— Hé toi, il ne faut pas dire des choses comme ça.
— Ce n’est pas une chose comme ça c’est une promesse.
— Mais pourquoi tu parles comme ça ?
— Parce que si on ne lève pas ce confinement, il y aura une autre épidémie dans le pays.
— Quelle autre épidémie encore ?
— Je crois que je suis la seule qui n’en peut plus de rester confinée
avec son bonhomme et ses enfants à la maison ? Je suis sûre qu’on est
des milliers comme ça, foutour va ! Marqué gardé : si on ne tire pas le
confi nement, Maurice va avoir une épidémie de dépression nerveuse !

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