Recensement, respect et partage : Le passé est révolu. L’avenir sera révolutionnaire, on ne sera pas !

RAMA POONOOSAMY

On peut comprendre ceux et celles qui en ont assez des préjugés et des discriminations. Chazal disait qu’à Maurice on cultivait la canne et les préjugés. Notre beau pays, notre peuple admirable, cache bien ses verrues, ses ignominies. Pourquoi tant de haine, tant d’agressivité ? Pourquoi encore ce communalisme, ce castéisme, ces complexes de supériorité et d’infériorité ?  Est-ce le poids de l’histoire, de la colonisation, de l’exploitation des uns par les autres… « L’enfer, c’est les autres », disait Sartre !

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On peut essayer de comprendre les appréhensions des uns et des autres, respecter une opinion mais ne pas être d’accord ! Comme avec la proposition de revenir avec un recensement incluant la question de communauté. Le Mauricien, comme tout être humain, a plusieurs identités. On ne peut l’enfermer dans une unique identité ethnique. Le passé doit servir d’exemple au présent afin d’améliorer l’avenir, disait Remy Ollier. On ne doit pas s’accrocher à une pratique d’arrière-garde, dépassée, pour répondre aux exigences du présent. La solution est dans une analyse de classes de la société mauricienne suivie d’actions politiques visant à promouvoir le cadre de vie des plus défavorisés tout en s’assurant que chacun ait une réelle opportunité d’avancer dans la vie, sans ces tares que sont les préjugés de couleur, de caste, de religion, de sexe ou même du lieu d’habitation.

Nous avons une histoire commune, un destin commun. Notre pays est la somme de tous nos efforts, de tous nos manquements, de tous nos combats, nos défaites, nos victoires ! À l’horizon de la quête de tout être humain : le bonheur, pas seulement individuel mais collectif ! D’où la nécessité d’essayer de comprendre, de respecter, et de partager. Car c’est le propre de l’humanité d’être solidaire et de partager ! Mais il faut aussi combattre l’individualisme outrancier et l’accaparement jouissif comme le résument ces mots pensés mais pas dits : Tou pou mwa, nanyé pou twa !!

Au fait, pour faire simple, deux idéologies s’affrontent toujours à Maurice : celle qui prône l’ouverture, la main ouverte tant pour offrir que pour recevoir ; l’autre, le renfermement sur soi, sur so bann, le poing fermé. Celle de l’écoute, du respect, de la compréhension ; l’autre, de l’indifférence ou de l’intolérance. Celle de l’unité des Mauriciens, de l’acceptation, de l’intégration ; l’autre, du compartimentage, de la division, de l’exclusion !

L’institution de la méritocratie, pas seulement en paroles mais dans la loi et les mentalités, est la seule solution aux risques de dérapages d’une société en compétition, en mal de réconciliation, et qui devrait aspirer au progrès de tous les Mauriciens.

Idéalement, pour l’avancement de la société mauricienne et l’épanouissement de tout un chacun, il est essentiel de pratiquer la politique de the right person in the right place.

Donc, place à la compétence parfumée à l’intelligence émotionnelle ! Les secteurs public, parapublic et privé seraient plus efficaces si on arrivait à instaurer la méritocratie à tous les niveaux. À bas la corruption et le népotisme !  Et vive l’intégrité et l’indépendance d’esprit !

Que faire ? Sinon, la révolution… des mentalités et la remise en question du système et des élites qui reproduisent ce même système.

Aux jeunes de saisir le flambeau !!         

…………………….

AU PARLEMENT

Extraits du discours de Rama Poonoosamy,

Ministre de la Culture, en décembre 1982

… comme cela a été expliqué par le Premier ministre par intérim, l’amendement de la Constitution est proposé aujourd’hui afin de permettre le recensement de la population, dont le dernier a été effectué en 1972.

Rama Poonoosamy en 1982

L’exclusion d’une question de ce questionnaire a fait l’objet de débats au sein du Gouvernement, et le Gouvernement dans son ensemble propose l’amendement qui est devant nous cet après-midi. La question, posée en 1972 et dans les précédents recensements, concernait l’appartenance communale du Mauricien dans la mesure où la Constitution de notre pays prévoit quatre communautés, et une question y relative était inscrite dans le questionnaire du recensement. La question était posée en 1972. Si l’Assemblée vote l’amendement, à l’unanimité je l’espère, la question ne sera pas posée en 1983. Mais j’admets que l’exclusion de cette question du questionnaire du prochain recensement et le petit amendement –  le tout petit amendement à la Constitution qu’elle nécessite – ne signifient nullement la fin du communalisme ; mais cette mesure, comme l’a si bien expliqué le Ministre des Finances, s’insère admirablement dans un plan d’ensemble de l’action du gouvernement afin de consolider l’unité du peuple mauricien. Mais ce progrès, cette marche du peuple mauricien vers cette unité, a été marqué pendant ces dix dernières années par deux facteurs qui valent bien la peine d’être soulignés ici.

Il y a d’abord un élément que, jusqu’à maintenant, personne n’a mentionné : c’est-à-dire le développement remarquable de la conscience de classe. Au niveau du peuple mauricien, il y a, bien sûr, la réalité des classes sociales que certaines personnes voudraient parfois escamoter. La réalité sociale est telle qu’avec la lutte politique menée depuis déjà treize ans par le MMM et d’autres partis qui ont aidé dans le développement de cette conscience de classe, il y a eu recul du sentiment d’appartenance à une communauté… Durant ces dernières années, et avant cela dans les années 60, certaines personnes avaient délibérément manipulé des intérêts de classe afin de les confondre avec des soi-disant intérêts de communautés et ceci afin de préserver certains intérêts de classe bien précis. Mais heureusement, avec la conscience de classe, avec le développement de prises de position en fonction de certaines situations de classe précises, le communalisme a reculé et le peuple mauricien, dans son ensemble, est plus apte aujourd’hui à penser politiquement en fonction de sa situation de classe.

Le deuxième élément dont je voudrais faire mention cet après-midi, c’est qu’en même temps qu’il y a eu ce développement de la conscience de classe, il y a eu l’émergence merveilleuse de l’idée et de l’idéal “enn sel lepep enn sel nasion”… et qui a pu mobiliser tout un peuple durant les élections générales de juin 82…

L’idéal “enn sel lepep enn sel nasion” se trouve à l’horizon de notre lutte. C’est un idéal auquel chaque Mauricien, imbu de mauricianisme, à l’intérieur de cette Chambre et en dehors, aspire. Si l’on veut passer à une étape significative de notre développement en tant que peuple, en tant que nation, il y a une dimension culturelle à ne pas négliger, importante à tout développement social et économique. Dans ce sens, cette entité mauricienne, cette consolidation de l’unité mauricienne, se trouverait dans l’échange au sein du peuple mauricien, dans le respect mutuel qui se développe, dans la compréhension tellement nécessaire… “Penser mauricien    ceci est un idéal vers lequel ce Gouvernement estime être son devoir de se diriger, parce qu’un Gouvernement, M. le Président, a une responsabilité vis-à-vis du peuple d’abord dans l’identification de ses aspirations profondes et ensuite en mettant tout en œuvre au niveau de la Constitution, au niveau des institutions, au niveau de la vie de tous les jours, afin que le peuple mauricien puisse réaliser ses aspirations, afin que cette terre mauricienne puisse, justement, apaiser sa soif d’unité…

Il y a, d’abord, le recul du communalisme au niveau du sport, qui est extraordinaire dans la mesure où cela assainit le sport là où il était pratiqué, au stade George V et ailleurs et qui, en même temps, démontre clairement qu’il n’est pas question de choisir les membres d’une équipe sportive en fonction de l’appartenance communale… qu’il n’est plus question de former des équipes, pas seulement sportives, en fonction de leur appartenance communale. Ceci, c’est en partie le passé, c’est en partie le présent ; mais, à l’avenir, je l’espère, ces considérations ne seront plus prises en compte…

Aujourd’hui, les partis politiques ont une vision de l’an 2000    nous ne pouvons entrevoir dans quinze ans, dans trente ans, ce qui restera de la politique des années 60, des années 70. Le peuple a voulu tout effacer le 11 juin 82. Malheureusement, il y a encore quelques tâches qui prendront du temps et je suis tout à fait d’accord qu’il y a ce qu’on appelle l’évolution du peuple mauricien vers son unité…

… il y a le recul du communalisme au niveau de la politique et au niveau de la vie de tous les jours dans la mesure où le Mauricien accepte davantage son voisin ; et cette petite méfiance, cette petite animosité qui, parfois, lors de tensions politiques ou communales, ont tendance à s’intensifier    ces petits éléments ont tendance maintenant à disparaître, et vont disparaître dans le cours de l’histoire…

Au niveau de l’emploi, M. le Président, nous savons ce qu’était le passé, comment au niveau de l’emploi, il y avait discrimination. Aujourd’hui, tout un effort est fait par tout un peuple, avec son Gouvernement, pour appliquer la philosophie de la méritocratie afin que celui qui le mérite obtienne ce qui lui est dû. Par rapport à l’emploi, il y a un effort à faire, au niveau du secteur privé surtout, mais aussi du secteur public. Afin que chaque Mauricien ne se sente pas réduit dans une communauté quelconque, et exclu de par cette considération.

M. le Président, que nous réserve l’avenir ? Je disais, au début de mon discours, que dans le recensement de 1972, la question était posée et que, pour le recensement de 1983, la question d’appartenance communale ne sera pas posée, et mon rêve –  et je crois que c’est le rêve de tout Mauricien –  c’est qu’à l’avenir, la question ne sera plus posée. Merci, M. le Président.                                     

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Légende photo

Rama Poonoosamy en 1982 (Crédit photo: François Lim)

Légende Crop Archives

Extrait de l’édition du « Mauricien » du mercredi 15 décembre 1982

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