ROOMA MEETOO (mairesse de Quatre-Bornes) : « Nous sommes encore en rodage »

La réunion du conseil qui devait avoir lieu ce vendredi a été renvoyée. La mairesse de Quatre-Bornes ne travaille-t-elle pas le jour de la fête des femmes ?
Pas du tout. Je travaille tous les jours de 8h30 à 16h30, quand il n’y a pas de réunions après. Ce renvoi, qui a été fait sur proposition des cadres qui disaient redouter des absences, m’a un peu ennuyée et je l’ai fait savoir. Toutes les réunions ont été du coup décalées et vont nous faire perdre un temps précieux.
Vous qui administrez la ville de Quatre-Bornes depuis décembre dernier êtes en fait native de Rose-Hill…
Je suis effectivement née à Rose-Hill dans une famille nombreuse et mon père exerçait le métier de chemisier et son atelier était situé près du poste de police. Je fais partie d’une famille très engagée politiquement. Je me souviens avoir assisté à un meeting politique d’Anerood Jugnauth alors que j’étais gamine. Nous étions travaillistes mais quand le MMM est arrivé nous sommes devenus mauves. D’ailleurs, à l’époque de mon mariage, mon fiancé, qui militait au sein du MMM, était recherché par la police alors qu’un de mes beaux-frères, Ramesh Sreekisson, était en prison avec Paul Bérenger. Je fais partie d’une famille de militants et un des plus beaux jours de ma vie a été le 11 juin 1982, le jour des premiers 60-0. J’ai même écrit un poème à cette occasion pour décrire la victoire des blancs et mauves et le meeting de remerciements au Champ de Mars.
Comment êtes-vous passé de militante du MMM à militante du MSM ?
Beaucoup de militants de sont retrouvés dans la même situation. Au moment de la cassure de 1983, mon mari a quitté le MMM pour le MSM et je l’ai suivi en restant dans l’ombre parce que j’étais fonctionnaire. Mais la vision de l’avenir du MMM et du MSM est la même et je fais partie de ceux qui ont applaudi, à deux mains, au Remake 2000 qui réunit ces deux partis politiques.
Vous avez donc été militante convaincue. Pourquoi ce n’est que maintenant que vous vous lancez dans la politique active ?
En raison de ses convictions politiques, mon mari n’a pas eu le job auquel il avait droit de par ses diplômes dans le secteur public. Il a été contraint de rester dans le privé pour pouvoir faire de la politique. Nous avions trois enfants à élever et envoyer faire des études et il fallait que l’un de nous ait un emploi stable. Je n’ai pas fait de la politique mais j’étais politisée par mes écrits et mon engagement littéraire. Je n’ai pu me lancer dans la politique active qu’après avoir pris ma retraite professionnelle. J’ai aussi été obligée de rester dans l’ombre à cause de la répression contre les proches de l’opposition. Mais je crois que c’est encore plus fort aujourd’hui avec les dénonciations et les menaces. D’ailleurs, pour moi, tout cela est un signe de faiblesse du pouvoir. Quand on est fort on n’a pas besoin de menacer, d’empêcher de parler ou de critiquer. C’est quand on sent que le terrain glisse qu’on adopte cette attitude
On est venu vous chercher ou vous avez fait acte de candidature pour les municipales ?
Tout a commencé part une plaisanterie lors d’un dîner. On disait qu’il fallait que plus de femmes s’engagent en politique. En particulier pour les élections municipales avec la proportionnelle qui avait été introduite dans la nouvelle loi. Je me suis entendu dire pourquoi pas moi, ce qui a surpris toute ma famille. Ma question a été répétée au sein des instances dirigeantes du MSM et j’ai été choisie pour être candidate à Quatre-Bornes, où j’habite maintenant.
Vous avez été choisie pour vos capacités ou parce que vous êtes l’épouse d’un notable du MSM ?
J’espère que j’ai été choisie pour mes compétences, pour mon engagement à mon niveau. Il faut savoir que j’ai aussi été responsable de La Ligue Féministe quand Shirin Aumeeruddy a été nommée ambassadrice à Paris. Mais je ne renie pas le fait d’avoir un mari politicien que j’ai toujours épaulé. Le fait que mon mari ait fait de la politique m’a aidée pendant la campagne électorale parce qu’il a laissé une bonne image aux postes qu’il a occupés dans le passé, notamment dans la diplomatie et à la tête des institutions comme le MGI et le MIE. Je dois dire que j’ai aussi accepté la proposition d’être candidate aux municipales pour faire avancer l’idée du Remake 2000. Car remporter les municipalités c’est déjà faire un énorme pas en avant pour les prochaines élections générales, pour amener un vrai changement.
Comment était votre première campagne électorale en tant que candidate ?
J’en avais déjà vécu, mais pas en tant que candidate. Ça a été une campagne civilisée, excepté les derniers jours où les activistes de l’autre côté se sont montrés assez agressifs. Je suppose qu’ils se rendaient compte, comme nous d’ailleurs, que les habitants de Quatre-Bornes en avaient assez de l’équipe qui gérait leur ville depuis sept ans et voulaient s’en débarrasser. Je peux vous dire que les habitants de la ville étaient contents d’avoir enfin une alternance. Non seulement ils l’ont dit mais ils l’ont fait dans cette ville, qui est traditionnellement travailliste.
Cette ville avait également un nombre impressionnant de scandales…
Je crois que cela était surtout du à l’ingérence dans le fonctionnement de l’administration. À une désorganisation totale du travail qui a provoqué une espèce de léthargie chez les employés municipaux.
Revenons un moment à la parité hommes-femmes au sein de la municipalité. Quelle est la situation au niveau des élus a Quatre-Bornes ?
Laissez-moi vous dire, avec fierté, que les femmes sont majoritaires à Quatre-Bornes. Non seulement c’est la seule ville du pays dirigée par une femme, mais nous avons également huit conseillères pour sept conseillers. Malheureusement, ce n’est pas la même chose au niveau du personnel administratif, comme c’est le cas au niveau national d’ailleurs.
Vous attendiez-vous à être choisie comme mairesse ?
Jamais de la vie. Il y a plusieurs de mes camarades conseillers qui auraient pu faire de très bons maires. Et d’ailleurs je bénéficie de leur aide et de leur soutien pour mener à bien ma tâche. On avait besoin d’une élue MSM et comme je suis la seule à Quatre-Bornes, j’ai été choisie pour le premier mandat. Mais cela étant, je ne suis pas une marionnette ou une potiche.
Y a-t-il des problèmes au sein du groupe majoritaire MSM-MMM comme on le prétend ici et là ?
Non ! C’est surtout l’opposition qui répand ces rumeurs pour tenter de nous affaiblir. Mais nous sommes encore en période de rodage et nous devons nous ajuster. Nous avons hérité d’une situation catastrophique, des macadams ont été laissés pour nous, notre budget a été réduit et nous devons faire fonctionner la ville. Nous ne sommes en poste que depuis la fin du mois de décembre, mais nous commençons à trouver notre rythme. Il faut surtout éviter de nous diviser, de nous laisser manipuler par l’opposition, qui n’attend que ça pour nous faire échouer.
Quelles sont vos relations avec l’opposition municipale ?
Je suis en très bons termes avec les membres de l’opposition, ce qui semble gêner certaines personnes. Les élections sont derrière nous et tous les conseillers ont été élus par les habitants pour administrer la ville. Je ne veux pas entrer dans des conflits et si les conseillers de l’opposition veulent aider la ville, ils sont les bienvenus. Mais je sais que cette manière de faire ne plaît pas à tous, même dans le camps de la majorité à Quatre-Bornes, et on me le reproche.
On dit pas mal de choses sur votre gestion. Entre autres que vous êtes lente, hésitez à prendre de décisions, surtout dans l’affaire du bâtiment qu’on est en train de construire à Ébène sans tous les permis municipaux. Êtes-vous lente ou avez-vous peur de prendre des décisions, madame la mairesse ?
Je ne suis ni lente ni peureuse. Je veux procéder pas à pas, dans la légalité, pas en brûlant les étapes. Même si pendant mon mandat on n’a fait que jeter des jalons, ce sera au moins ça de fait et ceux qui viendront après moi continueront le travail. Il ne faut pas oublier que j’arrive ici après sept ans d’immobilisme, de gaspillages et de scandales que nous avons dénoncés tout au long de la campagne. Il ne faut pas oublier que cette municipalité se trouve dans un état catastrophique après sept ans de maladministration, dont la dernière en date a été l’affaire de la collecte des ordures.
Qu’est-ce que c’est que cette affaire-là ?
Quelques semaines avant les élections la précédente administration a résilié le contrat du contracteur qui s’occupait de la collecte des ordures dans la ville pour le remplacer par 89 éboueurs. Il a fallu les motiver alors que la saleté s’amoncelait dans la ville à la fin de décembre. Quand nous sommes parvenus à les motiver, on s’est rendu compte que presque tous les camions de la voirie étaient en fin de série et difficiles à réparer. Pour faire face à la situation, nous avons dû commander deux compacteurs qui arriveront en avril, ainsi que deux autres camions. Et laissez-moi vous dire qu’il n’y avait pas de chauffeurs pour ce genre de véhicules à la municipalité.
Vous êtes en train de dire que la précédente administration a résilié le contrat de celui qui faisait la collecte des ordures de la ville sans s’assurer que la municipalité pouvait continuer le service ?!
C’est exactement ce qui s’est passé. Les gangmen, les supervisors et les chauffeurs ont été remplacés par 89 éboueurs qui n’ont pas l’expérience du métier et qui venaient s’asseoir à la municipalité et être payés. C’étaient pour la plupart des petits copains.
Pourquoi les avez-vous gardés ?
Parce que je ne pouvais pas faire autrement. J’ai dit une fois publiquement que j’avais demandé au ministre Aimée de reprendre les 89 éboueurs et de les caser dans son ministère et de nous permettre de reprendre les compagnies privées. Si le ministère acceptait cette proposition, tous les problèmes d’ordures de Quatre-Bornes seraient immédiatement réglés. Mais cela ne dépend pas de nous. Je me demande d’ailleurs si l’embauche de ces pseudos éboueurs n’est pas un des macadams installés par l’administration précédente pour nous gêner. Car pour l’opposition, le plus longtemps les habitants de la ville ne sont pas satisfaits du service de la voirie, le mieux c’est pour elle politiquement. Mais nous sommes en train de régler le problème en faisant avec ce que nous avons. Et je ne vous parle pas de la réduction du budget municipal de 40%.
Encore un cadeau de l’administration centrale ? Donc, quand Xavier Duval disait que voter pour l’opposition allait paralyser les villes, il savait de quoi il parlait…
Je ne parle que pour Quatre-Bornes. Notre budget a été réduit drastiquement de 40%, ce qui nous pose des problèmes. Par exemple, au niveau des subventions que la municipalité accorde aux associations pour la célébration de certaines fêtes religieuses et des associations de vieux, des femmes. Cela est très mal pris et il nous faut expliquer que ce n’est pas de notre faute et que tout découle de la réduction de notre budget de 40%. Tout a été fait pour bloquer le fonctionnement du système de voirie, ce qui ne pouvait manquer de provoquer la colère, justifiée, des habitants. En raison de ces macadams, nous sommes obligés d’avancer pas à pas pour essayer de faire un bilan de l’héritage et prendre les premières mesures pour faire face à la situation. Nous bénéficions dans cette tâche du personnel municipal qui semble, et c’est normal, plus content de travailler dans un système transparent au lieu de faire dans l’à-peu-près. Comme vous le voyez, je ne suis pas lente, mais c’est la situation qui me force à avancer avec précaution pour éviter les pièges.
Le blocage de la voirie est certes un problème délicat. Mais est-ce la même chose pour le bâtiment qu’on est en train de construire à Ébène sans les permis ? Pourquoi ne pas avoir demandé un stop order comme cela vous a été conseillé ?
Cette décision nécessite un rapport de nos conseillers légaux.
Mais vous n’avez pas changé de conseillers légaux depuis votre arrivée à la municipalité en décembre ?
Ce n’est pas une décision à prendre au petit bonheur. Depuis janvier, j’ai demandé conseil aux instances de deux partis qui contrôlent la municipalité pour que nous changions de conseillers légaux. En attendant, nous avons décidé dans la majorité de faire les choses avec prudence pour rester on the safe and legal side.
Vous n’avez pas demandé aux conseillers légaux, qui n’ont pas encore été remplacés et qui continuent donc à être payés, un avis légal sur cette affaire ?
Dans la mesure où nous allons bientôt les remplacer, nous préférons ne pas leur demander un avis. Le problème, si c’en est un, c’est que le MMM-MSM veut faire les choses comme il faut, dans la légalité et le respect des lois. Concernant l’affaire Elite Tower, nous avons constaté des lacunes dans le dossier, mais nous ne voulons pas prendre une décision rapide et spectaculaire sans être sûrs de son bien fondé. Nous ne voulons pas prendre une décision qui pourrait être renversée demain. Je sais que cela prend du temps, mais cela est nécessaire pour bien faire les choses.
Quelles sont vos relations avec le ministre des Administrations régionales ?
Elles sont bonnes, d’autant qu’il a déclaré après les élections qu’il n’allait pas bloquer le fonctionnement des municipalités.
Vous l’avez cru ?
Je l’ai entendu en tout cas. Pour répondre à votre question, je n’ai aucun problème avec le ministre des Administrations régionales puisque je respecte la loi.
Quelle est votre principale difficulté en tant que mairesse ?
La réduction du budget qui influe sur tout. Nous devons tout contrôler, tout réduire au niveau financier face à cette situation. La première des priorités c’est que la ville soit propre, nettoyée de ses ordures, des drogués, des prostituées, de la délinquance, des marchands ambulants. Notre calendrier de travail est le suivant : restructurer le service de la voirie et nous pourrons effectuer un ramassage par semaine dans toute la ville d’ici au mois d’avril. Nous allons ensuite nous occuper des drains qu’il faut absolument revoir avec le changement climatique en cours. Il y a eu beaucoup de constructions sauvages — parfois sur les drains naturels — dans la ville. Nous sommes en train de préparer un plan pour remettre de l’ordre dans la ville à ce niveau et prendre des mesures légales contre les constructions faites sans permis. S’il le faut, nous irons jusqu’à la destruction de ces constructions.
Et la circulation dans le centre ville de Quatre-Bornes, qui est devenu un parcours du combattant, vous y avez pensé ?
En dépit de nos moyens réduits — de 40% — nous avons réussi à identifier des terrains municipaux où nous allons faire construire des marchés de quartiers, ce qui va nous permettre de décongestionner le marché de Quatre-Bornes.
Faites attention, une des activités favorites des anciens conseillers était de revendre les étaux des marchés…
Vous avez bien dit, anciens conseillers. Nous ne sommes pas allés aux élections pour faire ce que nous reprochions à nos prédécesseurs. Nous allons construire un nouveau marché central à Quatre-Bornes…
Cela fait des années que les habitants de Quatre-Bornes entendent cette chanson. Chaque nouveau maire chante la même rengaine au début de son mandat…
Cette fois-ci ce sera différent. Je ne vais pas vous donner les détails du projet. Mais je vais vous annoncer qu’en dépit de la coupure budgétaire, nous avons pu trouver de l’argent pour le financement de la construction. Avec la collaboration de mes collègues et du personnel, je crois que nous allons offrir quelque chose de concret avant la fin de l’année au niveau du marché, qui est un des plus fréquentés de l’île. La décentralisation va faire diminuer le trafic et provoquer une décongestion et beaucoup de choses auront changé au centre de Quatre-Bornes d’ici à la fin de l’année.
Est-ce un projet ou une promesse ?
C’est un engagement que nous mettrons en chantier dans quelques mois. Notre période de rodage arrive à sa fin, nous mettrons à exécution le plan dont je vous ai parlé. D’autant que nous aurons un nouveau budget dans quelques mois qui va nous permettre d’aller plus loin.
Revenons à vous pour terminer. What next au niveau politique ? Une candidature aux prochaines élections générales ?
Franchement, non. Je suis devenue mairesse dans un contexte précis. J’aime bien ce que je fais, j’estime pourvoir le faire, mais je n’ai pas l’ambition d’aller plus haut politiquement. Après mon mandat, je continuerai à travailler, comme conseillère, pour l’avancement et le progrès de ma ville et de mon pays. Et ce sera encore meilleur avec un gouvernement MSM-MMM qui, j’en suis convaincue, va remporter les prochaines élections. Nous avons, en fait, une double mission : bien gérer la ville pour le bien-être des citadins, mais aussi démontrer la solidité du Remake 2000.

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