SOCIÉTÉ-NOTRE ILE: Du Rêve à la Sordide Réalité. Images à la dérive

Au prime abord, l’image de notre pays.
Qui reprendrait aujourd’hui, à ce sujet cette « Invitation au Voyage » de Baudelaire
Mon enfant, ma soeur,
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !

… …..
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,

Luxe, calme et volupté.
« Ordre et Beauté » : Tout est le contraire. Les classements mondiaux récents pointent tous vers la stagnation, sinon la dégringolade de l’île Maurice sur la carte du monde. Naguère « Clé et Étoile de l’océan Indien » dans le domaine touristique, épitomé de ce « Luxe, calme et volupté » dont parle Baudelaire, l’image de l’île s’est effritée, lézardée, ouvrant un gouffre dont personne ne cherche à prendre la mesure. Les adeptes des théories du complot y verront des signes délibérés de brader l’image même de l’île, son slogan raté, son festival frivole, ses plages dénaturées, envahies d’ordures, interdites d’accès, ses rues et tunnels criminels….. A qui profite le crime ? Nos concurrents les plus sérieux de la région avec comme complices des fils du sol ? Et tout cela en toute bonne conscience.
On le sait toute destination, tout lieu doit porter le rêve, l’entretenir (Cf. G. Bachelard, « La Poétique de l’Espace »). Sans le rêve, sans cette alchimie des sens, de l’imagination et du désir, les plus beaux paradis du monde comme les plus beaux spécimens de l’espèce humaine tombent dans l’univers inanimé d’éléments fossilisés, voués à la disparition.
L’île Maurice a su avec talent et courage (sans doute dans les temps préhistoriques pour nos jeunes générations) surmonter ses limites pour construire un « obscur objet de désir » dont Carrère (scénariste avec le réalisateur Bunuel) disait « Certaines fois […] c’est du désir dont nous sommes désireux, nous aimons être à un état de désir, un état qui nous élève au-dessus de la platitude coutumière de la vie…. »
Le Désir : cet ineffable effort de réduction d’une tension issue d’un sentiment de manque et en ce sens, comme le disait Platon dans Le Banquet, « on ne désire que ce dont on manque »… Mais au niveau individuel comme au niveau d’une société, nos désirs ont vite été saturés, d’une part, grâce à un envahissement de sollicitations, les unes plus alléchantes et matérialistes que les autres, d’opportunités faciles, consommables à la va-vite, d’autre part, en compensation de nos lâchetés, de nos peurs d’être rejetés, abandonnés. Nous achetons l’amour. On prend, on réclame, on laisse et délaisse. L’image trop vite devenue réalité à la portée de tous s’est banalisée. L’objet est devenu substituable ; il n’est plus déterminé dans sa singularité. Il a perdu sa dimension symbolique nécessaire qui, sans frontière, se nourrit de vide et de manque. L’île Maurice comme n’importe quel objet de désir n’a pas su élargir le rêve et du désir de beau, d’élévation de l’esprit, fait dans le sordide.
Nous sommes tournés vers nous-mêmes, médiocres et pauvres d’intelligence réelle. Nous cultivons le désir mimétique (René Girard) à l’exemple d’enfants qui se disputent des jouets semblables, toujours en situation d’imitation d’un autre désir, toujours dans la convergence de désirs de paraître et de faire valoir ce qui n’est pas.
Images d’enfants et de personnes âgées violés, subissant les atrocités de la part d’adultes cédant à la violence de leurs pulsions, sans éducation du désir et du manque… tant d’images de la misère économique, sexuelle que relaient les médias.
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
« Malheur à celui qui n’a plus rien à désirer »disait Rousseau (Julie ou la Nouvelle Héloïse).
Malheur au pays qui n’a plus de rêves à offrir.

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