TEACHERS’ DAY : Le statut de l’enseignant ébranlé par les affaires de moeurs

L’année 2013 a été marquée par plusieurs scandales de moeurs impliquant les enseignants et leurs élèves. Du coup, c’est l’image même de l’enseignant, qui jusqu’ici représentait un role model, qui est remise en question. Alors qu’on célèbre aujourd’hui la journée des enseignants, ce sujet revient au coeur des discussions. La General Purpose Teachers Union (GPTU) a pris les devants en interpellant les membres de la profession sur leur sens de responsabilité. De son côté, la GTU observe une dégradation sociale qui a un impact non négligeable sur le milieu scolaire. Tous sont d’avis qu’il est grand temps de revoir la formation et de revaloriser le métier, afin de redonner à l’enseignant son statut dans la société.
Cette année, les célébrations pour la journée des enseignants seront assombries par les différents scandales qui ont secoué ce secteur depuis le début de l’année. Si les allégations de pédophilie ou de SMS indécents ne concernent que certains enseignants, c’est toute la profession qui souffre des critiques qui en découlent. Valeur du jour, les parents sont méfiants et le regard que porte la société sur les enseignants n’est plus le même. « Dans toutes les professions il y a des brebis galeuses, malheureusement, cela suffit pour jeter de la boue sur l’ensemble de la profession », regrette Vinod Seegum, président de la Government Teachers Union.
La situation à Maurice cadre parfaitement avec le thème choisi par l’UNESCO pour cette célébration 2013 : A call for teachers. Cet appel pour les enseignants et enseignantes, souligne Sunil Jhugroo, président de la GPTU, démontre que la profession est en train de perdre son statut. « De nos jours, on entend toutes sortes de remarques négatives à l’égard de l’enseignant. Ce thème de l’UNESCO appelle à rétablir le statut de l’enseignant, non seulement pour le bien des élèves, mais pour la société en général. »
Sens de responsabilité
Sunil Jhugroo reconnaît, cependant, que des manquements, voire des égarements ont été notés ces derniers temps. « Je condamne sévèrement ceux qui sont responsables d’actes dégoûtants. On ne peut tolérer ce genre de comportement qui ternit l’image de la profession. Si aujourd’hui les gens n’ont plus de respect pour les enseignants, ces derniers sont parfois responsables. C’est pour cela que j’appelle au sens de responsabilité de tout un chacun. »
Le président de la GPTU rappelle que l’enseignant a un rôle important à jouer étant donné qu’il va façonner l’avenir de l’enfant. « Les parents lui font aussi confiance en lui confiant leur enfant pendant toute la journée, soit de 9 h à 15 h3 0. Il faut honorer cette confiance. L’école doit être un endroit sécurisé. »
Sunil Jhugroo invite également à condamner sévèrement les comportements qui ne font pas honneur à la profession. Il demande au ministère de l’Éducation de se montrer plus ferme de ne pas céder aux pressions des syndicats. « La plupart du temps, quand il y a un problème avec un enseignant, il est transféré ailleurs. Après quelque temps, le même problème se produit. »
Il cite l’exemple d’un enseignant transféré d’une école des Plaines-Wilhems pour une affaire de moeurs qui a fait grand bruit dans le courant de cette année. « Les parents ont contesté sa présence dans l’école où il avait été transféré. Cette fois-ci, on lui a donné un job au ministère. Est-ce qu’on appelle cela une sanction ? »
Sunil Jhugroo cite encore le cas de l’enseignant d’une star school suspendu en plein troisième trimestre suite à une plainte portée à la police par les parents d’une élève. « Pourtant, nous avions alerté le ministère sur le comportement de cet enseignant depuis longtemps. Si on avait agi à temps, nous n’en serions pas là. »
À ce sujet, certains se demandent où sont les comités disciplinaires censés prendre des sanctions contre les enseignants qui ont fauté. Shirley, qui assure le service d’écoute dans un collège d’État, regrette que souvent, les rapports restent dans les tiroirs. « Quand un élève nous rapporte quelque chose, nous alertons tout de suite les autorités. Mais bien souvent, on ne voit aucune action. »
Impunité
Même quand des actions sont prises, laisse-t-on comprendre, la plupart du temps, l’enseignant incriminé est suspendu et continue à percevoir son salaire jusqu’à ce que le comité disciplinaire prenne une décision sur son cas ou que l’affaire passe en cour. On cite le cas d’un enseignant qui a été suspendu pendant des années jusqu’à l’âge de la retraite…
Dans un autre cas plus récent, un prof du secondaire qui a un lien avec une personnalité haut placée, a changé de collège une dizaine de fois ces dernières années. À chaque fois, il est parti pour les mêmes raisons.
Sunil Jhugroo est d’avis que le ministère doit envoyer un signal fort aux fautifs, afin de prévenir les autres et ainsi imposer le respect de la profession.
Vinod Seegum invite lui à revoir le mode de recrutement et la formation des enseignants. « Si on veut rétablir le statut de la profession, il est important de prendre en considération l’évolution de la société. Il faut trouver un moyen de faire le tri entre ceux qui ont la vocation et ceux qui embrassent ce métier faute d’autre. La formation doit également s’adapter aux nouveaux défis. »
Ravin Ramjee, président de l’Association of Rectors and Deputy Rectors of State Secondary Schools, abonde dans le même sens. Outre la formation de base, il est d’avis que les enseignants doivent bénéficier d’un “regular coaching”. Ce qui leur permettrait de s’adapter aux situations qui se présentent au fil de leur carrière. « Imaginez un jeune de 22-23 ans qui se retrouve à travailler dans un collège de filles. Cela relève d’un véritable challenge pour lui. »
Pour lui, le ministère doit revoir son mode de recrutement et privilégier ceux qui sont “committed.” Il soulève la question des supply teachers, formule choisie pour remplacer les enseignants partis à la retraite. « Ceux-ci sont sous contrat et ne sont pas accountable to the establishment. Tout comme il faut une formation continuelle, il faut aussi plus de motivation pour les enseignants. »
Rétablir le respect
Le président de la GTU rappelle pour sa part le rôle fondamental de l’enseignant : « C’est lui qui façonne l’éducation des enfants mauriciens et l’avenir du pays. Il n’y a pas de progrès sans éducation. »
C’est pour cela qu’il appelle au respect de la profession même si son image a été ternie par ce qu’il appelle des « brebis galeuses. » Il fait également ressortir que bien souvent, les enseignants sont également victimes dans l’exercice de leur fonction. « Tous les jours on entend des cas d’agressions sur les enseignants. Rien que cette semaine, j’ai été appelé en trois occasions pour intervenir dans des écoles suite à de tel incidents. »
L’insécurité est également ressentie dans le secondaire avec nombre de cas d’agression répertoriés. « Aujourd’hui, les gens n’ont plus de respect pour l’enseignant. Certains parents se croient tout permis. Ils débarquent à l’école à n’importe quel moment pour voir le prof et même le recteur. »
Si les autorités leur demandent d’avoir recours à des “gatekeepers” pour régler ce genre de problème, Ravin Ramjee souligne que bien souvent le staff est insuffisant pour cela. « Les caretakers ont déjà une série de tâches à remplir et ils doivent également surveiller l’entrée. Le mieux serait de recruter davantage de personnel non enseignant dans les collèges pour gérer tout cela. »
Pour Vinod Seegum, la violence constatée dans la société se répercute souvent dans le milieu scolaire. Il cite le cas d’une enseignante qui a été giflée par son élève. « Cela démontre la dégradation des valeurs. »
Il ajoute qu’il y a des années, alors qu’Armoogum Parsuramen était ministre de l’Éducation, il avait fait des propositions pour l’introduction des valeurs morales à l’école, mais cela ne s’est pas concrétisé. « Si on avait enseigné les valeurs morales il y a 25 ans de cela, nous n’en serions pas là aujourd’hui. »
Il fait ressortir que de nos jours, le système est hautement compétitif et l’accent est mis particulièrement sur les matières académiques. « Il y a peu de temps pour les side subjects, même si l’actuel ministre veut en introduire. Les enseignants tout comme les élèves sont braqués sur les examens. »
Tous les intervenants sont unanimes à reconnaître qu’il faut aujourd’hui revaloriser la profession, afin que l’enseignant puisse jouer pleinement son rôle dans la société. La GPTU plaide pour la mise en place d’un Education Council, qui aurait pour responsabilité, entre autres, de contribuer au monitoring du progrès pédagogique, de promouvoir l’épanouissement des enseignants et d’élaborer un code d’éthique pour la profession. « Le ministre de l’Éducation rentre de la Finlande, j’espère qu’il nous rapporte de bonnes résolutions qui permettront à la profession d’avancer », conclut Sunil Jhugroo.

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